Woerth bradait l'hippodrome de Compiègne... à prix d'ami
Exclusif: quand Woerth bradait le domaine pour faire plaisir aux copains
Daniel Bernard - Marianne | Mardi 13 Juillet
2010
Quelques jours avant son transfert au ministère du Travail en mars 2010, le ministre du Budget organisait la vente de l’hippodrome de Compiègne à des amis d’amis, au prix d’une acrobatie juridique.
Ce fut l’une des dernières décisions d’Eric Woerth, juste avant de
quitter Bercy. Dans la semaine précédant le remaniement, l’encore
ministre du Budget s’est assuré de la cession d’une parcelle sur
laquelle est installé l’hippodrome de Compiègne, situé dans son cher
département de l’Oise. Contre un chèque de 2,5 millions d’euros, France
Domaine a reçu l’ordre de céder la soixantaine d’hectares à la Société
des courses de Compiègne (SCC), l’association qui en était jusqu’à
présent simple concessionnaire.
Or, cette transaction,
même à l’heure où tout est bon pour renflouer les comptes publics, est
tout sauf anodine. Elle a mis en émoi, à Compiègne et ailleurs,
les spécialistes du droit forestier qui se demandent pourquoi Eric
Woerth, par ailleurs maire de Chantilly et dont l’épouse possède une
écurie de courses, a ainsi précipité une cession juridiquement
hasardeuse. «Qu’un ministre intervienne personnellement dans une
cession, je ne l’avais jamais vu, s’étonne un fonctionnaire de
l’ONF. Il fallait que les choses soient tordues pour justifier une
telle implication !».
Pourtant, Eric Woerth est bel et bien
intervenu personnellement, comme le montre le document ci-dessous :
Après avoir, dans ce courrier du 29 octobre 2009, informé
l’heureux acheteur que l’Etat était disposé à céder la parcelle, le
ministre a veillé jusqu’au bout à ce que le trésorier payeur général de
l’Oise procède bien à la vente. «Tout devait être bouclé avant son
transfert au ministère du Travail», affirme une source, au
ministère de l’Agriculture.
Pourquoi une telle
diligence ? Clairement, il s’agissait de passer en force.
S’appuyant sur l’Article L. 3211-5 du Code général de la propriété des
personnes publiques, un juriste consulté par Marianne affirme que «l’hippodrome,
dès lors qu’il a été bâti sur une forêt domaniale, est inaliénable».
Une étude de l’ONF, sollicitée par Bercy, stipulait d’ailleurs qu’une
cession nécessitait le vote préalable d’une loi. Une jurisprudence
existe : en 1960, le conseil d’Etat avait annulé une vente dans le
département des Alpes-Maritimes. Malgré cette mise en garde, Eric Woerth
n’a pas voulu s’aventurer dans une procédure législative. Par souci de
discrétion ?
La Société des courses de Compiègne (SCC),
qui a obtenu la cession de gré à gré, est présidée par Antoine Gilibert*,
bien connu dans l’Oise. Cet homme d’affaires est un supporter notoire
du sénateur-maire Philippe Marini qui, sans être un ami de Woerth, est
tout de même un membre éminent de l’UMP. Egalement propriétaire de
chevaux, le même Gilibert participe aux commissions de l’organisateur
des courses France galop —un point commun avec Florence Woerth, qui y
siégeait également de 2004 à 2007. Bref, il fréquente un petit monde
cimenté par la passion équestre, le sens des affaires et le goût de la
politique —ce même petit monde qui est aussi celui des Woerth.
Désormais propriétaire, la Société des courses de Compiègne n’aura plus
de comptes à rendre à personne pour transformer l’hippodrome. Jusqu’à
présent, ses dirigeants devaient obtenir l’accord de l’ONF avant de
réaliser le moindre aménagement. Désormais, plus rien ne s’oppose à la
construction, envisagée, d’un restaurant panoramique. «On s’engage
plus volontiers, quand on construit chez soi, plutôt que chez les autres»,
déclarait Antoine Gilibert à Paris Turf, peu après la vente. Merci
qui ?
*Contactés par Marianne2, ni Antoine Gilibert ni la
secrétaire générale de la SCC Corinne Dutrey Soyer n’ont pu être joints
avant la mise en ligne.
MARIANNE
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