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29 janvier 2011

Le roman politique de 2012 : à la recherche d'octobre rouge

Source :  La Tribune.fr - 28/01/2011

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Copyright Reuters

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Dernier épisode des quatre imaginés par Hélène Fontanaud, journaliste politique à La Tribune, sur les événements qui pourraient se produire à l'automne 2011, avant l'ouverture de la campagne présidentielle de 2012.

Samedi 5 novembre

La nuit tombait sur le tarmac désert. Les pales des hélicoptères stationnés devant les hangars ressemblaient à des sabres géants, abandonnés par leurs samouraïs. Dans la tour de contrôle de la base aérienne 107 de Villacoublay, les officiers de permanence suivaient sur les écrans la flèche de l'Airbus du chef de l'État, qui devait se poser à Roissy.

Une télévision allumée rediffusait pour la cinquième ou sixième fois la conférence de presse finale du sommet européen. On voyait Nicolas Sarkozy, personnage sombre et muet - le son était coupé - agiter les mains face aux journalistes. Les échanges radio s'intensifièrent lorsque le commandant de bord de l'avion présidentiel signifia aux contrôleurs civils et militaires la sortie du train d'atterrissage et la présence sur les pistes de l'aéroport Charles-de-Gaulle d'un brouillard en formation.

Un des pilotes du Gaël (l'escadron dédié au transport des personnalités politiques) fit son entrée dans la salle : « D'ici une heure, on n'y verra plus rien, une vraie purée de pois. Où sont les autres ? » Le Falcon 900 transportant plusieurs ministres, eux aussi de retour de Bruxelles, était signalé en approche, comme l'Airbus quelques minutes plus tôt. Mais il devait se poser à Villacoublay. Les hommes du soutien opérationnel jaillirent hors des hangars tandis que des projecteurs puissants commencèrent à balayer la piste grisâtre dans l'obscurité. Soudain, un des contrôleurs poussa un cri étranglé : « J'ai perdu le contact radar. » Ses collègues, incrédules, scrutèrent l'écran où de petits points verts se juxtaposaient. En quelques minutes, l'incroyable s'était produit. Impossible d'entrer en contact avec le petit avion, qui semblait s'être volatilisé. Aussitôt prévenu, le commandant de la base 107 réunit tous les militaires présents et leur ordonna de garder le silence. Puis il se décida à appeler l'Élysée.

 

Dimanche 6 novembre

En presque cinq ans de mandat, Nicolas Sarkozy avait pris l'habitude de ces journées routinières qui tournent brutalement au cauchemar. Il ne s'était jamais autant ennuyé à un sommet européen et le retour vers Paris avait été divin. Il avait embarqué Christine Lagarde dans son avion parce qu'elle le faisait rire. Et donc ils avaient bien ri, aux dépens notamment de la chancelière Angela Merkel.

À son retour à l'Élysée, il avait vu avec plaisir que son fils Louis, de passage à Paris, l'attendait sagement dans son bureau. Mais le bonheur avait été éphémère. Les portes s'étaient ouvertes sur un Claude Guéant livide, qui avait annoncé que l'avion de ses ministres avait cessé d'être une réalité sur les écrans radars.

Nicolas Sarkozy sentait monter la migraine. Sitôt connu le drame, des dispositions avaient été prises pour « sécuriser » la famille du chef de l'État. Le plan Vigipirate avait été élevé au niveau écarlate. François Fillon et Alain Juppé avaient rejoint Nicolas Sarkozy à l'Élysée pour la première d'une longue série de réunions de crise. Le « black-out » pour la presse était total.

Le sommet du G20 avait lieu dans quinze jours à Cannes. D'ici là, il y avait des Conseils des ministres. Les absents allaient être remarqués, à commencer par la ministre des Affaires étrangères. Nicolas Sarkozy se massa doucement les tempes. Il lui faudrait parler sous peu. Une intervention solennelle à la télévision. Pas moins. Mais pour dire quoi ? Qu'un avion rempli de ministres avait disparu, sans qu'on sache s'il avait explosé - on n'avait retrouvé aucun débris dans le périmètre fouillé avec minutie par des centaines de militaires et gendarmes - ou s'il avait été détourné - mais vers où, bon sang ?

Le président regarda par la fenêtre le parc de l'Élysée où s'immobilisait une Laguna gris métal. Ségolène Royal sortit de la voiture. « Elle ne va jamais me croire », se dit Nicolas Sarkozy...

 

Lundi 7 novembre

Depuis qu'un communiqué de l'Élysée avait annoncé à l'aube l'évaporation de l'aéronef ministériel, puis la récupération de ses passagers dans le sud de l'Espagne, la planète politique et médiatique était en surchauffe. « Un avion ne disparaît pas comme ça dans le ciel français. Surtout un avion officiel », avait asséné sur France Inter l'ancien chef d'état-major des armées de François Mitterrand, Jacques Lanxade.

« Ils auraient dû tous s'évaporer dans l'atmosphère », avait lâché Marine Le Pen. « Mais il n'est pas trop tard. Monsieur Sarkozy aussi devrait jouer la fille de l'air. Après tout, ça nous rappelle un peu le général de Gaulle s'envolant pour Baden-Baden en plein Mai 68 ! »

Assis à son bureau, François Fillon était épuisé. En face de lui, Dominique de Villepin attendait. Le Premier ministre et son prédécesseur avaient eu des contacts plutôt rugueux ces dernières années. Mais le fait que Bruno Le Maire, ancien directeur de cabinet de Dominique de Villepin, ait fait partie des ministres brièvement manquants avait fait tomber les barrières.

Le téléphone qui reliait de jour comme de nuit Matignon à l'Élysée vibra sur son support. François Fillon décrocha. Il tendit le combiné à Dominique de Villepin, qui inclina sa silhouette longiligne. L'échange dura quelques minutes. « Bien entendu », répondit l'ancien chef de gouvernement de Jacques Chirac, avant de raccrocher.

Dominique de Villepin se tourna vers François Fillon : « C'est tout simplement une histoire de cornecul ! Pourquoi diable enlever nos ministres si c'est pour les lâcher ensuite en pleine pampa andalouse ? » « Il semble qu'il y ait eu méprise, toussota le Premier ministre, ils pensaient que c'était l'avion du président. » « Oui, mais alors, ils auraient dû se servir de leurs prisonniers comme d'une monnaie d'échange », rétorqua Dominique de Villepin. « Il semble qu'il y ait eu des désaccords au sein du groupe », précisa François Fillon.

Son interlocuteur plissa les yeux : « Ce n'est pas un de vos coups fourrés, j'espère ! Vous n'espérez pas acheter ma solidarité en inventant je ne sais quelle épopée avec Le Maire ? » « Non, s'indigna le Premier ministre, mais c'est vrai que tout ça montre le côté dérisoire de nos joutes politiciennes. C'est vrai, pendant vingt-quatre heures, tout le monde a joué le jeu, majorité, opposition, francs-tireurs, électrons libres, tout le monde était soudé. » « Oui, eh bien, ne rêvez pas trop, sourit Dominique de Villepin, la partie ne fait que commencer... »

À suivre.

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