Louis DALMAS: DEUX RAISONS DE L’ÉCHEC DE COPENHAGUE
Le sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique s’est terminé, comme prévu, par un échec.
Et
nos médias se sont lamentés sur une Amérique qui ne s’engage pas, une
Europe incapable de parler d’une seule voix, une Chine qui ne pense
qu’à ses intérêts, une Inde ne sachant pas prendre parti et un Tiers
monde se querellant dans l’impuissance. Bref, des larmes de crocodile
sur un spectacle de cirque raté.
Et, comme d’habitude, personne
n’évoque l’essentiel. En l’occurrence, deux points qu’on aurait bien
aimé voir traiter dans les grands journaux et à la télévision, et qui
expliquent ce qui s’est passé.
1) Le rôle du “Groupe des 77”. Vous
ne savez pas ce que c’est ? Et pour cause.
Nos brillants commentateurs
évitent soigneusement d’en parler. Pourtant son action a été capitale.
Fondée le 15 juin 1964, cette coalition de pays en voie de
développement compte aujourd’hui 130 nations membres, emmenées par la
Chine et l’Inde. Elle est devenue un redoutable instrument de lutte
contre l’hégémonie de l’impérialisme américain. Or, les analystes
honnêtes de la situation internationale savent que toute cette énorme
offensive de “sauvetage de la planète”, si elle pose des problèmes de
pollution qu’il faut en effet résoudre, a aussi comme objectif de
rassembler le monde sous la houlette de Washington. La réunion de
Copenhague était conçue comme une étape importante dans ce formatage
des Nations Unies par l’Occident.
Notre bonne “gauche” officielle,
toujours à la botte du shérif, a vendu la mèche : “La simple
combinaison des intérêts nationaux, cadre intellectuel des stratèges à
l’ancienne, ne suffit plus à assurer l’avenir de la planète, dit
Laurent Joffrin dans son éditorial de Libération du 18 décembre
dernier. C’est la marche vers un directoire mondial démocratique qui
conditionne maintenant l’avenir de l’humanité. Il dépend d’Obama que
cette utopie nécessaire prenne ou non un début de consistance.” Inutile
de dire que cette idée de gouvernance mondiale américaine ne plaît pas
aux 130 pays du “Groupe des 77”, et ils n’ont pas manqué de le faire
savoir. Avec le résultat que l’on sait. Mais ça, ça ne figure pas dans
les causes de l’échec répertoriées dans nos grands médias.
2) Un
autre grand sujet a été passé sous silence.
Quand a-t-on entendu les
chantres de la dépollution, du style Nicolas Hulot, déplorer les dégâts
causés à l’environnement par les guerres impériales ? Où a-t-on vu tous
ces mesureurs de CO2, si acharnés à rationner nos automobiles ou nos
radiateurs, se donner la peine de calculer ce que diffusent les
milliers de chars, de véhicules blindés, de camions qui sillonnent sans
arrêt les pistes d’Irak ou d’Afghanistan ? Dans quelle émission de télé
a-t-on entendu les camelots de l’écologie, comme Cohn-Bendit, dénoncer
les ravages des bombardements ou la contamination de régions entières
par l’uranium appauvri ? Combien de fois nos représentants dans la
capitale danoise ont-ils pris la parole pour dénoncer la destruction
miliaire de la planète ? On peut penser que cette occultation des
formes armées de la colonisation moderne n’a pas rassuré les cibles
éventuelles dans le Tiers monde, et a aussi contribué à l’échec. Mais
ça non plus, ça n’a pas eu l’honneur d’être évoqué dans nos médias.
Résistance à l’Empire US, dénonciation des guerres : voilà la véritable trame de la faillite du sommet. Que nos médias n’en disent pas un mot prouve simplement la servile médiocrité de notre information.
Louis DALMAS.
Directeur du mensuel B. I. Dernier livre paru : “Le bal des aveugles” (Editons Le Verjus).