Le Nouvel Obs veut devenir la Gazette de la Cour
Régis Soubrouillard | Mercredi 01 Juillet 2009
Conférence de rédaction tendue ce matin au Nouvel observateur. L'entretien négocié en exclusivité par le directeur du journal, Denis Olivennes, avec Nicolas Sarkozy contre la Une du journal reste en travers de la gorge des journalistes. Malvenu à un moment où certains choix éditoriaux d'Olivennes sont déjà contestés.
Denis Olivennes
Sarkozy propose, Olivennes dispose. Cela s’est passé un dimanche.
Franck Louvrier, le responsable communication de l’Elysée contacte le
PDG du Nouvel Observateur pour lui proposer sous dix jours un entretien
exclusif avec le président de la République en contrepartie de la
couverture et d’une bonne mise en scène de l’Evenement. Echanges de bon
procédés. Selon rue89, Olivennes envoie alors un mail aux chefs de services du journal «
Franck Louvrier souhaitait que l'entretien ait lieu dans une dizaine de
jours et avec moi car il voulait que l'entretien prenne la forme d'un
dialogue approfondi ». Le même jour, Sarkozy appelle Olivennes. L’entretien est fixé pour l’après-midi, largement de quoi préparer un « entretien approfondi », en présence de Michel Labro, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire. Aucun journaliste politique de l'Obs n'est convié.
La société des rédacteurs n’en revient toujours pas : « Serait-ce pour resserrer des liens avec le président, comme beaucoup le pensent au sein de la rédaction ? » . Ajoutant que cette interview «
fait craindre une dérive sarkophile qui a été reprochée par de nombreux
lecteurs et ne cadre guère avec l’engagement du Nouvel Observateur »
Ce matin, le problème a été abordé lors d’une conférence de rédaction «
Olivennes s’est justifié en disant que cela positionne l’Obs comme
journal d’opposition. Ca a fait rire tout le monde. La réalité, encore
une fois, c’est que c’est Sarkozy qui décide de l’agenda médiatique, on
se sent instrumentalisé. Sarkozy nous utilise pour s’adresser à un
électorat potentiel. Il n’accordait l’interview que s’il avait la Une.
Résultat la Une sur Michael Jackson a sauté. Les échanges ont été assez
violents, mais Olivennes est apparu assez isolé même des historiques du
journal commencent à se poser des questions, certains choix éditoriaux
sont contestés. Cela fait deux Unes de suite sur Sarko » témoigne un journaliste.
Le sarkozysme fait son chemin dans les têtes bien pensantes de l'Obs
Déjà début mai, Nicolas Sarkozy avait convié à sa table à l’Elysée
Denis Olivennes, Jacques Julliard, et Jean Daniel, les trois têtes bien
pensantes de l’Obs. Jean
Daniel pas insensible aux charmes du président en était revenu avec un
éditorial en forme d’hommage à l’un des hommes d’Etat les plus inspirés
de son temps :
« C'est un président très présent mais
nullement survolté, aux traits pleins, rassérénés et apaisés, toujours
prompt à la riposte mais laissant volontiers parler, économe de ses
gestes et à l'aise dans un nouveau rôle présidentiel, qui nous parle en
ce jour anniversaire de ses deux années à l'Elysée. Nulle trace de
ressentiment dans ses propos. (…) Tandis que notre déjeuner se termine,
nous nous disons que nous n'avons pas encore tout à fait percé le
secret de ce président jeune et ludiquement impétueux, si peu conforme
à ceux qui l'ont précédé dans ce palais et qui, en dépit de ce qu'il
dit avec sincérité, joue avec volupté à imprimer sa marque dans
l'histoire ».
Et le discours sarkozyste fait son chemin
dans les cerveaux disponibles des observateurs. Denis Olivennes qui il
y a peu déclarait que dans quelques années « nous serons un site
qui disposera d’un hebdo » est beaucoup plus précautionneux –sarkozyste
?- à l’égard des nouvelles technologies. Dans une réunion hier, il
déclarait ainsi qu’Internet était « le tout à l’égout de la démocratie ». Rupture radicale, même Sarko n’aurait pas osé.
°°°°°°°°°°°°
Extrait:
Dimanche dernier, entretien en tête à tête entre le chef de l'Etat et Denis Olivennes
- directeur général et directeur de la publication de L'obs, ancien PDG
de la Fnac et auteur du rapport à l'origine de la loi Hadopi - et Michel Labro, directeur de la publication. Une entrevue qui a été
organisée le matin même dans le dos de l'ensemble de la
rédac de l'hebdomadaire comme le rapporte Rue 89.
Scoop toujours...
Franck Louvrier, conseiller pour la presse et la communication à
l'Elysée, avait pourtant prévu une entrevue 10 jours plus tard. Mais Nicolas Sarkozy en a finalement décidé autrement. Après un coup de fil à Denis Olivennes, rendez-vous est pris pour le jour même...
Pourquoi Denis Olivennes?
Il le dit lui-même dans le mail qu'il a envoyé à ses rédacteurs en chef dimanche, email que Rue 89 s'est procuré: "Franck Louvrier souhaitait que
l'entretien ait lieu avec moi car il voulait que l'entretien prenne
la forme d'une discussion approfondie." L'idée: un bilan en 8 pages des 2 ans de présidence de Sarkozy.
Les journalistes agacés..
Dès lundi, un communiqué agacé de la Société des rédacteurs est adressé
à l'équipe et se demande notamment s'il ne s'agirait pas "de resserrer des liens avec le
Président, comme beaucoup le pensent au sein de la
rédaction et évoque "dérive sarkophile".
Les journalistes devraient s'expliquer ce mercredi avec Denis Olivennes.
(Source:
Rue89)
- Vidéo off de Sarkozy: "La liberté de la presse est menacée, même en France"
- Vidéo off de Sarkozy: l'un des journalistes de France 3 convoqué une nouvelle fois par la police
- Quand Sarkozy traite un journaliste politique de France 3 de crétin...
- Sarkozy vampire des médias?
- Canal Sarkozy: "Les Guignols c'est l'émission que Sarkozy déteste par-dessus tout"