Le plus dur commence
02 octobre 2009
Ouf ! Etant donnée la joyeuse ambiance qui régnait dans les rangs compte – suites de la sortie du livre sur les irrégularités post-rémoises, mauvais résultats des partielles en Ile-de-France, multiples velléités centrifuges de députés socialo-écologistes et de partisans d’un élargissement des alliances – les résultats de la consultation du 1er octobre sont accueillis comme un moindre mal. La direction ne s’attache guère au taux de participation (47%), pas très brillant. Elle préfère insister sur le nombre de votants, plus présentable (90 000 contre 68 000 en 1995 lors du questionnaire Jospin et pas loin de 100 000 lors du referendum interne de décembre 2004 sur le traité européen) sans être mirobolant. Reste que pour un scrutin « historique », on pouvait s’attendre à mieux.
Honorables, ces résultats présentent une - petite – surprise. Les adhérents du PS ont encore plus massivement plébiscité le non-cumul des mandats que l’organisation de primaires ouvertes. On s’attendait plutôt à l’inverse mais, visiblement, le lobbying des grands élus n’a guère eu d’impact. Une exception, et de taille : le Languedoc-Roussillon, où Georges Frêche recueille par candidat interposé un très net succès. « Vous m’aimez comme je vous aime » a lancé dans un communiqué le « baron de Septimanie » a l’adresse des militants socialistes. On en aurait presque les larmes aux yeux.
Dans les prochains jours, la direction va mettre en place les groupes de travail afin de donner un contenu concret à ce que Martine Aubry qualifie de « bel exercice de démocratie ». Chacun le sait, le plus dur va commencer.
S’agissant de la répartition des mandats, les « cumulards » auront fort à faire face à la large majorité (plus de 70%) qui s’est exprimée en faveur d’un règlement plus restrictif. Mais ils n’ont pas dit leur dernier mot. Quant à la perspective, adoptée elle aussi comme un seul homme, d’aller vers un mandat parlementaire unique, elle sera difficile à concrétiser avant 2012. On notera au passage que les sénateurs ont obtenu qu’il ne soit pas question de leur imposer la parité (ni des sièges réservés à la « diversité ») lors du prochain renouvellement de 2011… Contrairement aux députés.
Sur la réforme des statuts, la négociation ne sera pas facile. Les dirigeants socialistes conservent tous un cuisant souvenir du déroulement du congrès de Reims. Reste qu’une véritable réforme constitutionnelle au sein du PS apparaît très complexe. Comment introduire une part de scrutin majoritaire dans la sacro-sainte règle de la proportionnelle intégrale ? Les courants les plus anciens et les plus structurés (les « gauches » du parti ou les fabiusiens) vont forcément tiquer. Comment éviter que la prochaine fois le vote des motions et l’élection du premier secrétaire au suffrage universel (que tout le monde, apparemment, souhaite conserver) n’entrent encore en conflit ? L’une des pistes évoquées consisterait à ce que l’élection du premier secrétaire mette aux prises les têtes de liste des deux motions arrivées en tête.
Mais c’est sur le dossier des primaires que les enjeux s’annoncent les plus lourds. Il n’est pas sûr que les socialistes – dirigeants compris – aient tous pris conscience de l’effet « structurant » d’une réforme qui consiste à demander aux électeurs de désigner eux-mêmes le leader du PS. Voici, pour résumer, quelques questions qu’il va bien falloir régler.
- Le corps électoral.
Il faudra disposer des listes électorales afin de vérifier les
inscriptions – c’est tout à fait faisable et légal, assure Olivier
Ferrand, le président de Terra Nova – et dresser plusieurs dizaines de
milliers de bureaux de vote pour deux tours. Si l’on veut que la
consultation soit un large succès il faudra que les électeurs aient la
possibilité de se pré-inscrire mais aussi de venir s’inscrire au
dernier moment, le jour-J, afin de voter. Du reste, l’organisation des
primaires exige, assurent ses promoteurs, que plusieurs dizaines de
milliers (jusqu’à 50 000) bureaux de vote soient dressés. Les militants
socialsites y suffiront-ils ?
- La sélection. Qui pourra être candidat aux primaires
? La règle de 2006 (15% des membres du Conseil national) paraît trop
restrictive. Il n’est pas sûr, par exemple, que Pierre Moscovici ou
Manuel Valls pourraient, dans ce cas, figurer parmi les candidats. Ce
qui poserait quant même un problème.
- Le projet.
Elire un candidat, ce n’est pas seulement choisir une personnalité,
c’est se prononcer sur un projet et même un programme. Quid, dés lors,
du projet du PS ? Un exemple au hasard : si Ségolène Royal était
choisie, c’est sa position sur la taxe carbone et non celle du PS qui
serait choisie.
- Le calendrier. Là aussi, il faut s’attendre à
quelques bras de fer. Ségolène Royal, Bertrand Delanoë, François
Hollande et les quadras veulent que l’on fasse au plus vite. C’est à
dire que tout soit bouclé mi-2011. Les partisans des outsiders Laurent
Fabius et DSK chercheront, au contraire, à retarder l’échéance à la fin
2011.
Les choses sérieuses ne devraient sans doute vraiment
commencer qu’après les régionales. Mais cela n’exclut pas que d’ici là,
on assiste à quelques passes d’armes. Voire quelques bourre-pif.
Jean-Michel Normand sur PUZZLE SOCIALISTE