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24 janvier 2011

Une voie pour éviter le désastre annoncé (Edgar Morin)

      

Entretien avec l'ancien résistant et philosophe qui, dans son livre « La Voie », dresse un constat sévère des maux contemporains.           

Edgar Morin chez lui à Paris, en janvier 2011 (Audrey Cerdan/Rue89).

A 89 ans, Edgar Morin continue de produire une réflexion riche et tournée vers l'avenir. Cet ancien résistant, ex-communiste, sociologue et philosophe, à qui, sans le savoir, Nicolas Sarkozy empruntait il y a quelques années le concept de « politique de civilisation », vient de produire un nouvel ouvrage, « La Voie », dans laquelle il fait à la fois un constat sévère et angoissant des maux de notre époque, et tente de donner quelques pistes pour l'avenir. Entretien avec Rue89.

Rue89 : Nous avons été frappés par votre pessimisme en lisant votre livre. Vous prédisez une catastrophe de l'humanité tout en disant que le pire n'est jamais sûr. La note d'espoir de la fin s'adresse à ceux qui survivront au cataclysme…

Edgar Morin : Ecrire 300 pages de propositions pour l'avenir n'est pas pessimiste. Si j'avais été pessimiste, j'aurais été Cioran, j'aurais écrit quelques maximes disant « tout est foutu ».

Je me place d'un point de vue qui est celui de la distinction entre le probable de l'improbable. Le probable, pour un observateur donné dans un lieu donné, consiste à se projeter dans le futur à partir des meilleures informations dont il dispose sur son temps.

Evidemment, si je projette dans le futur le cours actuel du devenir de la planète, il est extrêmement inquiétant. Pourquoi ?

Non seulement il y a la dégradation de la biosphère, la propagation de l'arme nucléaire mais il y a aussi une double crise : crise des civilisations traditionnelles sous le coup du développement et de la mondialisation, qui n'est rien d'autre que l'occidentalisation, et crise de notre civilisation occidentale qui produit ce devenir accéléré où la science et la technique ne sont pas contrôlées et où le profit est déchaîné.

La mort de l'hydre du totalitarisme communiste a provoqué le réveil de l'hydre du fanatisme religieux et la surexcitation de l'hydre du capital financier.

Ces processus semblent nous mener vers des catastrophes dont on ne sait pas si elles vont se succéder ou se combiner. Tous ces processus, c'est le probable.

Seulement, l'expérience de l'histoire nous montre que l'improbable bénéfique arrive. L'exemple formidable du monde méditerranéen cinq siècles avant notre ère : comment une petite cité minable, Athènes, a-t-elle pu résister deux fois à un gigantesque empire et donner naissance à la démocratie ?

J'ai vécu autre chose. En l'automne 1941, après avoir quasi détruit les armées soviétiques qu'il avait rencontrées, Hitler était arrivé aux portes de Leningrad et de Moscou. Or à Moscou, un hiver très précoce a congelé l'armée allemande. Les soviétiques étaient déjà partis de l'autre côté de l'Oural.

L'histoire aurait pu être différente si Hitler avait déclenché son offensive en mai comme il l'avait voulu et non pas en juin après que Mussolini lui eut demandé de l'aide, ou si Staline n'avait pas appris que le Japon n'attaquerait pas la Sibérie, ce qui lui a permis de nommer Joukov général sur le front du Moscou.

Le 5 décembre, la première contre-offensive soviétique a libéré Moscou sur 200 kilomètres et deux jours plus tard, les Américains sont entrés en guerre. Voilà un improbable qui se transforme en probable.

Aujourd'hui, quel est le nouvel improbable ? La vitalité de ce l'on appelle la société civile, une créativité porteuse d'avenir. En France, l'économie sociale et solidaire prend un nouvel essor, l'agriculture biologique et fermière, des solutions écologiques, des métiers de solidarité… Ce matin, j'ai reçu un document par e-mail sur l'agriculture urbaine.

Au Brésil où je vais souvent, des initiatives formidables transforment actuellement un bidonville voué à la délinquance et à la misère en organisation salvatrice pour les jeunes.

Beaucoup de choses se créent. Le monde grouille d'initiatives de vouloir vivre. Faisons en sorte que ces initiatives se connaissent et se croisent ! La grande difficulté est là, car nous sommes emportés à toute vitesse dans cette course vers les désastres, sans avoir conscience de cela.

La crise intellectuelle est peut-être la pire parce que nous continuons à penser que la croissance va résoudre tous les maux alors que la croissance infinie et accélérée nous projette dans un monde fini qui la rendrait impossible.

Il n'y a pas de pensée suffisamment complexe pour traiter cela ; notre éducation donne de très bons spécialistes mais ils sont incapables de transmettre leur spécialité aux autres. Or, il faut des réformes solidaires. Tout ceci montre..

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