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24 avril 2011

Où mène le projet du PS ?

23 avr. 2011

Au sein du PS, le consensus existe sur la nature profonde du projet collectif qui a été rendu public en avril 2011 : c’est une « boîte à outils », un « socle », une plateforme qui a désormais le mérite d’exister. Le consensus existe aussi au niveau de la Direction nationale qui a adopté ce texte. Mais hélas, le texte comporte un certain nombre de lacunes, manques ou insuffisances qu’il faut relever.

 

 

L’absence de vision forte de la société à venir

Proposer une vision politique, c’est fixer un objectif, celui d’un type de société à édifier, selon un calendrier et un rythme de réformes (ou révolutions) indispensables. Or, même si le titre annonce « le changement », si le texte en appelle à un « changement de civilisation » sur plusieurs générations, il ne conduit pas une démonstration qui rendrait ce changement décisif et palpable.

Il nous est proposé un « nouveau modèle de développement » selon la formule « concevoir, produire, consommer, échanger mieux ». Deux questions surgissent aussitôt : notre pays doit-il toujours se développer en tout domaine ? Et le faire « mieux », est-ce toujours le faire « autrement » ? On sait qu’Edgar Morin conteste la pertinence du concept de développement, qu’il soit durable ou soutenable, précisément parce qu’il présuppose trop la croissance (La Voie).

A la lecture des chapitres, on ne peut que constater que l’ensemble du développement prôné repose sur « une nouvelle croissance », « un formidable gisement de croissance et d’emplois ». La phase de conception y est présentée comme préparant « la compétitivité par le haut », « la compétitivité-innovation et la bonne performance ». La production y est déclarée « ambition productive forte ». Du coup, le « mieux » risque bien d’être le « plus » ! Si la sobriété pointe le bout de son nez, c’est seulement dans le domaine énergétique. Quant à la décroissance, elle n’affecterait de même que les énergies fossiles. Comment peut-on quitter la société occidentale actuelle de surproduction et de surconsommation sans jamais toucher au facteur quantitatif qui empoisonne l’atmosphère, le climat, les relations sociales et le mode de vie ?

Sur le plan des propositions avancées, nous avons affaire à un texte quelque peu hétérogène. Sur certains points, il propose une vraie révolution : c’est le cas de la fiscalité, où la fusion imposée de l’impôt sur le revenu et de la CSG entraînerait de très importants effets de redistribution. Sur ce point donc le texte, qui doit beaucoup à Thomas Piketty, se situe très à gauche, au-delà de la social-démocratie scandinave par exemple, ce qui ne favoriserait guère certains candidats comme DSK s’il se déclarait. On doit cependant avouer au passage que la révolution fiscale promise demanderait un assez long temps de mise en œuvre – certains économistes parlant de deux ans au moins – ses effets en seraient donc tardifs. Sur presque tous les autres points, le texte avance des réformes plus modérées.

Ce mélange de propositions – l’une audacieuse, les autres plus modérées – ne peut guère conduire suffisamment vite à un changement de société. Loin de la rupture, le changement annoncé serait en fait dans la régulation et la moralisation du capitalisme français. L’intérêt de la position ainsi prise est d’affirmer que la révolution fiscale, avec sa disparition des innombrables niches fiscales, financerait l’ensemble des réformes proposées dans le sens de la justice sociale. La moralisation serait notamment dans la limitation symbolique du salaire des patrons (le rapport entre bas et hauts salaires serait de 1 à 20). Pour réguler l’économie de marché et réindustrialiser le pays, la nouveauté serait dans la création d’une grande banque d’investissement public. Mais le fait de la constituer par fusion de plusieurs organismes existants (FSI, OSEO, Caisse des dépôts et consignations, Banque Postale, etc) garantirait-il un fonctionnement performant ?

Enfin, hors du texte, il faut remarquer une ambiguïté sur la stratégie politique. Il nous a été révélé que Martine Aubry avait confié mission à Laurent Fabius de préparer le menu des mesures à mettre absolument en application dans les six premiers mois d’un éventuel gouvernement de gauche. Du coup, ce qui serait réellement mis en œuvre apparaîtrait comme le dernier acte d’une cascade de glissements programmatiques continus : les textes des conventions socialistes aboutissant à un projet socialiste dit collectif, ce projet servant lui-même au programme de gouvernement pour la gauche, ce programme se réduisant finalement à un catalogue fabiusien de mesures d’urgence. Dans cette chaîne, le projet socialiste, deuxième étape du processus en quatre phases, verrait sans doute son importance fortement relativisée.

