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6 avril 2011

Projet PS: le crash-test!


05 Avril 2011 par  La rédaction de Mediapart
sur MEDIAPART

Martine Aubry a présenté, mardi 5 avril, les trente propositions tirées du projet du parti socialiste pour l'élection présidentielle de 2012: «C'est le projet des socialistes, a expliqué la première secrétaire. C'est un immense travail de deux ans et demi, c'est tout ce travail qui se retrouve dans un condensé pour un nouveau projet de société pour les Français.» Le candidat aux primaires du PS, François Hollande, a salué «un travail sérieux. J'y retrouve beaucoup de mes propositions». Son concurrent Manuel Valls juge que le projet est «compatible avec toutes les démarches, toutes les candidatures, et avec tous les socialistes». Et le strausskahnien Pierre Moscovici que «tout candidat socialiste peut vivre avec ce projet».

Mediapart a choisi de reprendre et d'évaluer chacune des propositions, avec une grille de lecture: 

 

Blah blah blah: beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Le projet reste sur des grands principes vagues, déclarations d'intention ou acceptation du statu quo, sans avancer de solutions concrètes et précises.

 

Jospin:  le PS représente comme une nouveauté ce qui avait été dans le programme du gouvernement Jospin, sans évolution majeure donc depuis presque quinze ans.

 

Nouveau: cette fois, des mesures ou des idées véritablement nouvelles ou évoquées ces derniers mois.

 

Intéressant: des idées pas forcément neuves mais qui méritent, selon nous, d'être expérimentées voire poussées au-delà des prémisses.

 

Franchement nul:même en étant très tolérant, Mediapart ne peut pas être d'accord avec ces propositions.

 

Mediapart publie ci-dessous les trente propositions et, dans les pages suivantes, le commentaire. Par ailleurs, vous pouvez retrouver sous l'onglet «Prolonger» la version longue du projet socialiste: un document de 110 pages (dans une version préliminaire datée du 30 mars) qui détaille chacune de ces propositions

 

Dans un mois, le 5 mai 2011, paraît aux éditions Don Quichotte un nouveau livre de Mediapart qui prolonge et complète le débat lancé par ce "crash-test". Ouvrage collectif de notre rédaction sous la direction de Laurent Mauduit, co-fondateur de Mediapart, Les 110 propositions, 1981-2011 revisite les promesses du Parti socialiste en partant de celles de la première et, pour l'heure, de la seule élection présidentielle gagnée par la gauche, avec François Mitterrand, il y aura trente ans le 10 mai prochain. Le rappel de chacune des 110 propositions est suivi d'une expertise (ce qu'elles sont devenues, ont-elles été appliquées, si oui, comment, etc.?), puis prolongé par une actualisation en précisant ce que serait leur enjeu aujourd'hui. Le sous-titre du livre en exprime bien l'ambition: Manuel critique à l'usage des citoyens qui rêvent encore de changer la vie. Vous pouvez d'ores et déjà le commander auprès de votre libraire ou en ligne.

 

A l'issue de cette évaluation totalement non-scientifique, le projet du PS obtient 17 pouces en l'air, 13 blah blah, 11 nouveaux, 9 Jospin et 3 nuls.

 

 
Emploi, compétitivité, investissement, désendettement

1. Pour muscler la compétitivité de la France: une banque publique d'investissement

 

La puissance publique s'est désengagée depuis vingt ans de tous les mécanismes financiers permettant d'engager une action coordonnée pour soutenir des filières industrielles et des activités importantes, laissant aux banques le soin d'assurer le financement total de l'économie. Dans ce cadre, le PS prévoit aussi la création d'un livret d'épargne industrie, intégrant le livret de développement durable et le livret d'épargne populaire, sur le modèle du Livret A, et permettant de réorienter l'épargne vers les PME. Cette épargne serait totalement centralisée au niveau de la banque publique d'investissement.

Les questions concernant le reste du système financier, à l'origine de la crise, ne sont, en revanche, que très brièvement traitées. Le PS évoque au détour d'une phrase la séparation des banques de dépôt et d'investissement, sujet majeur au centre de tout le projet Volcker sur la régulation bancaire américaine et mis partiellement en application aux Etats-Unis. Il propose aussi de mettre les banques à contribution pour participer au rééquilibrage des comptes de la Sécurité sociale.

2. Pour relancer l'investissement: une modulation de l'impôt sur les sociétés

 

Ce dispositif visant à imposer différemment les bénéfices réinvestis et les bénéfices distribués avait déjà été institué en 1984 par Pierre Bérégovoy, alors ministre des finances. Ce mécanisme ne cessera par la suite d'être érodé, pour être finalement supprimé par la droite en 1993. La gauche revenue au pouvoir ne le remit pas en place. Au contraire: le ministre des finances, Dominique Strauss-Kahn, autorisa en 1998 le rachat de leurs propres actions par les sociétés, ce qui était jusqu'alors interdit. Le PS redécouvre donc aujourd'hui les mécanismes pour favoriser l'investissement plutôt que les actionnaires et la financiarisation de l'économie.

3. Pour que l'Europe puisse innover: des emprunts européens (eurobonds)

 

La politique de l'innovation et des grands travaux à l'échelle européenne est un serpent de mer. Elle est évoquée dans tous les traités européens depuis celui de Maastricht, sans le moindre résultat concret. L'idée de dégager des moyens de financement en créant des eurobonds apparaît illusoire: l'Allemagne, au plus fort de la crise de l'euro, s'est opposée à toute mutualisation et à tout mécanisme financier commun à l'échelle de l'Europe. Aucun accord entre les Vingt-Sept ne paraît possible sur le sujet.  

