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4 juillet 2009

Emprunt Sarkozy, la stratégie du camouflage

Extraits:
Toute la semaine, bercé du refrain présidentiel «Oui, j'ai changé», le gouvernement a mis en scène le grand emprunt national 2010. «Construire l'avenir», comme l'assure le pouvoir, ou camoufler l'urgence de trouver des ressources nouvelles? Derrière ce déluge de communication se cache une autre réalité: l'Etat est confronté à une crise budgétaire sans précédent. Même des responsables de l'UMP s'en inquiètent qui évoquent un «emprunt obligatoire». Jamais sans doute depuis que Nicolas Sarkozy est président (photo devant le congrès réuni à Versailles), le décalage n'est apparu aussi criant entre les mots et la réalité. Analyse.  (..)

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    Forte semaine que celle qui s'achève, dense, inquiète, tout entière sous le signe de l'emprunt national en 2010 et des priorités «pour préparer l'avenir». Commencée dimanche 27 juin par un séminaire gouvernemental à Matignon, elle aura laissé entrevoir les réformes en cours, la taxe carbone, les niches sociales, l'allongement de l'âge légal du départ à la retraite, la mobilité des fonctionnaires, le travail le dimanche, le regroupement des collectivités locales. Le tout dans un contexte d'incendie financier à tous les étages de l'Etat.

     

    Hormis en temps de guerre – la référence a été explicite à l'Assemblée nationale mardi soir –, jamais les finances publiques n'ont été aussi calamiteuses. Le déficit de l'Etat atteindra entre 125 et 130 milliards d'euros cette année; celui de la Sécurité sociale 20 milliards; et 10 milliards pour les collectivités locales. Avec les dettes précédentes et compte tenu du fait que la France n'emprunte plus seulement pour rembourser le capital de sa dette mais pour acquitter les intérêts de cette dette, ce sont 250 milliards d'euros au total qui devront être levés en 2009. En 2002, la dette représentait 58% du PIB. Elle atteindra 80% en 2009. Du jamais vu.

     

    C'est une course folle. Quand le Président, mercredi, incapable d'une proposition concrète nouvelle devant les partenaires sociaux, concède au patronat qu'il peut discuter d'une diminution des charges, ce énième rafistolage n'émeut personne. Il suffit pourtant de jeter un œil à l'annexe V du projet de loi de finances pour 2009.

     

    En matière d'exonération de cotisations sociales, le montant constaté a été de 28,9 milliards d'euros en 2007, 33,3 milliards en 2008. Il sera de 32,6 milliards en 2009. Il devrait atteindre 33,2 milliards d'euros en 2010 et 33,8 milliards d'euros en 2011. Or 92% de ces exonérations sont compensées, soit par dotations budgétaires de l'État, soit par des recettes fiscales affectées. Comme la perspective des élections régionales et le discours dans lequel s'est enfermé le gouvernement interdisent d'augmenter les recettes, il n'y aura guère d'autres choix que de faire financer cet éventuel nouvel allègement de charges par l'Etat! L'annonce signifie donc que Nicolas Sarkozy contribue à creuser un peu plus le trou de la dette publique qu'il prétend vouloir combler.

     

    Fantastique spectacle que celui de ces hommes politiques reconduisant toujours les mêmes recettes, les mêmes promesses, alors même que la Cour des comptes, les instances bruxelloises et le Fonds monétaire international ne cessent de les interpeller pour qu'ils changent leur méthode. Le Parlement a bien tenté de freiner cette course folle à la dette. Ainsi, la loi de programmation des finances publiques pour la période 2009-2012 encadre la création de dépenses fiscales nouvelles et de niches sociales, avec la mise en place d'une règle de compensation systématique des nouvelles mesures. Chaque année, ce que l'on augmente d'un côté doit être diminué de l'autre. Mais comment faire ?

                                          
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    Le FMI demande «une stratégie crédible»

                         

     

    Jeudi, dans un entretien complaisant au  Nouvel Observateur, il est demandé au Prince si l'époque marque «la fin du sarkozysme flamboyant et de l'élan réformateur». Le décalage de la réponse laisse songeur: «Non, non, non, et non. La crise, ce n'est pas la fin des réformes. Elles continueront. Mais je dois tenir compte des critiques, des épreuves, des échecs, pour essayer de faire mieux. Je veux conduire ces réformes en cherchant une adhésion large, en développant la discussion. J'écoute, j'apprends, peut-être même je progresse.»

     

    Dimanche, François Fillon fixait la méthode et le calendrier de lancement de l'emprunt 2010. Jeudi, Nicolas Sarkozy assurait une fois de plus qu'il avait changé. Ne s'agit-il plus que de rassurer face aux énormes enjeux de cet emprunt? Car toute la semaine, c'est bien cet emprunt 2010 qui aura occupé tout le paysage. Mais qui peut croire que dans cette situation financière et sociale que connaît la France de 2009, le gouvernement pourra à la fois contraindre ce qu'il appelle les «mauvaises dépenses» (trop de fonctionnaires, trop de privilèges sociaux...) et développer «les dépenses d'avenir».

