La France dépense pour ses pauvres. Souvent en vain...
Tefy Andriamanana - Marianne | Lundi 27 Décembre 2010
Les allocations logement coûtent cher, entendait-on ce matin sur
France Inter. Soit. Mais leur montant ne fait que suivre le niveau des
loyers que personne ne veut réguler. Laisser le champ libre au marché ne
revient donc pas forcément moins cher.
C'est le bon vieux discours néo-libéral. Le social coûte cher, les
pauvres sont trop assistés. Le contribuable paye cher pour un
Etat-providence omnipotent et inefficace. Sur la forme, ça a l'air
plaisant, sur le fond, la réalité est plus complexe.
Ce lundi matin sur France Inter, Julien Damon, ex-rapporteur du Grenelle de l'insertion évoquait cette multiplication des aides, pour lui la France est « dans le peloton de tête » dans le monde en matière d'aides sociale : « Il
y a 25 ans, l'Etat ne dépensait rien pour les sans-abris, aujourd'hui,
il dépense un milliard d'euros (...) Chaque année, il y a des dépenses
supplémentaires contre la pauvreté ». Il évoque également le poids des commissions et autres comités Théodule évoquant un « complexe assuro-assistanciel ».
Reste à savoir si ces dépenses sont efficaces et le logement constitue un excellent exemple pour le démontrer.
L'Etat dépense certes beaucoup (certains diront trop, d'autres pas
assez) dans ce domaine. Notamment pour les aides au logement. Ces
dernières sont indexées aux revenus et de l'intéressé et au montant de
loyer à payer. Un système pervers puisqu'au final, c'est le contribuable
qui paye pour la hausse des loyers. L'assisté n'est donc pas celui que
l'on croît.
En 2009, ces aides ont coûté au total 15,96 milliards d'euros contre 15,2 en 2008.
Mais pour le sociologue Christophe Robert, délégué général de la
Fondation Abbé Pierre, il ne suffit pas de fustiger un Etat trop
dépensier. Il dénonçait sur France Inter un système où « on laisse partir les loyers, les charges (...) un système où les aides courent après les prix des loyers » Pour éviter donc, la hausse des dépenses ne matière d'allocation logement, il faudrait donc encadrer les loyers.
Manque de régulation
C'est ce qu'avait proposé Bertrand Delanoë,
maire de Paris, en novembre dernier. C'est tout à son honneur de
s'apercevoir, sept ans après sa conquête de la Ville, qu'à terme, seuls
les très aisés et les très aidés pourraient se loger dans la capitale.
Il a fait voter un vœu au Conseil de Paris demandant au Gouvernement de
pouvoir expérimenter un « encadrement des loyers à la première mise en location et à la relocation ».
Dans
ces cas-là, les loyers ne sont soumis qu'aux règles du marché. Et
encore. Lors d'un bail en cours, le propriétaire doit réviser son loyer
selon l'indice de référence
fixé nationalement à partir de l'inflation. S'il reloue son logement ou
le met sur le marché pour la première fois, le prix est libre et donc
livré à la spéculation.
« On est en manque de régulation, ça se voit pour les marchés financiers pour le logement »,
estimait dans le même débat sur France Inter Bruno Palier, chercheur à
Sciences po. Une preuve que, paradoxalement, le marché peut accroître le
coût de l'Etat-providence. Mais il peut être également inefficace. En
effet, si les loyers du marché coûtent trop cher, on peut être incité à
rester dans son HLM, ce qui crée un manque de places dans ce type de
logement, et donc l'encombrement des centres d'hébergement. Toujours aux
frais du contribuable.
« Embolie de la chaîne de logement »
Julien Damon parlait lui d'« embolie de la chaîne de logement à la française ». « Vous restez dans le logement social, parce que vous ne trouvez pas dans le marché libre », explique-t-il. Pour ce professeur associé à Sciences po, il faut donc « fluidifier »
cette fameuse chaîne du logement. Mais la solution ne serait-elle pas
aussi la régulation des loyers qui inciterait chacun à chercher un
nouveau logement ? Preuve que le libéralisation des marchés peut
également créer de la paralysie et de la lourdeur.
Mais certains
pensent que la solution viendrait aussi du Scellier, déduction d'impôt
pour les propriétaires qui acquièrent un logement neuf ou font
construire en vue d'une location. Mais pour Bruno Pallier, cette mesure a
été mise en place « moins pour favoriser le logement que pour permettre de payer moins d’impôts ». Les loyers sont censés être plafonnés mais le Figaro estimait que ces plafonds se situaient en moyenne à 28% au dessus des prix du marché. Ces plafonds ont révisés à la baisse pour 2011.
Après
la régulation des marchés financiers, encore si peu installée, c'est
sans doute à la régulation du marché immobilier qu'il faudra s'attaquer.
Quoique les deux sont intimement liés, la crise des subprimes l'a prouvé.
MARIANNE2