4. Pour l'emploi des jeunes: 300.000 emplois dans l'environnement et le social 

 

Le PS entend ressusciter les emplois-jeunes (350.000 créés sous Jospin) payés au Smic, alors même que leur bilan est controversé. Cette fois, il entend améliorer le suivi et la formation, et cibler la mesure sur les jeunes des «territoires en difficulté» (banlieues et milieu rural) et le développement durable, par exemple pour faire des «diagnostics énergétiques» au domicile des Français.

5. Pour protéger les salariés: dissuader les licenciements boursiers 

 

C'est aussi un des thèmes rabâchés par la gauche depuis des années. Mais aucune mesure dissuasive n'a vu le jour. Cette fois-ci encore, rien de précis n'est annoncé sur les moyens qui pourraient être mis en œuvre et avoir un effet suffisamment dissuasif pour éviter les licenciements boursiers. Deux dispositions, cependant, sont envisagées dans le programme socialiste qui pourraient avoir une réelle portée : il est prévu de demander le remboursement de toutes les aides publiques perçues pendant cinq ans en cas de licenciement ou de fermeture de sites. De plus, les salariés pourraient saisir le tribunal de grande instance et demander des mesures de sauvegarde, le temps de trouver des solutions alternatives, en cas de délocalisation non justifiée. Ce que n'avaient pas pu obtenir les salariés de Molex, par exemple.  

6. Pour protéger les intérêts de l'Europe, de ses savoir-faire et de ses salariés dans la mondialisation: des droits de douanes modulables

 

Le tournant est notable pour le parti socialiste. Il y a un an encore, quand Benoît Hamon avait commencé à avancer l'idée d'une fiscalité européenne tenant compte des normes sociales et environnementales, beaucoup de socialistes avaient décrié l'idée sur le thème « le protectionnisme, c'est la guerre ». Depuis le débat s'ouvre. Le PS évoque même pour la première fois là aussi l'idée « de rééquilibrer la politique de change de l'Europe en faveur de la croissance et de l'emploi et d'imposer la réciprocité dans l'échange commercial ». La probabilité, cependant, de voir ces idées débattues et encore plus acceptées par l'ensemble de l'Union européenne est proche de zéro, tant les visions et les intérêts des différents pays divergent, tant la Commission européenne reste convertie aux idées néo-libérales, la crise n'ayant rien changé au contraire à cette vision. Quant à toucher la politique de la BCE, autant dire que cela tient de la mission impossible, l'Allemagne refusant tout aménagement sur ce point. Mais il n'est pas interdit de rêver.

7. Pour réduire l'endettement de la France: réaffecter la moitié de nos marges financières

 

Depuis la rupture de 1983, la gauche s'est toujours voulue bonne gestionnaire. Et elle l'a été, bien plus que la droite. Entre 2006 et 2010, l'endettement public est passé de 1100 à 1500 milliards d'euros. La question de la dette va donc être constante. Et le gouvernement, quel qu'il soit, va se trouver placé sous cette contrainte permanente. La gauche ne le cache pas et s'inscrit totalement dans le cadre du pacte de compétitivité défini par Maastricht. Durant la législature 2012-2017, elle se fixe comme objectif de «ramener les comptes de la sécurité sociale à l'équilibre, de ramener les déficits sous la barre des 3% et de faire baisser l'endettement d'au moins cinq points ».

Ces objectifs s'inscrivent dans une perspective économique optimiste puisque le parti table sur une croissance moyenne de 2,5% du PIB pendant cette période, contre 1,5% en moyenne ces dernières années. Autant dire que les risques de sortir des clous sont nombreux, et les marges financières faibles, la réforme fiscale ne pouvant à elle seule effacer tous les dérapages passés.

 

 

Agriculture, environnement, énergies

8. Pour encourager les comportements écologiques: une TVA éco-modulable

 

Et revoilà la fiscalité écologique ! Grande idée et tout petits résultats. Le fiasco de la taxe carbone, abandonnée à l'automne 2009 et fortement critiquée par Ségolène Royal, les loupés en série du Grenelle de l'environnement conduit par Jean-Louis Borloo autorisent les plus grands doutes. Surtout s'il s'agit d'une TVA éco-modulable. L'idée avait été évoquée dans les discussions du Grenelle avant d'être abandonnée: car tout dispositif assis sur la TVA nécessite un accord européen, ce qui semble en l'état des lieux hors de portée. L'autre immense difficulté est de faire le « bilan écologique » ou bilan carbone de dizaines de milliers de produits déclarés vertueux ou pollueurs...

 

En revanche, et pour ne pas décourager de si bonnes intentions, le projet du PS version longue avance une autre piste : «Nous généraliserons le principe de l'éco-conditionnalité des aides aux entreprises, en particulier les allégements de cotisations sociales. La commande publique sera soumise à une notation social-écologique des entreprises, en particulier les grands groupes cotés.» 

9. Pour une alimentation plus saine et des agriculteurs qui vivent de leur travail: soutien à l'agriculture et la pêche de proximité

 

 

Et l'on pourrait même décerner une mention « super blabla » à cette proposition, si l'on se réfère à la version longue du projet. Un exercice de novlangue, d'abord : « Soutenir l'agriculture écologiquement intensive », est-il écrit ! Plus sérieusement, rien n'est dit de la PAC (politique agricole commune) qui organise aujourd'hui notre agriculture et de sa réforme nécessaire. Rien n'est dit également de la culture des OGM ou du poids des centrales d'achat des hypermarchés. La création de « circuits courts » entre producteurs et consommateurs est renvoyée aux collectivités locales.

