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3 mars 2009

« Paris-Match » à Mme Royal : « Assez d’hypocrisie ! » Oui, mais qui est hypocrite ?

Article de Paul VILLACH sur AGORAVOX

 

        « Paris-Match » du 26 février 2009 a publié en couverture et pages intérieures des photos de Mme Ségolène Royal et de son nouveau compagnon prises, est-il précisé, à Marbella en Espagne, lieu de séjour prisé, on le sait, de « la jet society ». L’intéressée s’est indignée aussitôt de cette atteinte à son droit au respect de sa vie privée et a annoncé son intention de poursuivre l’hebdomadaire. Deux de ses porte-parole, M. Bianco et Me Mignard, cités par Paris-Match, « (ont dénoncé) une tentative de déstabilisation qui serait l’œuvre de “charognards”. »

                        Dans un communiqué, la rédaction de Paris-Match dit innocemment son étonnement : « Pourquoi les photographes bienvenus pour couvrir sa présence à Pointe-à-pitre ne le seraient pas dans les rues de la station balnéaire espagnole ? Arrêtons l’hypocrisie. » D’accord ! Mais qui est ici hypocrite ?

Un marché plus ou moins tacite entre médias et stars

Ce conflit entre médias et stars de la politique ou de l’industrie du spectacle n’est pas nouveau. Il resurgit régulièrement comme la conséquence du marché plus ou moins tacite qu’ils concluent entre eux. Pour exister aux yeux du peuple, la star a besoin d’être exhibée par les médias et pour vendre, les médias ont besoin d’elle puisque les réflexes de voyeurisme et d’identification comptent parmi les ressorts les plus efficaces pour déclencher chez leurs lecteurs la pulsion d’achat.

Il est d’abord un temps où « la star débutante » court après les médias pour gagner en notoriété : à cette fin, elle se prête à toutes les poses avantageuses que les médias lui demandent. Pour conférer à l’information des photos une apparence de plus grande fiabilité que celle d’une publicité, le leurre de l’information donnée déguisée en information extorquée est même fréquemment pratiqué : soit la photo est un peu floue, soit elle est mal cadrée ; ces indices visent à faire croire à un instantané saisi au vol dans la précipitation, comme s’il l’avait été à l’insu et/ou contre le gré de l’intéressée, alors que tout n’est que mise en scène soigneusement réglée de concert entre star et photographes.

Mais il vient un autre temps, quand, parvenue au faîte de la notoriété, la star tente de fuir les médias. Ceux-ci évidemment ne l’entendent pas de cette oreille : l’ingrate oublie qui a contribué à la faire star ; elle a, selon eux, un devoir de réciprocité, celui de leur renvoyer l’ascenseur en tolérant de donner des images dont est attendu un accroissement des ventes. Le harcèlement en devient, on le devine, intolérable, puisque tout moment de vie intime est désormais susceptible d’être pillé et divulgué.

Une discrimination impossible entre information donnée et information extorquée

Qu’en est-il des photos litigieuses « réalisées, selon Paris-Match, par des photographes de presse dans les rues de Marbella » ? Mme Royal les qualifie de « volées ». Le terme le plus approprié est « extorquées » puisqu’elles ont été, selon elle, prises à son insu et/ou contre son gré. Un article du Nouvel Obs.fr, le 27 février, prétend au contraire que, selon des professionnels de la photo, « ça ne ressemble pas à des photos volées ».

Le paradoxe est qu’il est bien difficile de trancher, tant une photo donnée volontairement peut ressembler à une photo extorquée. « La preuve par l’image », titre d’une émission éphémère de France 2, sous la présidence de M. Elkabach, en septembre 1995, est une aimable contradiction dans les termes.
1- Des arguments plaident, sans doute, pour voir dans ces photos publiées sur le site de Paris-Match une information extorquée. Elles montrent à l’évidence que les amoureux ne posent pas : sur la photo publiée en couverture, ils sont photographiés en plan d’ensemble ; ils ignorent l’objectif en marchant. Sur la seconde, ils ne s’en soucient pas davantage : ils sont pris cette fois en plan moyen, donc plus rapproché ; ils continuent de marcher en devisant : Mme Royal paraît écouter son compagnon parler, à en juger par la métonymie de son bras avancé main ouverte comme pour ponctuer ce qu’il dit.

2- Mais on sait que ce genre de mise en scène peut relever tout aussi bien, comme on l’a dit plus haut, du leurre de l’information donnée déguisée en information extorquée, dont la fonction est de rendre indécidable toute discrimination.

3- Des indices, a contrario, plaideraient pour faire de ces photos une information donnée volontairement. Elles ne portent pas les stigmates d’instantanés pris à la va-vite, avec personnages un peu flous ou cadrage bancal. Elles sont, au contraire, nettes et bien cadrées, surtout celle du couple en plan moyen.

4- On ne peut cependant pas l’assurer, en raison des possibilités de retouche intégrale que permet la technique numérique : une photo floue peut être rendue nette et un cadrage bancal, redressé.

