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6 mai 2010

Pourquoi une telle bataille médiatique autour de "DSK" ?

Les appels se sont multipliés dans les rédactions il y a quelques jours : "Nous vous contactons à propos de ce livre anonyme. L'avez-vous eu entre les mains ?" Puis les contre-feux ont été allumés, le plan com de Dominique Strauss-Kahn répondant à celui de l'éditeur Plon. Stéphane Fouks, Anne Hommel, Ramzi Khiroun et Gilles Finchelstein, les quatre conseillers en communication de "DSK", ont largement distribué une note de onze pages afin de dénoncer les affirmations d'un livre qui doit sortir en librairie le 10 mai, DSK, les secrets d'un présidentiable, écrit par une mystérieuse plume sous le pseudonyme de Cassandre. "Un grossier plagiat, affirme la petite équipe, la reprise d'informations, véridiques ou erronées, qui ont déjà été publiées dans la presse, sur Internet ou dans des livres, agrémentées d'innombrables inventions."

   

La périlleuse stratégie de "DSK". L'avocat Jean Veil a été chargé par les amis de l'ancien ministre de l'économie d'examiner une plainte judiciaire possible. Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation Jean-Jaurès, envisage de retirer à Plon, l'éditeur de Cassandre, la publication des notes de la fondation socialiste et ne devrait pas signer le contrat que lui proposait l'éditeur pour un nouveau livre cosigné avec le banquier de Lazard, Mathieu Pigasse. Stéphane Fouks, le patron d'Euro-RSCG, s'est attaché à mettre en garde nombre de journaux contre ce livre qui affirme, à propos de Strauss-Kahn : "Sa vie de nabab, d'une villégiature à l'autre, d'une femme à l'autre, d'une conviction à l'autre pourrait bien éclater au grand jour."

L'effervescence des collaborateurs de DSK est pourtant à la mesure de la difficile stratégie que tente de mener depuis des mois le directeur général du Fonds monétaire international (FMI). Une des personnalités les plus influentes du monde et potentiel candidat à l'élection présidentielle française. Dirigeant concentré sur la résolution de la crise mondiale et tacticien hors pair cherchant le meilleur angle pour imposer sa candidature dans l'Hexagone. Comment mener les deux rôles de front ? Depuis 2007, l'ancien ministre de Lionel Jospin s'y attache pourtant.

"Dites que je réfléchis". Tenu par l'absolu devoir de réserve imposé par le FMI à ses dirigeants, Dominique Strauss-Kahn n'a jusqu'ici jamais répondu directement sur ses ambitions présidentielles. "A ce jour, j'ai l'intention de faire mon mandat", mandat qui court jusqu'à l'automne 2012, a-t-il répété, en février dernier, avant d'ajouter : "Mais, dans certaines circonstances, je pourrais me reposer cette question."

Libération, le 5 mai, rapportait un dîner ayant réuni le 3 février l'ex-ministre de l'économie et une dizaine de ses fidèles au cours duquel il aurait expliqué : "Je ne vais pas changer de musique mais de tempo. Je ne tiens pas à ce qu'on accélère, à ce qu'on dise que je me prépare. Je suis encore dans une phase de réflexion. Mais si on vous pose la question, dites que je réfléchis." Pendant sa "réflexion", il laisse cependant ses amis et son équipe d'Euro-RSCG organiser, en France, une communication destinée à maintenir le désir de le voir revenir sur la scène nationale.

Dans cette bataille de la communication, les sondages, la presse et l'édition sont devenus des armes clés. Mois après mois, les strauss-kahniens ont ainsi suivi la montée, en France, de la cote de popularité du patron du FMI. Chaque fois, ils ont souligné notamment combien il creuse l'écart avec ses rivaux du Parti socialiste. Dans le dernier sondage BVA pour le Nouvel Observateur, près d'un sondé sur deux (49 %) se prononce pour DSK lorsqu'on leur soumet une liste de six personnalités susceptibles de représenter le PS en 2012. Martine Aubry arrive loin derrière (16 %), François Hollande est ex aequo avec Ségolène Royal et le maire de Paris, Bertrand Delanoë (9 % chacun). Laurent Fabius se classe dernier avec 4 %. Comment mieux démontrer qu'avant même l'organisation de primaires au sein de la gauche, DSK a pris l'avantage ?