10. Pour sortir de la dépendance du nucléaire et du pétrole: développer les énergies renouvelables

 

Entre les deux tours des élections des cantonales, Martine Aubry s'était clairement prononcée pour une « sortie du nucléaire ». Il n'en est plus question dans ce projet qui parle de manière floue d'un rééquilibrage et d'un développement des énergies renouvelables pour diminuer la part du nucléaire dans « un nouveau mix énergétique ». Le projet propose une réorganisation de la filière du nucléaire civil, sans préciser de calendrier, mais en prônant une renationalisation « à 100% » de ses acteurs. « Ne gâchons pas des années de succès technique et économique, unique au monde, du secteur public français – le  nucléaire civil – parce que la gestion privée au Japon a conduit à un désastre », dit même le projet qui précise, par une petite habileté dialectique, que le problème n'est pas tant de sortir du nucléaire que « d'entrer dans une nouvelle période ».

 

En revanche, le PS se prononce pour « un grand débat national sur la transition énergétique au second semestre 2012 » mais passe sous silence l'idée d'un référendum sur le nucléaire avancée par Daniel Cohn-Bendit.
Pouvoir d’achat, salaires, pensions

11. Pour alléger la facture énergétique des Français: réinvestir une partie des superprofits pétroliers

 

Ce n'est pas du Jospin, mais assurément c'est du Royal. En 2008, la présidente de la région Poitou-Charentes propose d'attribuer une aide de 300 euros «aux familles et aux retraités» pour compenser les factures de fioul, qui serait financée en reprenant «la moitié des superprofits de Total». Evidemment, ça ne coûte pas cher de proposer cela quand on est dans l'opposition. Il faut un certain courage pour reprendre idée de mesure quand on est en position de l'appliquer. Dans le projet du PS, il s'agit de mettre en place des tarifs sociaux du gaz et de l'électricité, des audits thermiques et de travaux d’isolation, et des aides au passage aux énergies renouvelables.

12. Pour aider les jeunes à se soigner et se loger: une allocation d'étude

 

Vieille revendication du syndicat étudiant Unef puis du MJS, Lionel Jospin l'avait fortement envisagée en tant que premier ministre à la fin des années 1990 avant d'y renoncer après avoir fait évaluer son coût. L’allocation d’aide aux jeunes est donc de retour via la promesse d’une allocation d’études pour les jeunes en formation (sous condition de ressources) regroupant l’ensemble des aides existantes (aides au logement, bourses sur critères sociaux…). Pas une allocation d’autonomie universelle, donc, qui aurait été versée à tous les jeunes. Le problème de cette allocation est toujours le même : son périmètre. Il faudra attendre pour le connaître plus précisément.

 

13. Pour stopper l'envolée des loyers: plafonner à la première location ou la relocation

 

Le Parti socialiste entend également faire baisser les prix du logement et des loyers dans le privé. Il affirme qu’«à terme, personne ne devra être contraint de dépenser plus de 25% de son budget pour se loger ». Est-ce déclamatoire ou est-il envisagé une sorte de bouclier ? Il faut a priori pencher pour la première hypothèse. D’autant que la solution proposée ne semble pas à même d’arriver à un tel résultat en dépit de références faites aux politiques du logement en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Belgique.

 

En attendant des annonces plus précises, le PS promet un encadrement des loyers à la location et à la première relocation. A défaut de plus de précisions, on peut imaginer qu’il s’agit d’un retour à la loi Mermaz de 1989, inopérante depuis 1997… et l'arrivée aux affaires de Lionel Jospin. Cette loi prévoyait qu'au changement de locataire, le loyer devait être fixé par référence aux loyers du voisinage. A l’époque, elle ne s’appliquait toutefois pas aux premières mises en location. L’évolution reste timide.

Par ailleurs, le PS s’engage à mettre fin au dispositif Scellier, cadeau fiscal coûteux fait aux investisseurs, « sans réelle contrepartie ni vraie régulation du secteur ». Il dit vouloir élargir la taxe sur les logements vacants et, vieille rengaine, exiger des préfets qu’ils usent de leur droit de réquisition.

Particulièrement à l’égard des jeunes, le Parti veut mettre fin aux cautions personnelles pour la location d’un logement, via une garantie contre les impayés de loyer, qui existe aujourd’hui sans vraiment fonctionner. Et construire 8.000 logements étudiants par an.

 

Le PS entend « construire plus, construire social et construire durable », à travers la réalisation de 150.000 logements sociaux par an. L’ambition est de renforcer la loi SRU. Actuellement, cette loi prévoit que les villes doivent disposer de 20% de logements sociaux. Le PS veut faire passer ce taux à 25% (dont 15% de logements très sociaux). Les communes qui ne respecteront pas ce taux seront « lourdement pénalisées », sans que le détail soit donné.

 

Le PS entend « casser les ghettos urbains ». Après les opérations de rénovation urbaine en cours, les socialistes entendent lancer un second programme pour des quartiers qui n’en font pas encore l’objet et mettre en place des « contrats de diversité sociale »entre les villes, l’Etat et les bailleurs sociaux, ouverts à l’évaluation des habitants. Des pôles de services publics seront installés en liaison avec les associations, et les habitants trouveront un médiateur local capable de les orienter dans leurs démarches.

