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27 mars 2011

Les économistes atterrés démontent le «pacte pour l'euro»


source: LUDOVIC LAMANT sur MEDIAPART

 

Farouche adversaire des plans d'austérité qui assèchent l'Europe, le collectif des économistes «atterrés» s'est trouvé, jeudi 24 mars, une nouvelle cible: le «pacte pour l'euro», que les chefs d'Etat européens réunis à Bruxelles jusqu'à vendredi soir s'apprêtent à signer. «Nous avons là sous les yeux une extension du domaine de la régression qui est absolument sans précédent», a déclaré l'un d'eux, Frédéric Lordon, lors d'un débat parisien présidé par Ariane Mnouchkine, la directrice du théâtre du Soleil.

«Ce pacte est un objet politique hautement paradoxal, puisqu'il reconduit toutes les contradictions du modèle de politique économique européen, en les approfondissant à l'extrême», a poursuivi le directeur de recherche au CNRS.

Le «pacte pour l'euro» est l'autre nom du pacte de compétitivité, imaginé par Paris et Berlin comme un pendant au Mécanisme européen de solidarité (MES), ce fonds censé venir en aide aux pays en difficulté. Il s'agit d'un ensemble de règles censées mieux uniformiser la zone euro, et qui reviennent à durcir un peu plus les critères de Maastricht et le traité de Lisbonne à peine entré en vigueur.

En vrac, ces dispositions signifient à terme l'adoption de l'âge légal de la retraite à 67 ans, la fin de l'indexation automatique du salaire minimum sur l'inflation, ou encore l'inscription, dans la constitution nationale, des règles budgétaires définies par Bruxelles. Une «institution budgétaire indépendante» serait créée, pour sanctionner de manière plus efficace les mauvais élèves de l'Union.

Pour l'«atterré» Frédéric Lordon, la situation est «absurde»: les critères de Maastricht, qui prévoient un déficit public inférieur à 3% du PIB, et une dette en deçà des 60%, «ont volé en éclats pendant la crise, et l'on en déduit qu'il est opportun de les réaffirmer avec la dernière intransigeance...». Même analyse chez Thomas Coutrot, co-président d'Attac-France: «L'Europe s'enfonce dans une conception punitive de la politique économique.» Et d'épingler «l'irresponsabilité historique des dirigeants européens, qui sont en train de nous refaire le coup des années 1930».

Egalement présent, Philippe Askenazy, professeur à l'Ecole d'économie de Paris, a de son côté mis en garde contre l'«emballement idéologique» en cours, qui laisserait penser que l'«on ne peut pas faire autrement». «Lorsqu'il a fallu voter ses traités, l'Europe nous a été présentée comme une source de progrès économique et social pour l'ensemble de la population. La situation actuelle est donc forcément choquante et antidémocratique», insiste Philippe Askenazy. 

La crise a frappé de plein fouet des économies comme l'Irlande ou l'Espagne, pourtant considérées jusqu'en 2007 comme les meilleurs élèves de l'Europe, parce qu'elles remplissaient les fameux critères de Maastricht. En fait, leurs bulles immobilières se sont formées grâce à un endettement extravagant des ménages, que les banques ont laissé filer, et que Bruxelles n'a jamais surveillé. De la dette privée, qui n'a rien à voir avec les déficits publics scrutés de près par la commission. Mais l'Union ne semble pas disposée à rectifier le tir.

«La commission (européenne) reste dans sa vision néolibérale: il lui faut contrôler des Etats membres gaspilleurs et indociles. Peu importe que la crise ait montré la responsabilité écrasante de la finance dans l'instabilité économique», lit-on par ailleurs dans une note des «atterrés», publiée début mars.

 

Contre le «traité Sarkozy-Merkel»

Les «économistes atterrés», constitués en septembre 2010, rassemblent en majorité des universitaires français, «atterrés» par le retour sur le devant de la scène, depuis le printemps 2010, des plans d'austérité et du «logiciel néolibéral», celui-là même qui a conduit les Etats-Unis et l'Europe dans le mur en 2008. Leur manifeste, signé par plus de 3400 personnes à ce jour, est devenu un best-seller en librairie. Ils viennent de se lancer dans un «tour de France pour une autre Europe», qui prévoit une quarantaine de débats dans tout le pays d'ici l'été.

Leur critique du «pacte pour l'euro» s'ajoute à de nombreuses voix qui, depuis le début de l'année, tirent à boulets rouges sur ce texte, en grande partie éclipsé par l'actualité internationale des derniers mois, des révolutions arabes à la catastrophe japonaise. John Monks, le pourtant très modéré secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES), ne décolère pas contre ce «traité Sarkozy-Merkel» qui «viole les traités européens sur le pouvoir de négociation collective des syndicats» et signifie une «politique de gel des salaires à travers toute l'Europe».

Des eurodéputés d'Europe Ecologie, du parti socialiste européen, ou du parti de la gauche européenne, sont montés au créneau (notamment dans le club de Mediapart). A l'appel de la CES, une euro-manifestation à Bruxelles a rassemblé jeudi près de 20.000 personnes, selon la police.

Alors que la crise portugaise s'est invitée au sommet européen de Bruxelles, les «atterrés» se montrent par contre beaucoup moins catégoriques lorsqu'il s'agit de débattre des probables restructurations de dette à venir, au moins pour la Grèce et l'Irlande. Les partisans d'une restructuration en bonne et due forme s'opposent aux défenseurs d'une garantie de l'ensemble de la dette par Bruxelles. Même pas sûr qu'aucune de ces deux pistes ne suffise à éviter le pire...

 

 

 

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