Rapport commission Attali: Il y aura un "avant" et un "après" RAPPORT ATTALI
La
mise en œuvre du rapport Attali montrera la capacité de Sarkozy à incarner la
rupture
25/01/2008 Le Figaro
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L'analyse
de Claire Bommelaer, journaliste au service Politique.
Jacques
Attali avait prévenu que son rapport serait sans tabous ni préjugés. Pour
preuve, les 43 membres de sa commission
ne sont pas tous issus du même moule : on trouve autant « d'experts
et d'énarques » que de chefs d'entreprise ou de syndicalistes, des gens
marqués à gauche comme à droite. Il y a même quelques personnalités étrangères.
À
en croire le nombre de réactions, passionnelles souvent, contradictoires
parfois, on comprend que cet épais ouvrage dérange la droite comme la gauche,
et fait bouger les lignes politiques.
On pensait que la droite,
dans le droit fil du président de la République qui s'est dit d'accord
« pour l'essentiel » avec les 316 propositions, apporterait
« pour l'essentiel » son soutien aux préconisations d'Attali.
Mais hier, et avant-hier,
les sceptiques issus de la majorité se sont fait entendre. À commencer par deux des
chefs de file de l'UMP, Jean-François Copé et Jean-Pierre Raffarin. Le premier,
patron du groupe UMP à l'Assemblée, a prévenu : « Il n'y aura pas de
chèque en blanc » des députés de la majorité. Le second, vice-président
de l'UMP, a tout juste mis « la moyenne » à ce rapport, le qualifiant
même « d'hémiplégique ».
De
son côté, le ministre du Travail, Xavier Bertrand, a reconnu n'être « pas
emballé » par la proposition consistant à conditionner les prestations
familiales aux revenus des ménages.
«
Étouffe-chrétien », « rapport déconnecté du réel » , liste de
« recettes libérales classiques » À gauche aussi, on entend, de
façon plus attendue certes, un concert de critiques. Mais Ségolène Royal qui a
eu le privilège de recevoir le document dès hier soir en mains propres, a donné
un coup de pied dans la fourmilière.
L'ancienne candidate à la
présidentielle, actuellement en lice pour la direction du PS, a affirmé :
« Ce rapport a le mérite d'être là. Il a été fait pour aider la France et
moi, je veux aider la France» . Mettant en avant la partie
« consensuelle » du rapport, François
Hollande, premier secrétaire du PS, a lui affirmé que « certaines
propositions mériteraient d'être engagées».
Outre
son côté « décoiffant », le rapport a plusieurs mérites.
D'inspiration « sociale libérale », comme le dit lui-même Attali, le rapport a d'abord la vertu d'être presque
exhaustif il se conçoit d'ailleurs comme un tout sans craindre de remettre au
goût du jour quelques « vieilles lunes ». Aucune des propositions
n'est complètement inédite. Toutes, ou presque, ont été envisagées, discutées,
mises sur la table à un moment ou un autre. Certaines, dont la mise sous
conditions de ressources des allocations familiales, ont même été fugacement
appliquées, avant d'être retirées sous la pression de l'opinion, de
corporations ou de lobbys divers.
Ce
qui veut dire que l'ensemble des décideurs politiques, de droite comme de
gauche, ont au minimum réfléchi sur la plupart de ces propositions. Quand ils
n'ont pas espéré, en secret, qu'elles aboutissent un jour ou l'autre. C'est
d'ailleurs une chance. En France, il faut souvent plusieurs rapports et parfois
un ou deux échecs pour parvenir à mener à bien une réforme : celle des
régimes spéciaux et celle de la fusion des administrations des Impôts et du
Trésor, toutes deux si longtemps différées, en sont des exemples probants.
Nicolas
Sarkozy a réussi un beau coup politique en choisissant Jacques Attali, ancien
sherpa de François Mitterrand. Cet homme acquis aux idées de réforme se
revendique comme un libéral à l'américaine, c'est-à-dire « libre et de
gauche ». Sa présence, plus encore que son travail, trouble donc un peu
plus le jeu au Parti socialiste, et permet à Nicolas Sarkozy de conforter son
image d'homme d'ouverture et de rupture.
Mais la manière dont le
président de la République se saisira des préconisations lui permettra de marquer
ou non l'essai.
Mercredi,
il a indiqué qu'il n'était pas d'accord sur trois propositions, dont la
suppression des départements. Il a donc laissé entendre qu'il retiendrait
les313 autres. Laissé entendre, seulement : jusque-là, il est resté flou sur ses intentions. Nicolas Sarkozy sait
que la fin du numerus clausus pour les taxis, la diminution des niches fiscales
ou le recours accru à l'immigration, par exemple, n'auraient pas l'heur de
plaire à son électorat, encore moins à l'approche des municipales.
Il
sait qu'une partie des propositions sont depuis longtemps dans l'air, mais
n'ont pas été mises en œuvre faute de courage politique, y compris de la part
de la droite. Faute, aussi, de chemin pour le faire. Entre le souhaitable et le
possible, il y a parfois un fossé qu'un gouvernement ne peut, ou ne veut, pas
franchir.
François Hollande a prédit
au rapport un destin de « ramasse-poussière », mettant Nicolas
Sarkozy au pied du mur. Ce dernier aura-t-il la volonté et la capacité de se saisir de
« l'essentiel » du rapport ? Après le joli coup politique et
deux mois de pression médiatique, il serait dangereux politiquement de ne rien
faire. Car pour la droite, comme pour la gauche…
… il y aura désormais un avant et un après
rapport Attali.
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