14. Pour que l'égalité salariale femme-homme devienne une réalité: conditionner des exonérations de cotisations patronales

 

Les entreprises devront conclure d'ici le printemps 2013 un large accord de «revalorisation du travail» incluant la formation, la santé au travail et l'égalité salariale homme-femme, faute de quoi elles ne pourront bénéficier des exemptions de cotisations patronales. Reste à encadrer le dispositif, afin d'éviter que certaines ne signent des accords bidon pour ne pas être sanctionnées – c'est ce qui s'est passé avec les accords seniors en 2010. Autre problème: dans beaucoup de TPE et PME, le dialogue social est inexistant, l'UMP ayant récemment torpillé une loi qui prévoyait de le mettre en place.

15. Pour une plus juste répartition des richesses

 

Passée sous silence tout au long des années 1990-2000, la question de la répartition des richesses, de l'inégalité des revenus est revenue au centre des débats socialistes. Les rémunérations patronales, qui ont si souvent défrayé la chronique, seront encadrées : l'ensemble des à-côtés (part variable, bonus, parachute doré) ne devra pas excéder le montant de la rémunération fixe. Les stock-options seront interdits « sauf dans les entreprises naissantes». Les dispositions prévues remettent au goût du jour les échelles des salaires dans les entreprises publiques, notion disparue depuis le milieu des années 1990, et la représentation des salariés dans les organes de direction, mesure instaurée par les lois Auroux en 1982 pour toutes les entreprises, enterrée dès le retour de la droite en 1986 et jamais reprise depuis. Pour compléter cela, le programme socialiste propose que, dans les entreprises cotées, la rémunération des dirigeants soit non seulement approuvée par le conseil mais aussi votée par les actionnaires, lors des assemblées générales. Depuis dix ans, le patronat se bat avec la dernière des énergies pour repousser cette mesure «démagogique», selon lui.  

 

16. Pour les retraites: notre réforme

 

La réforme «Woerth-Sarkozy» sera abrogée, l'âge légal de départ ramené à 60 ans. Le PS veut instaurer une retraite «à la carte», avec un «compte-épargne temps» à utiliser comme chacun souhaite. L'emploi des seniors serait encouragé, notamment par l'aménagement des fins de carrières et l'obligation de négocier, mais seulement dans les entreprises de plus de 300 salariés (pas dans toutes). La pénibilité sera «prise en compte». Alors seulement la durée de cotisation pourrait être repoussée. Les intentions sont louables, en rupture claire avec la réforme de 2010, mais le financement reste flou (le projet du PS chiffrait la réforme à 37 milliards!), comme la méthode pour encourager l'emploi des seniors et la pénibilité, deux sujets en carafe depuis des années. 
Services publics, éducation, santé, sécurité

 

17. Pour la réussite de chaque jeune: un nouveau pacte éducatif

 

Constatant que «seuls trois enfants d'ouvriers sur dix atteignent la terminale», le PS propose de mettre le paquet sur l'école primaire, nettement sous-dotée par rapport aux autres pays de l'OCDE. Les enseignants pourront être deux par classe «là où cela est nécessaire». «Il faut accompagner ces moyens d'une réorganisation de l'école pour sortir du “un maître-une classe-un horaire”», prévient Thierry Cadart, secrétaire général du syndicat enseignant Sgen-CFDT. Le PS revient sur la suppression du samedi matin par Nicolas Sarkozy, dénoncée par tous les spécialistes de l'éducation, et veut «un temps éducatif de cinq jours pour mieux répartir le temps de l'enfant». Echaudés par l'échec successif des «grandes réformes de l'éducation», les socialistes font la part belle aux initiatives locales (confiant aux équipes pédagogiques «une part de la dotation en heures d'enseignement» et misant sur des projets éducatifs locaux).

Le PS entend faire varier les moyens attribués à chaque établissement mais en fonction des catégories sociales accueillies. L'idée est d'en revenir à une vraie politique de discrimination positive, qui a sombré corps et biens avec feu les zones d'éducation prioritaires (ZEP créées en 1981). «Il ne s'agit pas d'établir des quotas, mais d'avoir un indice plus fin que les zones d'éducation prioritaire (on est ZEP ou on n'est pas en ZEP) pour contraindre à plus de mixité sociale, y compris dans le privé», expliquait en novembre 2010, l'ancien président de l'Unef, Bruno Julliard, chargé du pacte éducatif du PS. Face à l'échec de l'assouplissement de la carte scolaire, le PS promet également une «nouvelle sectorisation» incluant un indice de mixité sociale et – audace ! – l'enseignement privé, jusqu'ici totalement libre de sélectionner ses élèves. Mais pour le sociologue Choukri Ben Ayed, «il faudrait d'abord repenser l'offre éducative, car la fuite des élèves de certains établissements est la conséquence de la disparité de l'offre, de la hiérarchisation des écoles». Enfin «le droit à une formation initiale différée» offrirait une seconde chance aux quelque 150.000 jeunes qui sortent chaque année sans diplôme du système scolaire.

Le PS s'attaque au temps de travail des enseignants afin d'y inclure «les travaux en petits groupes, l'accueil des élèves et des familles, le travail en équipe». Un sujet régulièrement remis sur le tapis mais qui se heurte à l'opposition systématique du syndicat majoritaire de professeurs, le Snes. Courageux mais pas téméraire, le PS se contente donc d'évoquer «le chantier des missions et de l'organisation du service des enseignants». Les socialistes promettent également pour la rentrée 2013 «une formation initiale digne de ce nom, en articulant mieux le temps professionnel et la diversification des tâches».  