5- L’impression de proximité des sujets en plan d’ensemble et surtout en plan moyen n’est guère plus convaincante. Filmé apparemment de si près, pourrait-on objecter, le couple peut-il n’avoir pas vu le photographe opérer ? Oui, si celui-ci était éloigné car il existe des télé-objectifs très performants. Quant à l’objection d’obstacles parasitaires inévitables faisant écran partiel dans une rue passante entre l’objectif et les sujets en cas de prise de photo à distance, la technique numérique permet de les effacer à volonté.
Ainsi les progrès techniques ont-ils réussi le tour de force de jeter la confusion totale entre représentation de la réalité fidèle et montage, entre information extorquée et information donnée.

6- Quant à la présence de photographes sur le passage du couple, elle ne permet pas davantage de trancher. Rien ne prouve qu’ils se soient donné rendez-vous. Même voyageant incognito, Mme Royal peut avoir été repérée dans une station balnéaire réputée pour accueillir les fortunes et les stars en tout genre. Les paparazzi y sont en nombre puisque leur gibier préféré y foisonne. Mme Royal et son compagnon ont donc pu être surpris à l’improviste par l’un d’eux à l’affût, au cours d’une de leurs promenades dans la ville.

Une tentative pour jeter le trouble sur l’image de Mme Royal

En définitive, seule la décision de Mme Royal de poursuivre Paris-Match permet de conférer aux clichés litigieux un caractère d’information extorquée, sauf si l’hebdomadaire rapporte la preuve d’un accord préalable entre les parties : mais s’il n’a été que tacite, comment le prouver ? Car ni le cadrage, ni la netteté ni la proximité ne sont décisifs. Le fait d’avoir exposé volontiers sa vie privée dans le passé convaincra-t-il davantage les juges ?

Dans l’attente, on comprend toutefois la réaction de Madame Royal. La publication de ce voyage privé à Marbella entre en contradiction avec son déplacement en Guadeloupe où elle est venue apporter son soutien au mouvement social contre la vie chère et l’exploitation. Paris-Match peut être soupçonné d’avoir tenté de discréditer cette prise de parti politique d’une élue en faveur de pauvres gens qui en sont à réclamer une augmentation de 200 Euros depuis plus d’un mois en l’opposant à son train de vie luxueux dans une ville pour gens fortunés.

Le Président de la République n’a-t-il pas de son côté stigmatisé avec mépris « la dame qui s’agite en Guadeloupe » en soulevant le rire convenu de ses courtisans ? Le communiqué de l’hebdomadaire tendrait à confirmer cette hypothèse quand est posée cette question faussement ingénue où se glisse le procédé de l’insinuation par simple contraste : « Pourquoi, demande l’hebdomadaire, les photographes bienvenus pour couvrir sa présence à Pointe-à-pitre ne le seraient pas dans les rues de la station balnéaire espagnole ? Arrêtons l’hypocrisie ! »


Oui, arrêtons-la ! Mme Royal a commis une bévue, c’est sûr, en s’affichant dans un lieu de villégiature classé au guide des grandes fortunes mondiales, comme d’autres le font à Marrakech, et Paris-Match du groupe Lagardère en a profité pour tenter de porter atteinte à son action en offrant d’elle l’image douteuse d’une femme politique aux goûts de luxe qui s’offre le luxe supplémentaire de prétendre défendre la solidarité en faveur des citoyens modestes, voire indigents. Paul Villach
   
 

   

Mon commentaire:

Voilà qui recadre de manière approfondie les débats sur photo volée ou non, procès d’intention, et recours aux medias, de personnalités qui mettent en place une stratégie de communication dans le cadre de leur activité professionnelle.
Mais il n’en reste pas moins que chacun a droit au respect de sa vie privée.
Ceci dit, la question essentielle que posent par leur réactions toutes les personnalités dont l’intimité est ainsi violée, est bien celle du respect de leur intimité ( tant qu’elle ne porte pas atteinte à la liberté de quelqu’un: je pense à un personnage mondialement connu dont la vie intime a pu , tout récemment, empiéter sur les libertés d’une autre personne, et par conséquent pouvoir autoriser que certains éléments en soient posés sur la place publique).
 
Il est évident aussi que des enjeux forts pèsent sur l’action, la présence, l’exposition de Ségolène Royal, les débats auxquels ont conduit sa présence et son activité... si l’on pose la question suivante "qui a intérêt à produire cette photo" il y a deux réponses:

-  pour les médias, Ségolène Royal est une aubaine: elle "fait vendre"

- mais il n’y a pas que ça: dans le contexte politique, nous connaissons de multiples "groupes" politiques (adversaires, ou "concurrents... ou "faux frères" si vous préférez) qui ont intérêt à tenter de la faire tomber dans l’opinion publique.
 
Merci Paul Villach pour cet éclairage étayé, objectif, et dépassionné, il y en a si peu ...

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