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10 mai 2011

La Porsche et le candidat

Un lapsus révélateur de DSK

 




 

Que l'on ne s'y trompe pas, l'émoi créé sur Internet par la photo de Dominique Strauss-Kahn à côté d'une Porsche ne relève pas de la tactique des clans qui s'affrontent et veulent peindre une image négative de l'adversaire. Elle risque d'être un lapsus révélateur. Par son écho, elle a circulé à l'instar des rumeurs, parce qu'elle met le doigt sur le talon d'Achille du candidat socialiste, et révèle sa faiblesse symbolique. Or ce talon d'Achille étant bien connu de ses supporteurs et ses conseils, tout aurait dû être fait pour ne pas le réactualiser et surtout pour commencer à l'éradiquer. En France, pays de la révolution, le luxe et le politiquement correct ne font pas bon ménage

Toute rumeur se résume à une proposition simple à forte connotation émotionnelle et qui porte en elle une condamnation morale implicite. Que dit la photo en question ? Dominique Strauss-Kahn roule sur l'or. Certes, on sait que le patron du Fonds monétaire international (FMI) est riche, que sa femme, Anne Sinclair, l'est encore plus, néanmoins la pauvreté n'est pas une condition pour entrer en politique.

Mais une rumeur doit toujours être analysée dans le contexte politique et social du milieu où elle circule. Or quelle est la situation de la France aujourd'hui ? Celle d'un pays où les solidarités qui ont jusqu'à présent fondé la nation et le modèle français sont cassées : dislocation des solidarités entre générations, entre riches et pauvres, entre ceux qui ont un travail et ceux qui n'en ont plus, entre communautés, entre Français de longue date et Français issus de l'immigration. Que reproche-t-on à Nicolas Sarkozy ? Dès le jour de son accession au pouvoir, de ne s'intéresser qu'aux riches.

Maire de Neuilly - symbole de la banlieue riche -, M. Sarkozy aurait dû surenchérir en actes symboliques qui compensent. Hélas, ses premiers actes médiatiques le jour de son élection furent l'enfermement avec ses " amis " au Fouquet's, puis les vacances sur le yacht d'un milliardaire, le bouclier fiscal... Enfin, il est apparu dans ses biographies comme un homme ambitieux qui avait toujours rêvé d'accéder à la présidence... Certes, mais pour quoi faire ?

La période Sarkozy a été marquée par des scandales à forte portée symbolique, car ils cassèrent le pacte de solidarité national et heurtèrent la morale républicaine (la nomination de son fils à l'EPAD - Etablissement public pour l'aménagement de la région de la Défense), la légion d'honneur donnée au conseiller fiscal de Mme Bettencourt, l'affaire Lagarde-Tapie...). Au sortir de la crise économique, où les bonus refont surface et les patrons accroissent leurs revenus au vu de tous, la France d'en bas a besoin qu'on l'aime, qu'on lui indique qu'elle sera au coeur de l'attention du futur président. Certains attendent des recettes miracles à force d'avoir tant attendu et voteront Front national, mais la majorité veut de l'attention, de la vraie solidarité et un retour urgent à la moralisation de la vie publique.

Symboles du luxe

Dominique Strauss-Kahn est certes auréolé du prestige lié au FMI et à la distance, mais c'est aussi sa faiblesse symbolique : il ne penserait qu'en milliards alors que le peuple pense désormais euro par euro dès le 15 du mois.

D'où l'émoi créé par la fameuse photo qui a circulé sur le Net ? Qu'apprend-elle qui désole ? Que le candidat socialiste serait entouré de conseils en communication, issus des plus grands groupes économiques et de communication, qui, eux, roulent en Porsche pendant que le peuple, classe moyenne incluse, souffre !

Nous voilà déjà replongés dans le monde de l'ambition politique à l'état pur, dans le calcul et le marketing politique. Foin de solidarité, foin de compassion, les espoirs sont déçus : le candidat serait lointain, trop coupé des réalités, entouré de gens qui, eux-mêmes, le sont. Il est temps que le candidat se déclare enfin intéressé non par le poste, mais par la France et se méfie des symboles du luxe.

Jean-Noël Kapferer

 

 

Professeur à HEC

auteur de " Rumeurs " (Le Seuil)

© Le Monde

 

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Commentaires
J
Le drapeau me semble effectivement être le symbole le plus prégnant qui réunit pour se sentir d'un seul peuple, d'une seule nation, en en surmontant les différences d'origines , de confessions, des membres du melting pot qu'est et a toujours été la France , de tous temps... Par ailleurs, s'il me semble tout à fait vrai que beaucoup de personnages politiques jouent sur l'émotionnel et le compassionnel, je crois que l'expérience des les suites de l'élection de 2007 a fait réaliser à bon nombre de citoyens les danger de se laisser aller à leurs émotions... je crois et j'espère que devient de plus en plus prégnante la différence entre ceux qui chargent leur discours d'émotionnel par des formules envoutantes, et ceux - celle - qui faisant un état précis des réalités vécues les analyse et pose des objectifs et des solutions en réponse... c'est en cela que SR est inégalée par les autres politiques et qu'elle est la plus performante en gestion d'un territoire: un problème -> un diagnostic -> une hypothèse d'action -> une mise en œuvre de solution. En bref un discours articulé aux réalités problématiques et à l'action qui suit .
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V
Comme le dirais mieux que moi le professeur Maffiozzoli,nous sommes entrer dans l'ère de la post-modernité.le politique ne se fait plus sur le fond ,on le regrette,mais sur l'émotionnel et le compassionnel,donc le symbôle y est l'expression d'une émotion forte dans le peuple,le paraître est plus fort que l'être,et la porsche en devient un message également politique,c'est ainsi.M.Jean-Noël Kapferer,professeur à HEC en a capté toute la <br /> valeur,on peut le regretter,mais une chose est plus forte chez Madame Royal,c'est la reprise en main de certains symbôles comme le drapeau et la nation,qui appartiennent à toutes et à tous,et dans lesquelles chacun peut y mettre son contenu,et il n'est pas vide ou creux.Son discours des Blancs manteaux dimanche 8 Mai est d'une habilité fabuleuse.Là ,elle touche le peuple et l'émotion est présente,tout comme le sourire.<br /> Norbert Van der Meulen
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