OpinionWay et la «liberté de la presse»
Gérald Andrieu - Marianne | Lundi 22 Février
2010
Dans une interview, le directeur général adjoint d’OpinionWay explique que la critique des sondeurs est «un droit» pour «les journaux», que «cela fait partie de la liberté de la presse». Etonnant quand on sait que ce même institut de sondages a attaqué Marianne en justice…
(photo: katerha - Flickr - cc)
«Que les journaux adorent nous critiquer c’est leur droit, cela fait partie de la liberté de la presse. » Il en a de bonnes, Charles-Henri d'Auvigny ! Dans une interview donnée au blog « Média, un autre regard » le tout nouveau directeur général adjoint d’OpinionWay chargé du développement et de la communication la joue « ouvert-à-la-critique ». Ça ne mange pas de pain de l’affirmer. Plus compliquée, en revanche, est la mise en pratique. OpinionWay et son président Hugues Cazenave, rappelons-le, viennent d’offrir à Marianne et six de ses journalistes un petit détour par la case justice exigeant, au passage, plusieurs dizaines de milliers d’euros en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi (délibéré le 16 mars). Ils considèrent en effet avoir été diffamés dans la série d’articles consacrés à la relation OpinionWay – Publifact — Elysée par Marianne et Marianne2.fr. Une relation que la Cour des comptes avait révélée dans son rapport de juillet dernier sur les dépenses de la Présidence de la République. Mais qu’on se le dise, la « critique » des sondeurs est un « droit », cela fait même « partie de la liberté de la presse » ! Chiche ?
Dans ce même entretien, Charles-Henri d'Auvigny revient sur l’affaire des sondages élyséens. Interrogé sur le fait que « la Cour des comptes ne citait qu’OpinionWay » et nul autre sondeur dans son rapport, voilà ce qu’il répond : « C’est vrai mais Philippe Séguin nous a ensuite écrit pour dire qu’il ne mettait en aucun cas en cause la société OpinionWay qui n’était qu’un intervenant parmi d’autres de cette affaire. » Quel bon communicant il fait, Charles-Henri d'Auvigny : il sait sélectionner les phrases les plus « percutantes ». Enfin, presque. Car dans la lettre de l’ancien patron de la Cour des comptes, celles qui suivent méritent aussi d’être citées. Comme l’intégralité du document d’ailleurs. Certes, Philippe Séguin dans son courrier adressé à Hugues Cazenave explique bien que « la Cour n’a en aucun cas mis en cause la société [qu’il préside] », mais tout simplement parce que cela ne fait pas partie de ses prérogatives ! C’est justement ce que précise Séguin dans le paragraphe suivant, rappelant qu’OpinionWay n’était « pas un fournisseur direct de la Présidence de la République ». Et pour cause : le cabinet Publifact de Patrick Buisson servait d’intermédiaire.
Mais plus intéressant encore se révèle être le quatrième point abordé par Philippe Séguin dans son courrier au président d’OpinionWay daté du 24 juillet :
Résumé : une semaine après que dans son rapport la Cour des
comptes se soit étonnée (et Marianne avec elle) que « la comparaison des
résultats publiés dans la presse et de ceux remis à la Présidence ne
faisait pas apparaître de différence », Philippe Séguin persistait
et signait. Mais Charles-Henri d'Auvigny préfère avoir la citation
sélective. Reste maintenant à savoir s’il est ouvert à la critique de façon aussi
sélective…
Pour consulter l'intégralité de la lettre de Philippe Séguin adressée à Hugues Cazenave.
Va, lis et reviens:
-
Les articles de Marianne2 sur l'affaire des sondages :
- Les documents consultables
sur le sujet :
- Le rapport de la Cour des comptes
- Le rapport du socialiste Jean Lausnay
- L'appel d'offre finalement lancé par l'Elysée déniché par Mediapart
- La lettre de Philippe Séguin à Hugues Cazenave
- Les procès contre Marianne vus par nos confrères :