Primaires: il faut sauver le soldat Montebourg!
G. Brustier et J-P. Huelin - Militants socialistes
Les militants sont lassés par le PS, la déprime a envahi la rue de Solferino, l'espoir de reconquérir le pays par la gauche semble illusoire... Pour Gael Brustier et Jean-Philippe Huelin, militants PS, un débat peut réveiller la gauche, toute la gauche: celui des primaires. Avec, en tête, Arnaud Montebourg et Olivier Ferrand, qui souhaitent s'adresser non seulement au PS, mais à tous les partis de gauche.
En cet été
2009, on a bien du mal à imaginer les partis de gauche engager la
reconquête électorale du pays. La preuve bien sûr par les élections
européennes et son taux d’abstention record. La preuve aussi par toutes
les élections partielles (dont les exemples médiatisés de Perpignan ou
Aix) qui ne révèlent aucune faiblesse de la droite. Certes, le problème
de la gauche est triple : c’est un problème d’analyse (de la
mondialisation, de la société française) de projet et évidemment de
leadership. L’habitude à gauche veut que l’on prenne les problèmes dans
cet ordre ce qui ne nous sort pas de l’état de déprime puisque les
questions idéologiques semblent lasser jusqu’aux militants les plus
aguerris. Et si, dans ce contexte plus que morose, le débat sur les
primaires n’était pas finalement le plus stimulant et le seul
salvateur ?
Parce
que le naufrage électoral menace et que, plus encore, c’est à une
défaite historique que l’on peut s’attendre, aucune des familles de la
gauche n’a intérêt à se désintéresser de cette question des primaires.
Les socialistes peuvent y trouver un moyen de renouer avec les classes
populaires, les communistes le moyen de reconvertir une tradition
politique estimable, les amis de Jean-Pierre Chevènement celui de faire
peser de nouveau l’exigence républicaine, les altermondialistes celui
de promouvoir des idées innovantes, les écologistes celui d’irriguer
l’ensemble de la gauche de leurs vues. Toutes ont intérêt à engager une
forme de « compétition coopérative » par laquelle les
citoyens progressistes contribueraient à forger l’outil commun d’une
victoire électorale, la désignation d’un leader et la mise en avant des
idées qui pourraient permettre à la gauche française de gouverner dans
la durée.
Si la question des primaires concerne toute la
gauche, faire basculer le Parti Socialiste est pour nous une priorité.
Pour cela, il faut enfin faire rendre gorge à la fausse idée récemment
apparue dans les esprits socialistes que le leader est l’ennemi du
projet. On se souvient pourtant que la prise à la hussarde du PS en
1971 avait réglé pour longtemps cette question permettant au cours des
années 1970 de parler surtout du « Projet Socialiste »
fondateur de la victoire du peuple de gauche en 1981 ! En réalité, si
les réticences face aux primaires restent importantes dans l’appareil
du PS, c’est essentiellement à cause des primaires internes de 2006 qui
ont désavoué (définitivement ?) les faux ennemis mais vrais jumeaux
produits au cours des années 1980-1990 par l’appareil du PS : Fabius et
Strauss-Kahn ! Avec les primaires, la possibilité de voir émerger un « homme nouveau »,
comme le fut Ségolène Royal, est un risque que la nomenklatura de
Solferino ne souhaite pas rééditer. Elle craint de ne pas tenir le
candidat, voilà tout !
Le mode opératoire retenu par Arnaud
Montebourg et Olivier Ferrand est loin d’être inintéressant puisqu’il
tend à dépasser le strict cadre du PS en s’adressant à tous les partis
de gauche pour s’adresser in fine à des millions de citoyens français.
Notons que la rupture avec les classes populaires ne concerne pas
uniquement le Parti Socialiste mais tous ceux qui ont, pendant quelques
décennies, incarné les attentes et les espoirs d’une large majorité des
ouvriers et des employés français. Les primaires sont le seul moyen
dont nous disposons à court terme pour leur redonner la parole. Il y a
en effet nécessité à dépasser cette réalité organique quelque peu
étriquée que sont les partis de gauche. Loin d’être le produit
d’appareils jugés désuets, les primaires peuvent être le début d’une
régénération intellectuelle et civique de la gauche française, la
première pierre posée à l’édification d’un parti de toutes les gauches,
enfin conscient des enjeux nés de la globalisation. Ce grand moment de
citoyenneté que seraient les primaires de la gauche française peut y
contribuer…
Il y a donc urgence à imposer ces primaires ! Pour
les citoyens attachés aux valeurs progressistes, il est temps d’exercer
un droit d’ingérence dans les affaires du Parti Socialiste et de ses
partenaires.
Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin
sont militants socialistes et auteurs d’un essai à paraître à la
rentrée sur les mutations sociales et politiques des couches populaires
en France intitulé Recherche le peuple désespérément (Bourin éditeur).
Source: MARIANNE2