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13 janvier 2010

Le jospinosaure, un ruminant présarkozique qui rumine encore et toujours

Quand Lionel Jospin arrêtera-t-il donc de dire qu’en fait, il aurait dû gagner l’élection présidentielle du printemps 2002 ? Même Valéry Giscard d’Estaing a reconnu et digéré sa défaite du 10 mai 1981 et n’a pas hésité à poursuivre son action politique dès 1982 pour apporter ses compétences et son énergie au service de l’avenir de la France. Au lieu de cela, Lionel Jospin essaie de vendre un livre et ressasse. Pitoyable homme d’État !

C’est sûr que l’ancien Premier Ministre Lionel Jospin veut faire acheter son bouquin-interview "Lionel raconte Jospin" qui vient de sortir et dont quelques extraits sont lisibles ici. Alors, il s’épanche partout dans les médias et est même l’unique sujet d’un documentaire éponyme réalisé par Patrick Rotman dont le premier volet sera diffusé sur France 2 le jeudi 14 janvier 2010 à 22h35 et que Serge Moati décrit (le 9 janvier 2010) en ces termes : « Tous les hommes politiques ont dû demander récemment au petit Papa Noël un tel cadeau : un film tout à eux dédié, sans questions qui fâchent. Et ça fait de l’excellente télé. Sans secousse, ni surprise, mais passionnant. Même si, durant ces trois heures, on n’apprend pas grand-chose de neuf, le film colle et ressemble au personnage : la voix de Jospin. Le ton de Jospin. Sa timidité. Sa pudeur. Son orgueil. Autoportrait en majesté démocratique. ».

Il y a cependant un réel malaise à ressasser une fois encore son échec de 2002 alors que les socialistes ne semblent pas en avoir fini avec la malédiction de la défaite. S’agit-il encore d’un homme politique, ou d’une statue de cire du Musée Grévin ?

Jospin entré dans l’histoire

Lionel Jospin peut s’enorgueillir d’avoir été l’un des trois ou quatre leaders socialistes à avoir fait gagner la gauche non radicale depuis le début de la IIIe République, avec Léon Blum et François Mitterrand (et éventuellement Guy Mollet, même si ce fut plutôt la victoire volée de Pierre Mendès France).

Gagner une élection nationale. En permettant la formation d’un gouvernement socialiste.

Lionel Jospin avait en quelques sortes rompu avec la singularité de François Mitterrand. Oui, la gauche pouvait revenir aux affaires normalement, ordinairement, dans un jeu dédramatisé d’alternances classiques.

Il était revenu de loin. Il avait failli abandonner la politique lors de son échec aux législatives de mars 1993. Il voulait réintégrer le quai d’Orsay. On parlait même de lui comme ambassadeur de France en Allemagne. Un poste prestigieux. Mais il n’a pas eu la carrière de Philippe Séguin (retrait de la politique et excellence dans son corps d’origine). Il est finalement devenu candidat des socialistes presque faute de combattant dès 1995. Sans espoir de gagner et il avait réussi quand même l’exploit d’arriver premier au premier tour d’une élection qui devait départager Édouard Balladur et Jacques Chirac.

Ce bon score du premier tour (sans espoir pour le second tour) l’avait remis en "selle" pour reprendre la direction du PS qu’il avait abandonnée lors de son entrée au gouvernement en 1988. Il était l’un des deux dauphins de François Mitterrand (avec Laurent Fabius) mais a vite eu besoin de parler du "droit d’inventaire", un terme repris maintenant par François Hollande, qui fut à Lionel Jospin ce que Jospin fut à Mitterrand.

La dissolution de 1997 et l’impopularité du gouvernement Juppé ont suffi à lui apporter la victoire législative deux ans après son échec présidentiel. Matignon au lieu de l’Élysée, donc. Et Chirac inaugura le "septennat de deux ans".

Pendant cinq ans, Lionel Jospin a donc cru gouverner convenablement, du haut de ses certitudes.

Pourtant, il a fait plein d’erreurs.

Erreurs et fautes politiques du "quinquennat Jospin"

La première, la plus grosse, c’était les 35 heures. Heureusement que le monde se trouvait alors dans un contexte de prospérité et de croissance. Il est toujours étonnant d’entendre encore des socialistes rappeler que le "quinquennat Jospin" correspondrait à une période de prospérité, de croissance et de baisse du chômage. Étonnant car la conjoncture internationale peu maîtrisée par les États allait dans ce sens. Au contraire, Lionel Jospin, avec la réduction du temps de travail, a freiné cette croissance économique. D’ailleurs, la preuve en est que la crise des nouvelles technologies (informatique et télécommunications) à partir de 2000 a engendré une baisse significative de la création d’emplois et de la croissance. Toujours sous ce même gouvernement.

Une autre erreur fondamentale fut l’adoption du quinquennat. Pas l’inversement du calendrier électoral car il n’était qu’un corollaire du quinquennat. En donnant suite à la proposition de Valéry Giscard d’Estaing du quinquennat, Lionel Jospin voulait mettre initialement dans l’embarras Jacques Chirac qui avait toujours refusé une telle réforme, mais sa volte-face a montré que le quinquennat pouvait présenter un intérêt pour se représenter, après sept ans de mandat et un âge déjà bien avancé (69 ans).

J’ai été parmi les très peu nombreux (27% des 30% de votants) à voter contre le quinquennat au référendum du 24 septembre 2000. Maintenant, avec presque deux quinquennats de recul, beaucoup de voix commencent à se faire entendre disant que le quinquennat n’est finalement pas très pertinent, car il rend les députés trop dépendants de l’Élysée. Cela rend la Présidence "hyperprésidentielle".