 

18. Pour l'épanouissement des tout petits: développer l'accueil en crèche et l'école à partir de deux ans

 

Le PS propose de rendre obligatoire l'école à trois ans, entérinant ainsi une évolution de société (la totalité des enfants de 3 ans sont scolarisés depuis une quinzaine d'années). Les 2 ans trouvent souvent porte close faute de place (leur scolarisation est passée de 35% à 15% en dix ans). Et le PS promet que d'ici dix ans chaque enfant dispose d'une place en crèche. Petit bémol, les socialistes comptent sur des collectivités locales déjà mal en point financièrement pour réaliser cet investissement considérable (il manque entre 322.000 et 400.000 places d'accueil pour les moins de 3 ans). En 2007, Nicolas Sarkozy avait déjà annoncé un droit de garde opposable d'ici 2012…

19. Pour la santé: remettre l'hôpital au cœur du système

 

 

En matière de santé, le PS veut «remettre l’hôpital au cœur du système». Parmi les quelques mesures saillantes: la prise en charge des soins dentaires et optiques par la solidarité nationale, l’encadrement «strict» des dépassements d’honoraires et la pénalisation des refus de soins des bénéficiaires de la CMU et de l’aide médicale d’État. Pour «lutter contre les déserts médicaux», il est prévu que les jeunes médecins soient obligés d’exercer dans une zone de santé prioritaire pendant les premières années à la sortie des études.

 

20. Pour améliorer la prise en charge des personnes âgées dépendantes: nous ferons appel à la solidarité nationale

 

 

Le projet socialiste reste peu précis sur la prise en charge de la dépendance, un des défis majeurs des années à venir. Il promet néanmoins des soutiens aux «aidants». Et brise un tabou: le «droit à mourir dans la dignité» en cas d'affection «insupportable» et sous assistance médicale serait enfin consacré dans la loi. 

21. Pour améliorer la sécurité des Français: 10.000 postes de gendarmes et policiers de proximité

Côté sécurité, le PS brosse les forces de l'ordre dans le sens du poil en annonçant la création de 10.000 postes de gendarmes et de policiers, dont 1000 dès 2012. L'idée est de concentrer ces forces sur des «zones de sécurité prioritaire». Mais, demande le sociologue Christian Mouhanna, «comment impliquer et fidéliser les policiers dans les quartiers difficiles ? Ce n'est pas gagné.»

 

C'est le retour à la police de proximité, enterrée en 2003 par l'UMP. «Les années Jospin ont subi une augmentation de 17% de la délinquance à cause d'un angélisme de proximité», tente Bruno Beschizza, le secrétaire national de l'UMP, secrétaire national chargé des questions de sécurité. Mais même le ministre de l'intérieur Claude Guéant, en annonçant récemment sur i-Télé un «redéploiement des policiers dans la rue», plaide pour «la recherche de la qualité des relations à instaurer avec la population». Reste à savoir si le PS saura capitaliser sur les erreurs et réussites de l'expérience lancée en 1997. «Si c'est pour faire à nouveau une police de proximité centralisée et pilotée depuis la place Beauvau, on risque de recréer les mêmes problèmes, remarque Christian Mouhanna. Et les socialistes devront expliquer qu'une police plus proche du citoyen risque de faire monter les chiffres de la criminalité, en faisant émerger le chiffre noir de la délinquance. C'est ce qu'ils n'ont pas su faire sous Jospin.»

 

22. Pour une justice plus efficace: le rattrapage des moyens

 

 

Des intentions vertueuses pour «remettre à niveau le budget de la justice», avec un «budget pluriannuel de rattrapage» destiné à augmenter les effectifs et les moyens. Mais peu d'engagements chiffrés quant aux recrutements de magistrats, de greffiers et de fonctionnaires de justice à effectuer, et aucun sur les tribunaux à rouvrir, ni sur le budget de l'aide juridictionnelle pour les faibles revenus.
 

 

Dans un mois, le 5 mai 2011, paraît aux éditions Don Quichotte un nouveau livre de Mediapart qui prolonge et complète le débat lancé par ce "crash-test". Ouvrage collectif de notre rédaction sous la direction de Laurent Mauduit, co-fondateur de Mediapart, Les 110 propositions, 1981-2011 revisite les promesses du Parti socialiste en partant de celles de la première et, pour l'heure, de la seule élection présidentielle gagnée par la gauche, avec François Mitterrand, il y aura trente ans le 10 mai prochain. Le rappel de chacune des 110 propositions est suivi d'une expertise (ce qu'elles sont devenues, ont-elles été appliquées, si oui, comment, etc.?), puis prolongé par une actualisation en précisant ce que serait leur enjeu aujourd'hui. Le sous-titre du livre en exprime bien l'ambition: Manuel critique à l'usage des citoyens qui rêvent encore de changer la vie. Vous pouvez d'ores et déjà le commander auprès de votre libraire ou en ligne.

 

A l'issue de cette évaluation totalement non-scientifique, le projet du PS obtient 17 pouces en l'air, 13 blah blah, 11 nouveaux, 9 Jospin et 3 nuls.

