Libye : pour ne pas céder à un unanimisme béat
Extrait:
... Les petits calculs politiciens
Cette marche vers la guerre se serait-elle produite si Nicolas Sarkozy n'avait pas mis la France dans un tel état de faiblesse ? Le naufrage de la diplomatie française, mis en évidence à l'occasion de la révolution tunisienne, s'est doublé de la révélation de liens étroits entre Nicolas Sarkozy et le dictateur Kadhafi. Derrière la spectaculaire visite du colonel à Paris, prospéraient réseaux d'affaires et politiques (notre dossier est à lire ici).
Patrick Ollier, toujours ministre du gouvernement, Claude Guéant, désormais ministre de l'intérieur, furent deux des hommes de ce rapprochement dont certaines coulisses demeurent tellement obscures qu'elles autorisent le fils Kadhafi à se livrer à un chantage ubuesque, demandant publiquement à Nicolas Sarkozy «de rendre l'argent » (vidéo à voir ici) ! Henri Guaino, conseiller spécial du président, a lui aussi passé les fêtes de fin d'année à Tripoli.
Alain Juppé va donc mettre en scène le « rétablissement » de notre diplomatie. Nicolas Sarkozy, sauveur du peuple libyen, sauveur du « printemps arabe », président sur-actif du G-20 au secours de la démocratie... Tout cela tombe à pic au moment où le président est confronté à une crise politique interne sans précédent.
L'exercice avait d'ailleurs été déjà tenté lors de la guerre entre la Russie et la Géorgie à l'été 2008. Alors président de l'Union européenne, Nicolas Sarkozy avait volé à Moscou pour rétablir « la paix ». Quelques semaines plus tard, il s'avérait qu'il avait cédé l'essentiel aux Russes, sacrifiant au passage l'intégrité territoriale de la Géorgie : l'Ossétie du Sud a depuis déclaré son indépendance et est devenue, de fait, une enclave russe en territoire géorgien.
Le pire n'est jamais sûr et les grosses ficelles de politique intérieure se feront peut-être oublier. Le simple vote de la résolution fera-t-il reculer Kadhafi, son ministre des affaires étrangères ayant déjà annoncé ce vendredi après-midi un cessez-le-feu ? Quelques frappes aériennes mettront-elles en déroute ses mercenaires et militaires ? On peut l'espérer, il faut évidemment le souhaiter. Mais les grands sauts bruyants dans l'inconnu se terminent généralement mal.