DSK, Sarkozy ou l’autosatisfaction des bourreaux
le 04/05/2010
DSK lors du G20 de Pittsburgh en 2009
- Photopedia Creative Commons
Hier soir, mon train était
en rade. Avarie matérielle. Encore (cela en dit long sur l'état du
service public). J'ai donc eu tout le loisir de lire Le Monde
qui consacrait deux pleines pages à "la crise de la zone Euro".
Et c'est peu dire que j'ai été effaré par l'autosatisfaction et
l'inconscience des "grands" de ce monde qui s'y exprimaient et
s'expriment depuis quelques jours à propos de la Grèce et de son soit
disant sauvetage.
On le sait maintenant, les pays européens et le FMI dirigé par Dominique Strauss-Kahn ont accordé à la Grèce une
aide sans précédent en échange d'une véritable thérapie de choc.
Une thérapie de choc qui n'a rien à envier aux méthodes brutales
et sans états d'âme qui ont fait la détestable réputation du FMI
autour du monde. Interrogez donc vos amis d'Amérique du Sud ou
d'Afrique à propos des célèbres plans d'ajustement du FMI qu'ils ont eu à
subir.
Usant des vieilles recettes ultra-libérales, le FMI de DSK -ainsi que le
tandem formé par Nicolas Sarkozy et la dirigeante
allemande Angela Merkel- vont assommer le
peuple grec à coup de massue :
- Suppression des 13ème et 14ème mois de salaires pour les fonctionnaires, baisse de 8% de leur prime soit environ une baisse de 30% de leur rémunération
- Suppression des 13ème et 14ème mensualités pour les retraités, allongement de 3 ans des durées de cotisations retraites, age légal porté à 65 ans y compris pour les femmes,
- Hausse de la TVA de 19 à 23 %, augmentation des taxes foncières,
- Assouplissement des règles de licenciement, libéralisation des marchés de l'énergie et des transports, mise en concurrence des professions réglementées, etc...
La
bouffée d'oxygène apportée par les capitaux frais de l'Europe
et du FMI va certes mettre la Grèce à l'abri pour 2 à 3 ans.
Mais avec cette thérapie de choc, c'est le peuple grec qui va
trinquer en priorité, avec à la clé une longue récession et un
ralentissement économique qui ne permettra de dégager des ressources
fiscales permettant de rembourser la dette grecque. C'est simplement
reculer pour mieux sauter demain. Avec dès aujourd'hui des millions de
victimes, les citoyens grecs.
Tenants de cette thérapie de choc utlra-libérale, Dominique
Strauss-Kahn, Nicolas Sarkozy et Christine Lagarde affichent une
autosatisfaction d'une indécence inouïe.
On apprend que Nicolas
Sarkozy à peine rentré de Chine a tenu à s'afficher samedi "à la pointe du combat
pour le sauvetage financier de la Grèce en présidant
une réunion de travail et en affichant son entente sur ce
dossier avec Angela Merkel".
Une Angela Merkel dont on sait que sa priorité du moment est loin d'être
l'intérêt des peuples européens mais plutôt celui de son parti engagé
dans des élections cruciales le 9 mai, dans le Land de Rhénanie et du
Nord-Westphalie.
Tout cela n'empêche pas le moins du monde Dominique Strauss-Kahn de saluer, dans un entretien au Monde qui fera date, "cet incroyable effort de solidarité".
"Incroyable
effort de solidarité", avez-vous dit Mr Strauss-Kahn?
Comme beaucoup d'autres, je dirais que c'est une bien étrange conception
de la solidarité que celle qui consiste à emprunter à 3 % pour prêter à
5 % à la Grèce, en se faisant des marges de bénéfices au passage.
Soit 200 millions d'euros de bénéfice par
an pour le trésor Français comme prévoit Xavier
Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l'OFCE
dans Le Monde...
Le Monde interroge ainsi la
ministre de l'Economie "L'Etat français emprunte actuellement à
1,5%, il va donc faire une plus-value en prétant à la Grèce?" à
propos de cette étrange conception de la solidarité.
Et Christine Lagarde de répondre "Le taux d'intérêt rémunère le
risque. Et nous ne voulons pas prêter à des conditions
super-attractives, pour ne pas encourager le vice."
Les Grecs mais aussi l'ensemble des citoyens pris à la gorge par des créanciers pratiquants des taux d'usure apprécieront...
Mais ce n'est pas tout, c'est de Dominique Strauss-Kahn que vient le clou de cet indécent spectacle. Lors de son entretien au Monde, Il se déclare "admiratif de l'extrême rigueur choisie par le gouvernement Papandréou qui a préféré de durs sacrifices immédiats pour sortir au plus vite son pays de la crise.".
Dire
que le gouvernement d'Athènes a choisi cette extrème rigueur est d'une
hypocrisie sans nom quand on sait la taille du couteau que la
Grèce et avec elle la zone Euro a eu sous la gorge du fait des marchés
financiers et de banquiers sans aucun scrupule.
Ainsi Goldman Sachs a aidé l'ancien gouvernement de droite à camoufler
l'ampleur de la dette grecque, tout en se lançant dans une spéculation
effrénée amenant à rendre réel le risque de faillite de la Grèce.
Et que penser d'un ministre socialiste qui se fait le chantre de la rigueur la plus dure? Cela rappelle simplement à certains que c'est "Dominique Strauss-Kahn, ministre des finances du gouvernement de Lionel Jospin qui a le plus poussé à l’époque pour que les socialistes se convertissent à une politique sociale-libérale". Une politique "préconisant une baisse du taux supérieur de l’impôt sur le revenu au pro?t des très hauts revenus, défendant une très forte et choquante dé?scalisation des stock-options ou encore la mise en œuvre accélérée de privatisation des services publics"...
Et Laurent Mauduit, journaliste économique de MediaPart de s'interroger à son propos : "DSK s’est-il disqualifié pour représenter les socialistes?".
La question
est certes posée.
Mais l'essentiel, le plus grave, c'est que les temps difficiles sont
devant nous, comme l'écrit Jacques Attali qui prédit la dépression
mondiale à venir.
Même les commentateurs les plus libéraux, comme ici Eric Le Boucher de
Slate.fr, ne peuvent que constater que ce sont les marchés qui font
la loi, faute pour les gouvernements d'avoir su imposer une véritable
régulation du capitalisme. Ou autrement dit, faute de frapper durement
les milieux de la spéculation, ainsi que l'écrit Allan Sloan du magazine
américain Fortune:
"La chose que je sais, c’est que tant que quelqu’un n’aura pas
frappé Wall Street, durement, l’affaire grecque ne sera pas la fin de
l’histoire. Ni même la dernière surprise."
1er Mai 2009, Place de l'Opéra - ©
RichardTois
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(Sources:
Le Monde, Le Parisien.fr, Le Monde, Econoclaste, MediaPart, Slate.fr, Fortune )