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16 mai 2011

La lettre qui accuse DSK d'avoir un "problème" avec les femmes

 

Dominique Strauss-Kahn a-t-il un "un problème pouvant le rendre peu adapté à la direction d'une Fmidsk institution où des femmes travaillent sous ses ordres"? C'est du moins l'avis de l'une de ses subordonnées, Piroska Nagy, une économiste hongroise mariée avec laquelle il a entretenu un liaison en décembre 2007 et janvier 2008, liaison manifestement consentie sans enthousiasme. On se souvient que DSK a réussi à sauver son poste de patron du FMI à la suite de la révélation de la relation sexuelle qu'il a eu, en décembre 2007 et janvier 2008, avec Nagy qui travaille depuis septembre dernier à la BERD à Londres. L'affaire, révélée par le Wall Street Journal du 18 octobre 2008, s'est conclue par un "rapport" rédigé par un cabinet d'avocats mandaté par le conseil d'administration du FMI, qui a estimé que DSK n'avait commis « ni harcèlement, ni favoritisme, ou tout autre abus d’autorité » . Mais le Conseil d'administration a souligné dans le même temps qu'il avait commis des actes « regrettables et reflétant une sérieuse erreur de jugement ».

Pourtant, on peut se demander si le cabinet d'avocats n'a pas exonéré un peu rapidement DSK de toute responsabilité dans cette "relation inappropriée" avec une personne sur laquelle il exerce son autorité. En effet, Piroska Nagy, dans une lettre datée du 20 octobre 2008, deux jours après les révélations du Wall Street Journal, et envoyée à l'avocat Robert J. Smith, du cabinet Morgan, Lewis & Bockius affirme clairement que DSK a abusé de son autorité. Une grave accusation que l'on ne retrouve pas dans le rapport rédigé par le cabinet d'avocats qui ne l'a manifestement pas crue.

 

L'existence de cette lettre a été révélée le 17 février par le site de l'Express qui en cite quelques extraits. Coïncidence: le matin même, l'humoriste Stéphane Guillon épinglait méchamment sur France Inter "l'obsédé sexuel" DSK, suscitant la colère de l'intéressé.  L'information de l'Express a été reprise par Libération le 19 février et le 20 février: Robert Smith, interrogé par notre correspondant à Washington, affirme que  «nous avons reçu et considéré cette lettre en écrivant notre rapport. Nous n’avons trouvé aucune preuve qui laisse à penser que le directeur aurait abusé de son pouvoir.» J'ai échangé de mon côté des mails avec Piroska Nagy (c'est la première fois qu'elle accepte de répondre à un journaliste) qui m'a confirmé l'authenticité de cette missive - que j'ai aussi obtenue - et qui, écrite de façon très prudente, révèle le désarroi profond d'une femme qui s'est laissée entraînée dans une relation avec son supérieur hiérarchique. La voici dans son intégralité, sauf un passage qui pourrait mettre dans l'embarras mes collègues américains. A vous de juger (l'original est en anglais, la traduction a été réalisée par mes soins).

Cher M. Smith,

Je crois que je dois vous écrire après l'ébruitement désastreux dans la presse de certains éléments de votre enquête sur un possible abus de pouvoir de la part du Directeur Général du Fonds Monétaire International. Comme vous le savez bien, ma préoccupation constante, à la suite des tristes évènements de décembre 2007 et janvier 2008, a été d'éviter à tout prix une publicité qui blesserait ma famille, mes amis, mes proches, ou dans ce cas M. Strauss-Kahn. C'est pour cette raison, et parce que je ne faisais pas entièrement confiance aux processus internes au Fonds, que j'ai refusé de coopérer à la première enquête de ce dernier.

Lorsque le Fonds vous a engagé comme enquêteur indépendant, j'ai surmonté ma profonde aversion pour toute discussion sur ce sujet avec des personnes extérieures, mes inquiétudes concernant les fuites ; à contrecœur, j'ai décidé de coopérer à votre enquête. Mais vous voudrez bien vous souvenir à quel point j'étais inquiète que des fuites puissent se produire ; que nous nous étions entendus sur certaines règles pour minimiser leur éventualité, telle le fait de ne faire référence à moi dans son rapport que comme d'« un membre féminin du personnel ». Au cours d'un entretien de six heures avec vous et votre équipe, il m'a été demandé de raconter les prémices de cette relation, et l'on m'a posé des questions très détaillées sur les circonstances de mon départ du Fonds. J'ai répondu à ces questions de la manière la plus précise possible pour moi. L'on ne m'a jamais demandé mon avis sur la conduite de M. Strauss-Kahn, ce qui, je suppose, était l'approche pertinente puisque vous m'aviez dit que l'objet de votre enquête n'était que de déterminer les faits relatifs à ce cas.