Promouvoir l'image internationale. De la même façon, le commentaire du sondage par Gaël Sliman, le directeur du pôle opinion de BVA, a été largement diffusé par les fidèles de l'ancien ministre. N'explique-t-il pas carrément que DSK a vu "sa crédibilité renforcée". "Il parle d'égal à égal avec les chefs d'Etat, énonce ainsi M. Sliman, il a rehaussé l'image du FMI" qui n'apparaît plus comme "l'horrible monstre libéral qui étrangle les pays pauvres", mais comme "le pompier de service".

De quoi placer Dominique Strauss-Kahn à égalité avec le président Sarkozy sur la scène internationale. Enfin, au moment même où Martine Aubry, renforcée par le succès du PS aux élections régionales, tentait d'affirmer son leadership sur la gauche, l'avocat de DSK, Jean Veil, a négocié pour Le Point visite et entretien d'un journaliste à Washington auprès du patron du FMI.

Salve éditoriale. DSK continue de susciter les interrogations sur sa personnalité, son train de vie et sa vie privée. Et c'est aussi la crainte de voir ces fragilités exposées qui continue de susciter tant de peur, au sein de ses équipes. Car ses collaborateurs ont bien noté qu'au moins quatre livres sont en préparation sur l'ancien ministre. Outre celui de la fameuse Cassandre, un portrait signé des journalistes Philippe Martinat (Le Parisien) et Alexandre Kara (France 2) chez l'éditeur Max Milo, un troisième annoncé aux Editions du Moment sous le titre Les Dessous chocs de l'affaire DSK, un quatrième, de Stéphanie Antoine (France 24) aux éditions du Seuil.

Pour tenter de les contrer, la garde rapprochée de DSK a décidé d'ouvrir ses portes au rédacteur en chef du Journal du dimanche, Claude Askolovitch, pour les éditions Grasset. Enfin, l'équipe des communicants de l'ancien ministre a empêché jusqu'ici toute publication des photos du luxueux riad que possèdent DSK et son épouse Anne Sinclair à Marrackech. Cela suffira-t-il à protéger son image et son éventuelle candidature ?

Un climat d'intrigues. Reste à gérer le temps, et ce n'est pas la moindre des difficultés. Après un démarrage difficile à la tête du PS, Martine Aubry a marqué des points et ne cache pas qu'elle songe, elle aussi, à 2012. Cela entraîne une certaine nervosité dans le camp des strauss-kahniens. Mercredi 5 mai, le député PS Michel Sapin a réclamé que DSK n'annonce "pas trop tardivement" son choix sur une éventuelle candidature à la présidentielle "pour que son choix personnel apporte quelque chose aux socialistes".

Par ailleurs, les méthodes, le style et parfois la brutalité des communicants de Strauss-Kahn commencent à gêner, y compris ses fidèles. La proximité de Stéphane Fouks avec certains ministres du gouvernement Sarkozy, qui sont aussi ses clients à Euro-RSCG, la mission de conseiller de Ramzi Khiroun auprès d'Arnaud Lagardère, un proche du président de la République, ont fini par brosser le tableau d'un petit monde d'initiés interchangeables entre gauche et droite. Les comparaisons répétées de ce petit groupe avec leurs homologues chez Nicolas Sarkozy, ceux-là même que l'on appelle "la firme", ont mis mal à l'aise. Mercredi 5 mai, Michèle Sabban, vice-présidente de la région Ile-de-France et proche du patron du FMI, se disait "inquiète de ces intrigues permanentes autour de lui".

Raphaëlle Bacqué

LE MONDE

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