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10 octobre 2009

Affaire Mitterrand : la gauche divisée

               

                                   

Y aller ou pas ? Comprenez : enfoncer Frédéric Mitterrand et à travers lui (tenter de) gêner Nicolas Sarkozy ou ne pas risquer d'être assimilé au Front National après la sortie fracassante de Marine Le Pen. Si elles semblent se résumer à de la stratégie les diverses réactions à gauche témoignent peut-être d'une véritable fracture générationnelle

               

                                                                                            Benoit Hamon le porte-parole du parti socialiste a mené hier via l'AFP la première attaque contre le ministre de la Culture :" Je trouve choquant qu'un homme puisse justifier, à l'abri d'un récit littéraire, le tourisme sexuel (...) Au moment où la France s'est engagée avec la Thaïlande pour lutter contre ce fléau qu'est le tourisme sexuel, voilà un ministre du gouvernement qui explique qu'il est lui-même consommateur.

Dans une veine plus ouvertement populiste, Manuel Valls enchaîne dans le Figaro : "Il appartient maintenant à Frédéric Mitterrand, parce qu'il est un ministre de la République, parce qu'il y a polémique sur un thème sensible pour les Français, de s'expliquer",.(...) "En fonction de cette explication, il appartiendra au président de la République et au Premier ministre de décider quels doivent être le sort et l'avenir de Frédéric Mitterrand".

Autre quadra à intervenir, Arnaud Montebourg, qui suit lui sa ligne légaliste et indignée : "Il paraît impossible que le Premier ministre et le président de la République puissent, ayant désormais connaissance de l'apologie comme de l'aveu par l'intéressé de pratiques sexuelles condamnables (...) maintenir en fonction un ministre ayant agi délibérément en violation des lois nationales et internationales ".
L'affaire paraît entendue, la gauche est vent debout. Mais les choses se compliquent rapidement.

Delanoë, Cohn-Bendit... Les anciens plus gênés

Bertrand Delanoë dénonce les attaques populiste du Front National et fatalement éclabousse  Valls et Hamon dans sa diatribe : «En 2005, Frédéric Mitterrand a publié un livre courageux, La mauvaise vie, loué à l'époque pour sa qualité littéraire, faite de pudeur et de sincérité. Le récit d'une détresse, celle d'un homme qui évoque ses déchirures intimes, son mal être, la difficulté qu'il éprouve à assumer son identité. A vivre, tout simplement.”»

Si le débat ne concernait que les socialistes on pourrait encore l'attribuer à ce goût prononcé pour la cacophonie.
Mais l'autre défenseur de gauche de Mitterrand n'est pas dans le même parti que Bertrand Delanoë, il a en revanche sensiblement le même âge : Daniel Cohn-Bendit a réagi quasiment dans les mêmes termes que le maire de Paris et va plus loin en traitant Hamon de minable : «Tout le monde parle du livre sans l'avoir lu. Moi je l'ai lu, ce n'est évidemment pas beau ce qu'il y a dedans, c'est un livre terrible. Mais c'est une thérapie publique, c'est courageux de la part de Mitterrand, je respecte sa démarche"» a-t-il indiqué au Parisien.

Une différence de vécu politique

D'un côté des jeunes qui font preuve d'indignation morale, qui vantent les mérites de la loi, de l'autre de plus anciens qui saluent eux le courage d'un individu. Comment expliquer une telle fracture au sein d''une même famille politique ?

C'est une analyse subjective mais cette différence exprime sans doute un vécu politique bien différent.

Homosexualité et pédérastie liées

Cohn Bendit et Delanoë nés après guerre ont vécu jusqu'à la trentaine sous une loi qui assimilait assez aisément homosexualité et pédérastie. Créé en 1942 sous l'administration de Pétain, l'article 330 du Code pénal condamne encore dans les années 1970 les outrages à la pudeur plus sévèrement selon qu'ils sont à caractère homosexuel ou hétérosexuel. En clair : les rapports sexuels avec les mineurs sont réprimés de manière différente, l'homosexualité étant une circonstance aggravante.

D'ailleurs, la majorité sexuelle pour les homos est de 21 ans contre 17 pour les hétéros. Les homosexuels sont donc une catégorie à part, capable de dévoyer la jeunesse qu'il convient de protéger plus longtemps de ces penchants honteux.

Liées dans un même élan pénal depuis 1942, homosexualité et pédérastie sont directement liés dans les esprits depuis 30 ans (rappelons qu'avant cela prévalait "une indifférenciation sexuelle" depuis plus de deux siècles).
D'ailleurs l'argument marche dans les deux sens : Inversement quand les partisans de la pédophilie (sur la base du consentement) indiquent que les textes de loi qui visent leur pratique sont les mêmes que ceux qui discriminent les homosexuels. C'est le cas dans la Tribune « L'amour est-il un crime ? » signée dans le Monde en 1976 par Gabriel Matzneff (dans ce texte l'écrivain défend le docteur Gallien en prison depuis 3 ans à l'époque sans jugement pour avoir entretenu des relations sexuelles avec des mineurs consentants).

Des intellectuels pour la dépénalisation des rapports sexuels avec les mineurs

Quoi qu'elle en pense la gauche n'attaque pas frontalement les partisans des relations avec des mineurs : elle sait que derrière, les discours homophobes ne sont pas loin.
Dans les années 1970, quand des intellectuels et des artistes dont certains proches de la gauche comme Jean-Paul Sartre, Michel Foucault Patrice Chéreau ou Simone de Beauvoir, pétitionnent pour dénoncer la pénalisation des rapports consentis entre adultes et mineurs de moins de 15 ans, les tenants de la gauche modérée ne s'indignent pas d'une telle prise de position.
Pour les intellectuels de l'époque souvent proche de la gauche, la volonté de "gouverner" les rapports sexuels (Michel Foucault parlera de bio-pouvoir, celui qui régit les relations intimes et condamne des personnes pour ce qu'elles sont et non pour des actes délictueux) relevait d'un autoritarisme politique insupportable.

Si c'était une MILF ?

Imagine-t-on la réaction d'un Valls aujourd'hui au même type de texte émanant d'universitaires progressistes ? Non bien entendu, ces débats semblent assez loin de la sphère politique aujourd'hui et l'unanimité qui condamne la pédophilie ne souffre guère d'interrogation sur la sexualité des mineurs. L'époque est à la condamnation morale sans équivoque, Valls et Hamon témoignant finalement surtout de l'air du temps
Ils ne craignent pas en sommant le Ministre de la Culture de justifier ses écrits de passer pour des homophobes - même si l'aveu de relation tarifées avec une MILF thailandaise n'eut probablement intéressé que quelques journaux people. Et tant pis si cela évoque chez leurs aînés des souvenirs politiques plus nauséabonds.

                       

                                                Daniel de Almeida

Source : FLUCTUAT

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