Cependant, la fuite dans la presse ayant mené à l'article du 18 octobre du Wall Street Journal a confirmé mes craintes vis-à-vis de tout le processus (...) Il est à mon avis de votre responsabilité de demander une enquête spécifique sur ces fuites graves, afin d'assurer l'intégrité de la gouvernance dans ce cas.

De plus, je suis préoccupée par le caractère incomplet et imprécis de la version que donne à lire la presse. Il a été largement rapporté qu'il se serait agi d'une relation « consensuelle », et que seules les circonstances de mon départ faisaient l'objet d'une enquête. D'une façon particulièrement regrettable et inexplicable, un blog tenu par l'épouse de M. Strauss-Kahn a parlé de « cette aventure d'un soir ». Mais personne, y compris le Fonds, n'a éclairci la nature de cette relation, ni précisé que l'enquête visait également à établir si M. Strauss-Kahn avait abusé de son pouvoir à l'occasion. Plus récemment, des allégations à propos d'un « coup monté » sont parues dans des médias français. Tout ceci renvoie l'impression fausse que le seul objet de l'enquête serait les circonstances de mon départ.

Les circonstances de mon départ et le montant de mon indemnité de licenciement sont un non-sujet, comme vous le savez certainement grâce à vos recherches. Par respect pour votre démarche, je me suis abstenue de tout commentaire dans la presse sur la véritable question qui nous occupe ici : la conduite de M. Strauss-Kahn. Afin que l'on ne puisse se tromper sur mon opinion à ce sujet, je veux vous l'exposer ici par écrit.

Je pense que M. Strauss-Kahn a abusé de sa position dans sa façon de parvenir jusqu'à moi. Je vous ai expliqué en détail comment il m'a convoquée plusieurs fois pour en venir à me faire des suggestions inappropriées. Malgré ma longue vie professionnelle, je n'étais pas préparée à des avances du Directeur Général du FMI. Je ne savais que faire ; ainsi que je vous l'ai dit, je me sentais « maudite si je le faisais et maudite si je ne le faisais pas ». Après un temps je fis la grave erreur de me laisser entraîner dans une très brève aventure. Mais il est incontestable, à mon avis, que M. Strauss-Kahn ait usé de sa position pour avoir accès à moi.

Après que cette relation se soit terminée, je n'ai en aucune façon été poussée à partir par M. Strauss-Kahn, bien que nos deux avocats respectifs aient discuté de la possibilité de mon indemnité de licenciement. Cette conversation me fut rapportée et n'était guère plaisante à entendre, mais signifiait qu'aussi bien lui que moi (ou mon époux) nous sentirions mieux en ne travaillant pas dans la même institution. J'avais également des propositions professionnelles intéressantes à Londres et j'ai été très heureuse d'accepter celle de mon entreprise actuelle, où j'avais déjà travaillé quelques années auparavant. Les indemnités financières constituaient également une incitation au départ, comme l'indique la vaste sur-souscription aux indemnités de licenciement du Fonds, mais comme vous le savez je n'ai bénéficié d'aucun avantage particulier.

Pour conclure, je veux vous faire part de ma profonde tristesse personnelle, de mon désarroi, de mon chagrin pour tout ce qui s'est passé. Pour finir, mon approche consistant à éviter toute publicité de cette affaire a échoué. Tous ceux qui ont été directement impliqués sont perdants. Mon époux et moi-même devons payer le prix de l'humiliation publique, et la réputation de M. Strauss-Kahn aussi a souffert. Pour ce que cela peut valoir, je pense que M. Strauss-Kahn est un leader brillant, qui a une vision pour affronter la crise financière mondiale en cours. C'est également un homme agressif, bien qu'il soit charmant. Il vient d'un pays, la France, que j'adore et où j'ai de nombreux bons amis. Mais je crains que cet homme ait un problème pouvant le rendre peu adapté à la direction d'une institution où des femmes travaillent sous ses ordres.

J'espère pouvoir prendre bientôt connaissance des conclusions de votre enquête.
Cordialement,

Piroska M. Nagy

 

 

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