Michel Rocard : 'Ce que financera l'emprunt devra être aussitôt productif '
Actif et libre. Ainsi s'affiche Michel Rocard qui, à 79 ans, multiplie les missions. Après avoir prêté main-forte à Nicolas Sarkozy sur la taxe carbone, il l'aide aujourd'hui sur le grand emprunt, en coprésidant, avec Alain Juppé, une commission de réflexion. Trahison ? Que nenni, rétorque l'ancien premier ministre socialiste qui, pessimiste sur les résultats du G20, veut contribuer à changer 'la pensée économique dominante'. Lire la suite l'article
Que pensez-vous des mesures de régulation adoptées par le G20 ?
Elles sont à la fois réelles et très insuffisantes. Premier constat : le G20 a parlé de la crise comme si celle-ci n'était que financière et bancaire. Or j'ai la certitude que nous allons être confrontés à une quasi-stagnation pendant plusieurs années avec pour corollaire un chômage important. Deuxième remarque : le système bancaire comporte encore en son sein des éléments porteurs de crise. Ces éléments doivent disparaître. Sinon, ça va recommencer.
A quoi faites-vous allusion ?
Aux produits dérivés notamment. Ce sont eux qui ont provoqué le quadruplement des prix du pétrole entre 2002 et 2006 et le doublement des cours du blé, du maïs ou du soja. Cela a abouti aux émeutes de la faim en Afrique, qui ont fait plusieurs milliers de morts dans une douzaine de pays. Cette question est essentielle. Elle n'a pas été traitée par le G20.
Pourquoi dites-vous que la crise économique n'est pas finie ?
L'indicateur de crise le plus respecté, c'est celui du marché du travail. Celui-là continue d'être mauvais pour une raison simple : la crise financière a éclaté sur une crise macroéconomique qui n'est pas du tout résolue. Depuis 1990, les pays industrialisés s'échinent à retrouver la moitié des taux de croissance qu'ils connaissaient entre 1945 et 1975. Rien n'y fait. Il leur manque 8 à 9 % de part de salaires et de revenus de sécurité sociale dans le PIB pour pouvoir soutenir la consommation et donc la croissance.
C'est lié à la double révolution structurelle et intellectuelle qui s'est déroulée à partir de 1975. Les fonds de pension, les fonds d'investissement et les fonds d'arbitrage (hedge funds) ont pris le pouvoir au sein des multinationales. Avec un mot d'ordre : produire toujours plus de dividende. L'organisation du travail a changé. Les grandes entreprises ont considéré que la paye de leurs balayeurs, de leurs employés de maintenance ne devait pas être tirée vers le haut par le fait qu'ils appartiennent à des sociétés à haute qualification. Elles les ont sortis de la structure pour les transférer dans des PME, non filialisées, peu syndiquées et qui payent moins bien. On a vu alors apparaître une nouvelle catégorie de salariés : les précaires, qui ont fini par représenter entre 15 % et 20 % de la main-d'oeuvre de tous les pays développés. Puis on a vu émerger les pauvres, c'est-à-dire des adultes valides, exclus du marché du travail.... lire la suite de l'article sur Le Monde.fr