 

 
Réforme fiscale

23. Pour davantage de justice: fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG en un impôt plus progressif et prélevé à la source

 

 

Les idées de Thomas Piketty ont fait leur chemin: désormais, le PS semble converti à la nécessité de la réforme, avec un impôt progressif qui redonne un sens, une transparence et une efficacité à la fiscalité. Le projet propose de supprimer le bouclier fiscal, de réévaluer toutes les niches fiscales, mais on manque encore de détails sur le nombre de tranches, le taux de la tranche supérieure ou les mécanismes de quotient familial. Or, en matière d'impôts, tout l'art réside dans l'exécution (revoir l'entretien Thomas Piketty-François Hollande).

 

24. Pour revaloriser le travail: le même taux d'impôt pour les revenus du capital et les bonus que pour ceux du travail

 

 

C'est une idée que le PS agite depuis des années mais n'a jamais mis en œuvre. Au contraire, au milieu des années 1990, il a multiplié les exemptions et les allègements fiscaux sur les plus-values et les stock-options, mesure portée par DSK lorsqu'il était ministre des finances. Le parti socialiste redécouvre enfin les mérites d'une fiscalité neutre qui n'avantage pas que la rente.

Le PS prévoit en outre de supprimer le prélèvement libératoire sur certains revenus du capital et de revoir les droits de succession pour les tranches les plus élevées.

 

25. Pour limiter la spéculation et financer la réduction des déficits: une taxe de 0,05% sur les transactions financières

 

 

 

 

La nouveauté n'est pas l'idée d'une taxe Tobin en elle-même, vieux serpent de mer du développement. Mais plutôt que les socialistes proposent, comme les Verts avant eux, de l'appliquer à l'échelle de l'Union européenne. C'est l'inverse de la position de Nicolas Sarkozy, lui aussi fervent défenseur de la taxe Tobin, mais qui juge que ce type de fiscalité n'a de sens qu'au niveau planétaire. La position socialiste pourrait donc permettre de gagner du temps, sans attendre un très hypothétique accord avec les Etats-Unis, très opposés à cette taxe.

 

 

Société

26. Pour lutter contre les discriminations: généraliser le CV anonyme, et expérimenter l'attestation de contrôle d'identité

 

Le PS fait une proposition innovante qui a fait ses preuves aux Etats-Unis, notamment à New York et dans l’Illinois, pour empêcher les contrôles au faciès. Il s’agit de surveiller les contrôles d’identité en obligeant les policiers à remettre à la personne contrôlée une attestation où figureraient la date, le motif du contrôle et le matricule du policier, l’objectif étant de renforcer la confiance entre les citoyens et les agents de police. Autre mesure avancée, la généralisation des CV anonymes n’est pas d’une grande originalité. Par ailleurs, il n’est pas certain qu’elle soit efficace. Une récente étude menée par une équipe de chercheurs du Centre de recherche en économie et statistiques (Crest), de J-PAL et de l'Ecole d'économie de Paris, en collaboration avec Pôle emploi, conclut même que non seulement cette disposition n'avantagerait pas les demandeurs d’emploi issus de l’immigration, mais elle les pénaliserait.

 

27. Pour assurer l'égalité des genres et des familles: le droit au mariage et à l'adoption pour tous les couples

 

 

Ce serait une grosse avancée. Mais le PS ne dit pas un mot du partage de l'autorité parentale, ou de l'adoption simple, pour les homosexuels qui préfèrent le PACS ou le concubinage. Pas une ligne, non plus, sur les «coparentalités» entre deux couples de même sexe.

 

28. Pour une politique juste et efficace en matière d’immigration

 

 

Le projet du PS est hanté par la peur des socialistes d’être taxés d’angélistes ou de laxistes. Il se veut «utile» à la fois pour la France et son économie, pour l’Europe et pour les migrants, dont les rédacteurs précisent qu’ils sont «des personnes avant tout». Redoublant de pragmatisme, il trouve même que l’axe de l’efficacité est le plus pertinent pour critiquer la politique mise en œuvre par Nicolas Sarkozy. L’objectif d’une immigration «maîtrisée et concertée avec nos partenaires européens mais aussi avec les pays d’avenir» pourrait relever de la rhétorique sarkozyenne. L’engagement de renforcer la «lutte contre les entrées illégales» et les «passeurs» également. Le projet s’en écarte, en revanche, quand il évoque la régularisation des travailleurs sans papiers «sur des critères clairs et transparents». Mais il se garde de reprendre la promesse d’une «régularisation large» formulée par Martine Aubry en novembre 2009. Quand il se positionne en faveur d’un «contrat d’accueil et d’intégration en faisant porter un effort majeur sur la maîtrise de la langue et la compréhension des droits et des devoirs républicains», le pas de côté par rapport à la droite est ténu. Seules avancées réelles: l’instauration d’une progressivité dans la durée des cartes de séjour, l’annulation des accords bilatéraux «de gestion des flux migratoires» facilitant les expulsions de sans-papiers, et la mise en œuvre d’un droit à l’«aller-retour» notamment pour les étudiants et les saisonniers. Globalement, néanmoins, le projet apparaît totalement en retrait par rapport aux batailles menées ces dernières années au Parlement par l’opposition et dans la rue et sur le terrain par les associations. D’ailleurs, étrangement, il ne s’engage qu’à la marge à revenir sur la machinerie législative mise en place progressivement depuis 2002 par Nicolas Sarkozy.

