Copenhague : vers une nouvelle gouvernance mondiale?
par Olivier Ferrand - Terra Nova - 8 décembre 2009
Edito de la newsletter de Terra Nova par Olivier Ferrand, président de la fondation
"Le sommet sur le changement climatique vient de s’ouvrir à Copenhague.
Sur le fond, l’enjeu est crucial : saurons-nous endiguer le
réchauffement climatique, et pour cela réduire nos émissions de gaz à
effet de serre ? Mais Copenhague pose aussi des questions fondamentales
de gouvernance.
Le climat est le premier enjeu politique planétaire à solidarité obligatoire.
Il n’y a pas de maîtrise nationale possible du climat. Impossible
d’améliorer le climat à Paris si on le dégrade à Washington et Pékin :
il s’agit d’un bien public mondial indivisible. Pour le réguler, nous
avons besoin d’une gouvernance mondiale. Les engagements de Kyoto ont
montré leurs limites. Il s’agit d’un traité juridiquement contraignant
mais sans mécanisme de sanctions en cas de non-respect. Le Canada, la
Nouvelle Zélande ont laissé exploser leurs émissions en violation de
leurs engagements à Kyoto, sans conséquences. Et le traité n’est pas
universel : des pays industrialisés comme les États-Unis ou l’Australie
ne l’ont pas ratifié ; les pays en développement ne faisaient pas
partie de la négociation. Pour pallier ces faiblesses, nombreux sont ceux qui plaident pour l’avènement d’une Organisation mondiale de l’environnement.
Une organisation sur le modèle de l’OMC en matière commerciale : à
vocation universelle ; et dotée d’un organe de règlement des différends
capable de faire respecter les engagements pris sous peine de
sanctions. Les Etats-Unis de Barack Obama ont accepté de revenir dans
la négociation climat, à l’inverse de l’Administration Bush, mais ils
refusent toute perte de souveraineté nationale. Ils rejettent notamment
l’idée de sanctions. Pour les spécialistes de diplomatie multilatérale,
cet épisode rappelle fortement les débats qui ont prévalu avant la
naissance de l’OMC. Bill Clinton avait arraché au Congrès américain la
ratification de l’accord OMC, en acceptant que les Etats-Unis se
retirent s’ils étaient condamnés plus de trois fois par l’OMC. Les
Etats-Unis ont été condamnés à maintes reprises depuis et plus personne
ne parle de retrait. Barack Obama saura-t-il obtenir sur le climat ce
que Bill Clinton avait réussi à obtenir en matière commerciale ?
Le climat pose un second problème de gouvernance, spécifique. Dans
nos démocraties contemporaines, les principales parties prenantes
concernées par le réchauffement ne sont pas représentées : les
générations futures. Il n’y pas d’institutions pour prendre en
charge leurs enjeux, le long terme. C’est la communauté scientifique
qui l’a fait. Elle s’est structurée au sein d’une organisation ad hoc,
le GIEC (Groupe international des experts sur le climat). Elle a fait
jouer son autorité morale pour obliger les gouvernements à intégrer cet
enjeu. Il y a d’autres enjeux « orphelins », non représentés dans nos
institutions : la planète (la biodiversité) par exemple. Il est grand
temps, derrière des intellectuels comme Michel Serres (Le temps des
crises) et Pierre Rosanvallon (La légitimité démocratique), de penser
l’approfondissement de nos modèles démocratiques."