Il ne peut en être qu’ainsi quand les phases et les partenaires sont multiples, mais aussi quand un projet n’impose pas d’emblée une vision claire et forte de l’avenir, facteur de rassemblement cohérent pour toutes les parties prenantes.

 

L’improbable conversion écologique de l’économie

Si le projet socialiste ne propose pas de vision forte du type de société souhaitée, c’est parce qu’il ne positionne pas la conversion écologique au poste de commandement des politiques à venir. Il l’évoque cependant, il parle même d’une économie verte » qui serait la « vision moderne » de l’économie, mais en tire-t-il toutes les conséquences qui s’imposent ?

En effet, même s’il consacre à la dimension écologique des passages intéressants, il reste dans une vision traditionnelle du développement : « pour les socialistes, l’économie, le social et l’écologie sont indissociables ». Tant mieux ! Mais qui aujourd’hui ne le dit pas, même à droite ? La vision socialiste proposée dans le texte ne reste-t-elle pas encore trop économiste, un brin productiviste, fondée sur la croissance à 2,5%, seuil à partir duquel tout le monde affirme qu’on pourrait espérer la création d’emplois ? Certes, il est proposé la conversion écologique de l’industrie, l’éco-conception, l’éco-certification des produits et procédés, la sortie de la dépendance au pétrole et au nucléaire, l’agriculture durable notamment bio. Mais il est plus question de mettre la finance au service de l’économie que de décrire la transition qui mettrait l’économie au service de l’écologie et du social.

En fait, s’engager dans ce que certains appellent la social-écologie (c’est le cas notamment de Ségolène Royal) réclame trois exigences :

- développer les secteurs économiques qui limitent les dégâts des activités humaines sur l’environnement, donc déployer une économie de la circularité (solution au problème des déchets) et de la fonctionnalité (solution au problème du gaspillage) dans le cadre d’une économie plurielle où la solidarité collective supplante le profit individuel;

- changer en profondeur les modes de production, de distribution et de consommation ;

- remplacer les actuels systèmes de mesure de la valeur sociale du développement et de la richesse en privilégiant la dimension humaine du bien-être individuel et collectif (sur ce point, l’appel à un indicateur de développement humain est mentionné rapidement).

On ne peut pas dire que le projet socialiste ignore ces dimensions, mais on peut trouver qu’il s’engage timidement dans cette voie.

 

 

La difficile question des alliances nécessaires

Lors de sa sortie publique, le projet socialiste n’a pas soulevé l’enthousiasme hors de l’appareil dirigeant. Si les raisons en sont multiples, la plus importante pour nous est dans cette absence de vision forte de la société, en raison principalement de la réduction du rôle de la social-écologie. Le catalogue qui est sorti de ce parti-pris initial de la « boîte à outils » laisse certes entièrement libres les mains des candidats socialistes à la primaire, mais il n’aiguise en rien le désir de ralliement venant des partenaires politiques de gauche.

C’est d’ailleurs pourquoi est sorti un Appel à la mobilisation de la gauche (19 avril 2011), lancé notamment par Paul Quilès et Marie-Noëlle Lienemann. Il propose un « contrat de rassemblement » pour mettre sur pied un « socle commun », ce qui revient à fonder la troisième étape du processus de glissements programmatiques décrit ci-dessus, avant même de connaître le nom du leader de la gauche. De même, l’appel lancé par Stéphane Hessel, Susan George, Patrick Viveret et quelques autres, même s’il est un plan de bataille contre le Front national, attire à juste titre l’attention sur la nécessité d’un programme d’espérance à gauche pour éviter de perdre dans une élection qui risquera bien de se jouer, nous le savons à présent, au premier tour.

Dans ces conditions, le projet socialiste actuel devra être dépassé par un autre texte de futur leader (il existe déjà une reformulation du projet par l’équipe de Moscovici, autant dire de DSK) où la vision de société sera bien plus forte et pourra fédérer la gauche, sinon…. nous aurons subi et subirons pour longtemps la gauche la plus bête du monde !

 de Noël Nel sur le blog DA NANCY

 

Fichier attaché: 
DAGN_116_Ou_mene_le_projet_socialiste.pdf

 

 

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