 

29. Pour conforter les contre-pouvoirs: garantir l'indépendance de la justice, et une loi anti-concentration dans les médias

 

 

Un léger mieux sur le thème de l'indépendance du parquet, avec le rôle accru du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) lors de la nomination des procureurs sur «avis conforme», et une désignation un peu plus pluraliste des membres du CSM. En revanche, la fin des instructions individuelles à ces mêmes procureurs, déjà proclamée quand Elisabeth Guigou occupait la place Vendôme, n'a jamais empêché les discussions amicales entre la Chancellerie et certains procureurs occupant des postes stratégiques ou ayant la main sur des affaires sensibles.

 

En ce qui concerne les médias, il faut remonter plus loin encore puisque les «règles anti-concentration» sont une préoccupation constante depuis le premier septennat de François Mitterrand, et la loi anti-Hersant démantelée pendant la cohabitation qui a suivi. Entre temps, les «risques de monopole» mis en avant se sont éloignés avec l'émergence du Net et la multiplication des chaînes sur la TNT. Un système de seuil d'audiences plus ingénieux, repris du rapport Lancelot, est esquissé.

La «réflexion sur les moyens de réduire la dépendance des opérateurs de médias à la commande publique» ressemble assez largement à un vœu pieux, puisque les Dassault, les Bouygues, les Lagardère dominent déjà le secteur. Le changement n'aura lieu qu'à très long terme, le CSA étant encouragé à «privilégier les opérateurs indépendants» (lire notre article).

 

Le PS promet de mettre un terme au scandale de la nomination des responsables de l’audiovisuel public (France Télévisions, Radio France et Audiovisuel extérieur de la France) par le président de la République. Au lieu de cela, il propose de représenter à parité dans les conseils d’administration la majorité parlementaire et l’opposition. Presque quarante ans après la fin de l'ORTF, on abrogerait enfin sa logique. Comment être contre? 

 

30.  Pour approfondir la démocratie, nous renforcerons le rôle du parlement, nous introduirons une dose de proportionnelle aux élections législatives, nous accorderons le droit de vote aux étrangers aux élections locales, nous transformerons le Conseil constitutionnel en une véritable Cour constitutionnelle indépendante, nous lutterons contre les conflits d'intérêts et nous imposerons une limitation du cumul des mandats

L'hyper-présidence sarkozyste a tellement abîmé l'équilibre des pouvoirs que les socialistes n'ont pas besoin de se montrer bien inventifs ni d'afficher une VIe République pour apparaître progressistes. Sur ces sujets, ils imaginent un référendum «avant la fin de l'année 2012».

 

D'abord, ils promettent de revaloriser le Parlement en renforçant les pouvoirs de l'opposition, qui se verrait confier plusieurs présidences de commission. C'est intéressant. Dans le même temps, le PS entérine l'imposition du «temps programmé» à l'Assemblée nationale, en clair d'un «crédit-temps» plafonné par groupe politique, au-delà duquel les micros sont coupés net. En 2009, les socialistes avaient dénoncé l'instauration de ce dispositif «guillotine», écœurés, allant jusqu'à chanter la Marseille dans l'hémicycle. La perspective de revenir au pouvoir, visiblement, leur fait opérer un virage à 180° – peut-être anecdotique, mais symptomatique. Par ailleurs, le PS renonce à instaurer la proportionnelle intégrale à l'Assemblée (l'une de ses 110 propositions en 1981), pour préconiser une simple «dose de proportionnelle»aux législatives.

 

Afin que les scrutins reflètent mieux les idées des Français, le parti retient tout de même une idée qui ne faisait pas l'unanimité dans ses rangs: la comptabilisation des votes blancs comme suffrages exprimés.

 

Il se range également, après des années d'atermoiements à l'ère Jospin, au principe du droit de vote (et d'éligibilité) des étrangers aux élections locales. La condition: résider en France depuis cinq ans minimum.

 

Conscient que le Conseil constitutionnel (où siègent de droit les anciens présidents de la République) est de plus en plus contesté, les socialistes recommandent de le transformer en «Cour constitutionnelle indépendante», dont les membres seraient nommés «à la majorité des 3/5es du Parlement», en respectant la parité homme-femme. Bonus: les ex-chefs d'Etat en seraient chassés. Comment accepter, en effet, que Nicolas Sarkozy jouisse en 2012 (en cas de défaite à la présidentielle) du pouvoir de censurer le gouvernement et le Parlement, en compagnie de Valéry Giscard d'Estaing et d'un Jacques Chirac moribond?

 

A la mode, la lutte contre les conflits d'intérêts s'impose. Le gouvernement de François Fillon ayant déjà annoncé un projet de loi d'ici l'été 2011 (qui obligera les fonctionnaires et ministres à déclarer leurs intérêts), le PS veut pousser la transparence encore plus loin: il promet que les déclarations de patrimoine des parlementaires et des ministres seront publiées (mais pourquoi pas leurs déclarations d'intérêts?!); et il compte interdire le pantouflage des fonctionnaires (c'est-à-dire leur départ pour le privé) dans les cinq années qui suivent leur cessation d'activité (contre trois aujourd'hui).

 

Enfin, les socialistes promettent d'interdire aux parlementaires et ministres de cumuler leur poste avec la responsabilité d'un exécutif local. Ça n'est pas encore le mandat unique, mais c'est un progrès. Rien n'est prévu non plus pour limiter la répétition des mandats dans le temps (meilleur moyen de faire de la place aux jeunes).