Mais les deux principales fautes politiques de Lionel Jospin ne furent pas des actions mais des démissions : son refus de s’occuper du douloureux problème des retraites par simple lâcheté électoraliste et, par ignorance du monde "réel", son manque de compréhension des problèmes de sécurité, thème principal de la campagne présidentielle de 2002 après les attentats du 11 septembre 2001.

Éthique et colégramme

On représente souvent Lionel Jospin comme un homme à probité et intégrité extraordinaires. Il est vrai qu’aucune "affaire" n’est venue lui obscurcir l’horizon. Mais peut-on mettre sur le même plan par exemple l’esprit républicain incontestable (et reconnu en grandes pompes aux Invalides le 11 janvier 2010 à 15h00 et au Palais Bourbon le 12 janvier 2010 à 16h00) de Philippe Séguin et celui de Lionel Jospin ? Pas forcément sûr. Ou peut-être si, les historiens le diront plus tard. Comme le dit Anne Roumanoff : « Avec sa voix détimbrée et son intransigeance orgueilleuse, Lionel Jospin n’est sans doute pas assez retors pour avoir un grand destin politique. ».

La morale d’un homme se juge aussi sur ses actes. Or, si son échec dès le premier tour du 21 avril 2002 a été pour lui un coup terrible (on l’imagine bien), il a été très décevant pour tous ceux qui combattaient les thèses de l’extrême droite en refusant d’appeler à voter au second tour pour son adversaire, Jacques Chirac, et pire, en refusant même de se déplacer pour le second tour, imitant ainsi les leaders gauchistes de Lutte ouvrière considérant que Le Pen et Chirac étaient bonnet blanc et blanc bonnet. Au contraire d’un Dominique Strauss-Kahn, par exemple, qui n’a pas hésité une seule seconde à voter et faire voter Chirac (idem pour les communistes).

Est-on intègre quand on a fait passer son amertume et son ego devant sa morale politique ? Est-ce de l’intégrité ?

L’abandon politique qui a suivi était une conséquence logique de cette prédominance de l’ego sur le combat politique. Depuis, les éléphants socialistes restent bien seuls dans leurs querelles.

Suffisance du mammouth ruminant

Un ego assez bien développé est sans doute la marque ordinaire d’un leader politique de premier plan. Mais malgré l’échec, peut-on rester avec tant d’autosatisfaction et de suffisance ? « Quand je regarde en arrière, c’est le plaisir qui domine, parfois, la fierté, jamais l’amertume. (…) Je me suis personnellement accompli et j’ai servi mon pays. ».

Alors, entendre Lionel Jospin, en 2010, ruminer encore et toujours sur son échec de 2002 et n’avoir aucune capacité à faire de l’autocritique est franchement aberrant. Et décrédibilisant. L’entendre dire (comme sur France Inter le 7 janvier 2010 où son interview a dû être écourtée en raison de l’annonce du décès de Philippe Séguin) que "normalement", 2002 aurait dû se passer autrement, c’est vouloir refaire l’histoire, refuser le verdict des électeurs, et finalement, c’est toujours faire preuve de mauvais perdant. Il répète en ce moment ce type de phrase : « Nous savons tous qu’avec un peu moins de légèreté et d’imprudence à gauche, le sort de l’élection pouvait être tout autre. ».

Et de marteler avec la méthode Coué : « Je n’ai pas été la cause première de la défaite. ». Tant mieux pour sa conscience.

Le seul mea culpa, ce fut pour dire du bout des lèvres : « J’ai surestimé le rejet de Jacques Chirac, j’ai surestimé la perception positive de mon bilan. J’ai sous-estimé l’impact qu’avait la division de la gauche, j’ai sous-estimé le premier tour. Ma campagne n’a pas été assez offensive. ». Tout en se dédouanant immédiatement : « Mais quand l’attelage va à hue et à dia, c’est difficile d’être bon. ».

Pierre Moscovici, ancien ministre jospiniste et candidat éventuelle à la candidature, ne dit pas autre chose en estimant la période du gouvernement Jospin plutôt positive : « L’inventaire doit certes être établi, mais en n’oubliant jamais la force de notre actif : la table rase ne fait pas une politique ! » et en reconnaissant que l’autocritique « n’est pas, ne sera jamais le fort de Lionel Jospin – mais après tout, est-ce bien à lui de le faire, de céder à ce qui serait de sa part une auto-flagellation ? ».

Les causes réelles de son éviction ne sont pas dans la désunion de la gauche (ce n’est pas Chevènement, ce n’est pas Taubira, ce n’est pas Mamère). Il y a des causes qui proviennent de lui-même, de sa manière de se comporter avec les citoyens, et de sa politique, comme Vincent Peillon le note le 5 janvier 2010 :
« Les socialistes n’ont toujours pas encore vraiment admis que leur échec de 2002 ne fut pas seulement le fait de la division de la gauche, mais aussi le résultat de leurs propres carences en matière de politique fiscale, de sécurité ou de rapport à l’Europe. ». Après huit ans, il serait temps de le reconnaître.

Toujours le passé… Et l’avenir, alors ?

Alors, Monsieur Jospin, avec tout le respect que je vous dois, je vous propose une alternative : reprenez le travail que vous avez refusé de faire en 2002, analysez les raisons réelles de votre échec, aidez vos camarades socialistes… ou alors, taisez vos ruminations une fois pour toute et tournez-vous vers l’avenir, faites des propositions pour la France et son avenir, vous qui êtes si intelligent !


Source: Sylvain Rakotoarison (13 janvier 2010)



Pour aller plus loin :

François Hollande présidentiable ?

Dominique Strauss-Kahn présidentiable ?

Lionel Jospin se regarde le nombril.

Quelques avis sur le retour médiatique de Lionel Jospin.

Un peu plus sur le PS.

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