    Dans ce même registre du distinguo entre le «bon» et le «mauvais», Eric Woerth, le ministre en charge du budget, se sera multiplié presque tous les jours, dans les médias et au Parlement, pour expliquer qu'il y a deux sortes de déficit, le normal, autour de 40 milliards d'euros, et celui directement imputable à la crise, autour de 85 milliards. On voit bien l'objectif. Mais a-t-il convaincu au-delà du cercle de ceux qui soutiennent déjà sa politique ? Pas sûr.

    Quelle réforme, pour quelle France demain ? Mardi soir, lors du débat d'orientation des finances publiques, le même Eric Woerth s'est montré explicite : s'il n'est pas question d'augmenter le poids de la fiscalité, il est en revanche d'actualité de faire pression sur les dépenses des santé (+3% en 2010, contre + 3,3 en 2009) et de passer au peigne fin les 42 milliards d'euros de niches sociales et fiscales existantes.

     

    Dans l'aridité du débat et sa solennité, le sujet permit une minute de détente quand le ministre du budget s'autorisa un trait d'esprit: «Aucune niche prise séparément n'est illégitime, mais l'immense chenil qu'elles forment toutes ensemble cache une meute ingérable pour les finances publiques.» Succès à droite comme à gauche. «Quelle belle phrase!», s'esclaffa Jérôme Cahuzac. «Elle est de moi», rétorqua l'homme de Bercy. Le lendemain, Jérôme Cahuzac, député PS du Lot-et-Garonne, empruntait à Pierre Mendès France: «Les comptes en désordre sont le signe de nations qui s'abandonnent.»

     

    Les citations ministérielles n'arrangeront pas la situation. L'entreprise France n'a jamais été aussi faible. Quand elle a payé ses dettes, ses fonctionnaires, sa quote-part à l'Europe et mis dans la machine publique ce qui lui est nécessaire pour fonctionner, il ne lui reste rien. Le constat a fait l'unanimité chez les députés: l'Etat peut mobiliser vingt milliards d'euros mais guère plus, sauf à emprunter encore et encore. Dans la ronde de centaines de milliards d'euros qui volent depuis que la crise fait rage et que les plans de relance et de sauvetage se succèdent, cette vérité est venue cogner toute la semaine à la porte des politiques.

     

    L'emprunt Sarkozy promis pour 2010 s'inscrit dans ce contexte. Emprunter sur les marchés financiers ou auprès des Français, c'est encore s'endetter. Qui remboursera ? Les générations suivantes qui par définition ne sont pas là pour protester. Mais jusqu'où un pays peut-il aller dans le trou qu'il creuse chaque année ? Ce lundi 29 juin, une note du FMI est venue tirer la sonnette d'alarme. Les argentiers demandent à la France «une stratégie crédible» pour un redressement de ses comptes dès 2010.

     

    François Fillon, la veille, avait bien tenté de calmer les inquiétudes. «Aucune dépense de fonctionnement ne sera financée par cet emprunt, pas plus que la création d'emplois publics, dont nous allons au contraire continuer de réduire le nombre. Il ne s'agit pas non plus d'engager des dépenses classiques d'investissement. Nous n'allons pas solliciter l'épargne des Français pour rénover les bâtiments publics, accroître des dépenses sociales ou pour financer les collectivités locales et moins encore pour financer l'absence de réformes.»

     

    Nicolas Sarkozy, devant le congrès de Versailles, s'était déjà essayé à l'exercice: l'emprunt 2010 ne sera pas la manifestation d'un gouvernement dispendieux mais la marque d'un volontarisme politique.

                                                                 
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    L'UMP parle d'«emprunt obligatoire»

                         

     

    Comment faire pour se donner des marges ? La gauche et les syndicats réclament l'abandon du bouclier fiscal et des mesures de justice fiscale. D'autres à droite font assaut d'imagination. Lundi, dans Les Echos, Gilles Carrez, le rapporteur UMP du budget, n'y va pas par quatre chemins: «Avec mes collègues, nous avons aussi évoqué l'idée d'un emprunt obligatoire, à taux nul ou faible, qui serait sollicité auprès des ménages aisés. La solidarité des plus aisés dans la crise que nous traversons s'exprimerait ainsi, non pas par une hausse d'impôt mais par une mobilisation partielle de leur épargne.»

     

    Mais qu'est-ce qu'un emprunt obligatoire, si ce n'est un impôt déguisé? Voilà que le groupe UMP propose de faire payer les riches ! Panique à l'Elysée, il était urgent d'éteindre l'incendie. Et l'on a eu droit à cet autre moment de bravoure. C'était mardi à l'heure des questions au gouvernement. Avant de quitter la séance pas même achevée, Xavier Bertrand, le grand patron de l'UMP, interrogea François Fillon sur le caractère obligatoire de l'emprunt. Ce que l'on appelle téléphoner un message. La réponse du premier ministre se voulut lapidaire, donc définitive : pas question.

    Mais les propos péremptoires ne suffisent pas à dessiner la France de demain et à gérer un pays. En réalité, ce gouvernement est coincé. S'il veut gagner les élections régionales, il n'est pas question de déplaire à l'UMP. Et la zizanie à gauche est indispensable. A-t-on entendu l'opposition cette semaine? Non ou à peine. (......)


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