 

 

Dans un mois, le 5 mai 2011, paraît aux éditions Don Quichotte un nouveau livre de Mediapart qui prolonge et complète le débat lancé par ce "crash-test". Ouvrage collectif de notre rédaction sous la direction de Laurent Mauduit, co-fondateur de Mediapart, Les 110 propositions, 1981-2011 revisite les promesses du Parti socialiste en partant de celles de la première et, pour l'heure, de la seule élection présidentielle gagnée par la gauche, avec François Mitterrand, il y aura trente ans le 10 mai prochain. Le rappel de chacune des 110 propositions est suivi d'une expertise (ce qu'elles sont devenues, ont-elles été appliquées, si oui, comment, etc.?), puis prolongé par une actualisation en précisant ce que serait leur enjeu aujourd'hui. Le sous-titre du livre en exprime bien l'ambition: Manuel critique à l'usage des citoyens qui rêvent encore de changer la vie. Vous pouvez d'ores et déjà le commander auprès de votre libraire ou en ligne.

 

A l'issue de cette évaluation totalement non-scientifique, le projet du PS obtient 17 pouces en l'air, 13 blah blah, 11 nouveaux, 9 Jospin et 3 nuls.

 

Les autres mesures et... les oublis

Redonner à la France une voix forte et au monde une perspective de progrès

 

Rien de nouveau et beaucoup de généralités en matière de politique étrangère. Trois exemples précis.

Afghanistan. Le PS ne se prononce pas pour un retrait des troupes françaises déployées depuis dix ans en Afghanistan et avalise la ligne suivie actuellement par le pouvoir. Il est juste noté que la situation «doit faire l'objet d'un réexamen urgent et complet après un débat approfondi et un vote au Parlement».

OTAN. Les socialistes s'étaient prononcés contre le retour de la France dans le commandement intégré de l'Alliance atlantique. Dans son projet, il n'est pas pour autant question d'en sortir : « Nous évaluerons précisément les effets concrets de la décision.» Et de manière rituelle, les socialistes plaident pour une nouvelle Europe de la défense, sans noter combien elle vient de faire la démonstration de son impuissance en Libye.

Révolutions arabes. Les socialistes saluent avec économie ces « révolutions de la liberté », n'y accordant que quelques lignes pour plaider simplement pour une relance du projet euro-méditerranéen, ce fameux processus de Barcelone qui piétine depuis une quinzaine d'années. Aucune mention n'est faite par exemple de l'idée aujourd'hui en débat d'une « banque de reconstruction » ou de nouveaux partenariats économiques et politiques. Engagés spécifiquement par la France.

  • Curieusement, de grands débats de société ne figurent pas dans les 30 propositions. Il faut les chercher dans les 110 pages du document de travail.

 

L'euthanasie. Signe de positions toujours inconciliables, sous le titre «Un nouveau droit à la compensation de la perte d'autonomie tout au long de la vie » on peut lire: «Les personnes en fin de vie en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable infligeant une souffrance physique ou psychique (pourront) demander à bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir dans la dignité. Ce droit devra s'appliquer dans un cadre très strict et protecteur sous le contrôle d'un collège de médecins.»Ce sera donc possible, mais strictement encadré par la médecine.  

 

L'assistance médicale à la procréation, les mères porteuses. Le PS sort du cadre très strict où l'aide médicale à la procréation est réservée aux couples infertiles. Sous le titre «Accès à la parentalité : encadrer et accompagner les évolutions de la société», il est écrit que l'AMP sera «ouverte aux femmes sans condition de situation de couple ou d'infertilité». De même, reprenant l'avis du conseil national d'éthique (CNE) de février dernier, le PS estime que «les inséminations et les transferts d'embryons post-mortem doivent être autorisés dans les cas où le décès du partenaire a interrompu un projet parental en cours». Mais pas question d'aller plus loin et d'autoriser les mères porteuses (la gestation pour autrui).

 

Les prisons, les peines plancher, la rétention de sûreté. Toujours rien dans les 30 propositions et, dans ces 110 pages, on est dans l'incantatoire: «Nous mettrons en œuvre une politique qui permettra de doter la France des prisons dignes du pays des droits de l'homme (...). Nous voulons mettre en place une véritable politique d'aménagement des peines fondée sur un projet individualisé et un suivi approprié, afin d'éviter les sorties sèches, souvent facteur de récidive, mais aussi de mettre un terme à une surpopulation carcérale insupportable. La prison ne doit pas être seulement un lieu d'enfermement, elle doit être aussi un temps de réinsertion et de prévention de la récidive.» Concernant l'encellulement individuel des détenus, le PS ne réaffirme pas le droit (écorné par l'actuel gouvernement), mais parle simplement de «mise en place». De même, sur les peines plancher et la rétention de sûreté à propos desquelles Robert Batinder avait parlé de «dérives dangereuses», le PS promet simplement de «revenir sur (ses) réformes inutiles ou inacceptables». Revenir n'est pas abolir.

 

La psychiatrie.  Là, on est carrément dans l'oubli. Même dans les 110 pages, le mot n'est évoqué qu'à travers les soins aux détenus ou le soutien aux victimes. Alors que Nicolas Sarkozy s'emploie depuis le début de son mandat à enfermer les malades psychiques, il n'y a rien sur l'organisation des soins, rien sur l'ouverture de l'hôpital, rien pour sortir du «surveiller et punir».  

 

Logement. Les sans-abri et le système d’hébergement ne figurent pas dans les préoccupations affichées par le Parti socialiste.

 

 

 

 

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