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9 novembre 2010

C'était hier: "Pour ségolène Royal" .( Ariane mnouchkine)

C'était le 11/04/2007:

Pour Ségolène Royal

Je voudrais vous parler de sentiments. Car lors d’une élection présidentielle, et pour
celle-ci bien plus que pour toute autre, il s’agit aussi de sentiments. Il s’agit
d’étonnement d’abord, d’espoir, de confiance, de méfiance, de craintes, et de courage
aussi. Il s’agit surtout, je crois, d’un sentiment de genèse. Je n’ai jamais cru que la
Genèse fut terminée. Petite fille, je pensais même que, une fois grande personne, je
serais fermement conviée à y participer. Et comme, à l’époque, aucun adulte autour de
moi ne s’est cru autorisé à me détromper, je le pense toujours.
Certains hommes, certaines femmes, savent mieux que d’autres nous rappeler à notre
droit et à notre devoir de contribuer à cette genèse, à cette mise au monde d’un
meilleur monde. D’un meilleur pays, d’une meilleure ville, d’un meilleur quartier, d’une
meilleure rue, d’un meilleur immeuble. D’un meilleur théâtre.
Mieux que d’autres, par leur détermination, leur ferveur, leur sincérité, leur
intelligence, leur audace, ils nous incitent à entamer ou à reprendre avec joie un
combat clair, juste, urgent, possible. Modeste pour les uns, gigantesque pour les
autres, mais possible.
Pour libérer cet élan, il ne doit y avoir chez les prétendants aucune faconde, aucune
forfanterie, aucune vulgarité de comportement, aucun mépris de l’adversaire. Aucune
enflure pathologique de l’amour du moi. Aucune goinfrerie. Aucune clownerie de bas
étage, aucun double langage. Aucune mauvaise foi. Non, il doit y avoir une terreur
sacrée. Oui. Ils doivent être saisis d’une terreur sacrée devant le poids écrasant de la
responsabilité qu’ils ambitionnent de porter, devant l’attente du peuple dont ils
quémandent le suffrage avec tant d’insistance. Oui, il faut qu’ils tremblent de la terreur
de nous décevoir. Or, pour cela, il leur faut de l’orgueil. Car, sans orgueil, pas de
honte. Pas de vergogne.
Que de fois, ces jours-ci, je me suis exclamée: «Oh! Il est vraiment sans vergogne,
celui-là.» Eh bien, moi, j’espère, je crois, je sais que Ségolène Royal a de la
vergogne et donc qu’elle est capable de grande honte si, une fois élue, elle ne
réussissait pas à nous entraîner tous et chacun, où que nous soyons, du plus important
des ministères jusqu’à la plus humble classe de la plus petite école de France, dans cet
herculéen travail qui nous attend et qui consistera à recoudre, à retisser même par
endroits, et à poursuivre la formidable tapisserie qu’est la société française. Cet
imparfait, cet inachevé mais si précieux ouvrage que, par pure, ou plutôt par impure
stratégie de conquête du pouvoir, Nicolas Sarkozy et ses associés s’acharnent à
déchirer.
Donc, contre la pauvreté, contre le communautarisme, pour la laïcité, pour la
rénovation de nos institutions, contre l’échec scolaire, et donc pour la culture, pour
l’éducation et donc pour la culture, pour les universités, pour la recherche, et donc
pour la culture, pour la préservation de la seule planète vivante connue jusqu’à ce jour,
pour une gestion plus vertueuse, plus humaine, donc plus efficace des entreprises,
pour l’Europe, pour une solidarité vraie, qu’on pourrait enfin nommer fraternité et qui
ne s’arrêterait pas à une misérable frontière mais s’étendrait bien au-delà de la mer,
bref, pour une nouvelle pratique de la politique, c’est un immense chantier que cette
femme, eh oui, cette femme, nous invite à mettre en oeuvre. Et moi, je vote pour ce
chantier, donc je vote pour Ségolène Royal.
Son adversaire surexcité veut nous vendre, nous fourguer un hypermarché, un vrai
Shopping Paradise —très bien situé, remarquez, juste en face de la caserne des CRS,
elle-même mitoyenne du nouveau Casino des Jeux concédé à ses amis lorsqu’il était
ministre — tandis qu’un troisième… celui-là, à part être président, j’ai du mal à
comprendre ce qu’il veut pour nous. Une hibernation tranquille, peut-être ? Pendant ce
temps, celui que bien imprudemment certains s’obstinent à classer quatrième alors
qu’il y a cinq ans… vous vous souvenez?
Ô! Nos visages blêmes, nos mains sur nos bouches tremblantes et nos yeux pleins de
larmes. Ô ce jour-là nos visages… les avons-nous déjà oubliés ? L’horreur de ce
jour-là, l’avons-nous déjà oubliée? La honte de ce jour-là? Voulez-vous les revoir, ces
visages? Moi, non.
Voilà pourquoi, même si je respecte leurs convictions, et en partage plus d’une, je ne
veux pas que ceux qui pratiquent l’opposition radicale, jusqu’à en prôner la
professionnalisation durable, nous entraînent dans leur noble impuissance.
Voilà pourquoi je pense que nous, le soir, dans nos dîners, devons cesser nos
tergiversations de précieux ridicules. C’est du luxe. Un luxe insolent aujourd’hui.
Beaucoup dans ce pays ne peuvent se le payer. Ils souffrent. Ils sont mal-logés, ou pas
logés. Ils mangent mal. Ils sont mal soignés, ne connaissent pas leurs droits, donc
n’ont droit à rien. Ni lunettes, ni dents, ni vacances, ni outils de culture. Leurs enfants
n’héritent que de leur seule fragilité. Ils souffrent. Ils sont humiliés. Ils ne veulent pas,
ils ne peuvent pas, eux, passer un tour. Encore un tour. Jamais leur tour.
Alors, dépêchons-nous. Il y a du monde qui attend. Allons-y, bon sang! Il n’y a plus
une minute à perdre. Cette femme, eh oui, cette femme porte nos couleurs, elle les
porte vaillamment, courageusement, noblement. Et quand je dis couleurs, je ne parle
pas des seules trois couleurs de notre drapeau. Je parle des couleurs de la France, celle
que j’aime, celle de la citoyenneté vigilante, de la compassion pour les faibles, de la
sévérité pour les puissants, de son amour intelligent de la jeunesse, de son hospitalité
respectueuse et exigeante… Je parle des couleurs de l’Europe à qui nous manquons et
qui nous manque. Voilà pourquoi je vote pour les travaux d’Hercule, je vote pour
Ségolène Royal, et je signe son pacte.
• Ariane Mnouchkine •

J'ai lu ce texte le 5 avril, dans le cadre de la soirée Avant qu'il ne soit trop tard : vingtdeux
personnes y ont pris la parole pour expliquer leurs raisons de voter pour
Ségolène Royal dès le premier tour de l'élection présidentielle.

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