Eva Joly a réclamé dimanche 20 juin la démission d'Eric Woerth

Eric Woerth "ne connait pas les finances" de Liliane Bettencourt

AFP/STEPHANE DE SAKUTIN (Le MONDE)

      

Eric Woerth, ministre du travail, nie toute implication dans les affaire financières de Liliane Bettencourt, richissime héritière de L'Oréal.

   

L'eurodéputée écologiste Eva Joly a réclamé dimanche 20 juin la démission d'Eric Woerth en raison de ses possibles interventions dans l'affaire Bettencourt. "Dans une démocratie normale, la démission s'impose", affirme sur Mediapart la magistrate, en évoquant le ministre du travail, qui était au budget quand son épouse faisait partie des conseillers de Liliane Bettencourt.

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Le nom du ministre et de son épouse Florence apparaissent dans des conversations pirates enregistrées par le majordome de M^me Bettencourt, héritière de L'Oréal, une des femmes les plus riches de la planète. Ces enregistrements de conversations entre M^me Bettencourt et son entourage  – réalisés clandestinement entre mai 2009 et mai 2010 et révélés mercredi par le site Mediapart – laissent entendre que l'héritière de L'Oréal détenait des comptes non déclarés en Suisse. Florence Woerth était chargée de la gestion d'une partie de la fortune de M^me Bettencourt entre 2007 et 2010, sous l'autorité du gestionnaire Patrice de Maistre au sein de la société Clymène.

"PARADIS FISCAUX"

Eva Joly, qui pourrait devenir la candidate d'Europe Ecologie à la présidentille de 2012, dénonce "une contradiction d'intérêts incroyable". "Ces enregistrements mettent en lumière la valeur des paroles et de la rhétorique d'Eric Woerth sur les paradis fiscaux", ajoute-t-elle. L'ancien juge d'instruction réclame également l'éviction des procureurs de Paris et de Nanterre, Jean-Claude Marin et Philippe Courroye, qu'elle accuse de chercher à protéger l'Elysée.

Lors d'une conversation privée enregistrée le 23 avril 2010, le gestionnaire de la fortune de Mme Bettencourt aurait ainsi expliqué à la milliardaire avoir vu Patrick Ouart, conseiller pour les affaires judiciaires de Nicolas Sarkozy, jusque fin 2009. "Il a voulu me voir l'autre jour et il m'a dit : monsieur de Maistre, le président continue de suivre ça de très près (...). Et en première instance, on ne peut rien faire de plus, mais on peut vous dire qu'en cour d'appel, si vous perdez, on connaît très, très bien le procureur", aurait affirmé Patrice de Maistre lors de cet entretien.

"JE NE CONNAIS PAS LES FINANCES DE M^ME BETTENCOURT"

Mis en cause, Eric Woerth affirme qu'il ne connaissait rien des finances de Liliane Bettencourt. "Je ne connais pas les finances de Madame Bettencourt, je n'ai aucune information sur une quelconque évasion fiscale et je n'ai donné aucune instruction de quelque nature que ce soit à l'administration fiscale", a déclaré au Journal du dimanche M. Woerth, qui était à l'époque des enregistrements ministre du budget.

"Ces accusations sont scandaleuses, fausses, totalement fausses. Mon épouse travaille depuis trois ans dans la société qui gère les actifs de M^me Bettencourt. Elle est salariée et non pas dirigeante de cette société. Son rôle est de placer les dividendes de L'Oréal perçus par M^me Bettencourt", s'est défendu le ministre. Invité d'Europe 1 dimanche matin, M. Woerth a répété que affaire ne concernait ni lui, ni son épouse. Il a annoncé que M^me Woerth allait porter plainte contre le socialiste Arnaud Montebourg qui a mis en cause le couple dans un entretien accordé à l'Express.fr.

Pour M. Woerth "on essaye de [le] déstabiliser politiquement" au moment où il mène la difficile réforme des retraites. "Qui est ce 'on' ?" ont demandé les journalistes qui l'interrogeaient. M. Woerth a entamé une énumération des coupables possibles : "le Parti socialiste, Martine Aubry, certains journalistes".

      

AFP/JOEL SAGET

      

L'entourage de Liliane Bettencourt a mis un terme à l'entretien avec "Le Monde" au bout de 21 minutes et une dizaine de questions.

   

M. WOERTH, "UN AMI"

Dans un enregistrement audio, M. de Maistre évoque avec M^me Bettencourt Eric Woerth : "Il est très sympathique et en plus c'est lui qui s'occupe de vos impôts donc je trouve que ce n'était pas idiot. C'est le ministre du budget. Il est très sympathique, c'est un ami", expliquait M. de Maistre à sa patronne. Sur Europe 1, le ministre a nié toute amitié avec M. de Maistre mais a reconnu qu'il le connaissait. "C'est le patron de ma femme", a-t-il dit avant de qualifier, en bafouillant, sa relation avec M. de Maistre de "lien de connaissance" (sic).

Dans un entretien – écourté – accordé au Monde, samedi, M^me Bettencourt s'est défendue de tout don à des hommes politiques en dehors du cadre fixé par la loi. Elle estime par ailleurs que sa fille Françoise est à l'origine de la fuite de ces enregistrements. La révélation de ces écoutes pirates survient avant le procès du 1^er au 6 juillet de l'artiste François-Marie Banier. Il est accusé par Françoise Bettencourt-Meyers, d'avoir profité de la fragilité de sa mère pour obtenir près d'un milliard d'euros de dons. Lors de sa rencontre avec Le Monde, Mme Bettencourt a martelé qu'elle avait donné de son plein gré une partie de sa fortune à M. Banier.

Le Monde.fr (avec Reuters)