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26 mai 2011

Terra Nova : plus idéologues que sociologues ...

Jean-Louis Denier - Tribune | Mardi 24 Mai 2011 à 05:01

 

Dans cette tribune, Jean-Louis Denier revient sur la note de Terra Nova et propose une analyse du vote de gauche qui confirme que le PS est incapable d'appréhender la société dans son ensemble. Il faut que la gauche française ait désormais le courage de regarder les chiffres en face : une immense partie des Français a d'énormes difficultés à boucler le mois, ce qui devrait plaider en faveur d'une augmentation des salaires.

 

Décidément, en suggérant au PS de jeter à la poubelle cette part du gâteau électoral que constitue le « soi-disant » vote ouvrier, la fondation « Terra Nova » sait faire parler d’elle et créer du buzz sur le Net ou ailleurs.
 
Sur ce site, Ph. Cohen y voit l’indice, sinon la preuve, d’une nouvelle défaite (à venir) à un scrutin national d’ampleur, défaite globale de la Gauche et non du seul PS. On peut partager (ou non) son opinion, de même que tout ou partie du raisonnement qui conduit au diagnostique final, mais on doit les compléter d’une série de rappels chiffrés et historiques.
 
Pourquoi ? Simplement pour montrer et démontrer que les penseurs, chercheurs et autres « érudits » qui réfléchissent, élaborent, imaginent et, surtout, siègent dans les couloirs de Terra Nova sur les « Champs-El. » sont, n’en doutant point, de brillants esprits, mais d’avantage lorsqu’il s’agit de fabriquer de l’idéologie « bobo » que lorsqu’il convient d’explorer véritablement, et avec justesse, la sociologie électorale ; quant à leur demander de se placer dans une perspective historique ou économique, il convient, sans doute, d’attendre ... qui sait, un prochain congrès du PS ?
 
De 1789 à la Commune, de 1907 jusqu’à la « Corporate Globalisation » : rappel de certaines convergences économiques et sociales trop souvent oubliées
 
Pourquoi évoquer, d’entrée, le soi-disant vote ouvrier, sous-entendu comme composant essentiel, stratégique et décisif du vote à Gauche et même du vote le plus « rouge » ?
 
Pour rappeler que cette approche est trop étroite et que, l’ouvrier, en tant que salarié louant son ouvrage et sa force de travail à un patron, n’est pas le seul à voter (mais aussi penser, agir et militer) à Gauche lorsque l’on s’intéresse, de prés, aux catégories qui, appartiennent (aussi) aux secteurs de la production/fabrication  et/ou du travail manuel ou de celui de la terre
 
Afin de s’en convaincre, il n’est pas inutile de faire un petit retour en arrière ... .
 
Si l’on prend comme critère d’encrage à Gauche - ou à tout le moins de contestation d’un ordre établi pouvant se convertir, ensuite, en vote à Gauche – le critère de la participation à des mouvements de protestation, de combat social et d’insurrection, on constate que le protestataire et l’insurgé se recrute(nt) aussi, et pas forcément qu’un peu, dans des catégories d’actifs et travailleurs indépendants qui ne louent pas leur ouvrage à autrui dans la mesure où ils sont à leur propre compte.
 
Que nous apprennent à cet égard, les violences insurrectionnelles et autres combats de rue ou de barricades de 1789, de juillet 1830, de février puis 1848, de la Commune en 1871, du Var et du Midi viticoles en 1851 puis en 1907 ?
 
Elles nous apprennent que le « prolétariat » en révolte cher à l’analyse, tant marxienne que marxiste, est une véritable auberge espagnole où le participant à l’émeute y apporte sa « classe » d’appartenance, celle-ci étant aussi celle des artisans, petits patrons, petits commerçants, paysans et petits (voire « moyens ») propriétaires terriens vivant du sol.
 
Bref, de quoi jeter aux orties l’homogénéité d’une révolution faite uniquement par ceux qui n’ont pour seule richesse que leur descendance et/ou force de travail. L’ouvrier n’a pas le monopole de la participation - et de la (bonne) raison de participer – à une lutte quasi armée contre un système économique (et social) ressenti, vécu et subi en tant tyrannie. L’ouvrier, dans son combat, peut être rejoint pas d’autres, travailleurs (au sens d’« actifs ») comme lui, même en dehors du salariat, mais tous conscients de la nécessité de « la fin (...) de l’exploitation, de l’agiotage, des monopoles, des privilèges (...) » ainsi que le rappel la Déclaration au peuple français, le programme en forme de manifeste de la Commune.
 
Quand la misère, la contrainte, la souffrance, la destruction s’abattent - aussi - sur des exploitants agricoles, des artisans, des petits patrons, des sous-traitants, des professions libérales – le nombre des Avocats smicards est actuellement considérable  -  il y a la matière à réflexion si l’on veut faire une critique d’un modèle économique et de ses conséquences sociales, les secondes n’étant que le « produit » des premières.
 
Ce qui était vrai hier, l’est encore aujourd’hui : les dérives d’un système économique fabriquent de la pauvreté, du non-sens, de l’impasse et ces dérives provoquent des effets qui sont inter-catégoriels et dépassent la seule condition du seul « prolétaire ».
 
Par conséquent, il convient d’en tirer deux conclusions à ce niveau :
-          le vote, et la force protestataire, des sinistrés de l’économie (hier comme aujourd’hui) ne se recrutent pas uniquement au sein de la population ouvrière ou de celle des employés aux conditions de vie et travail identiques à celles d’un prolétariat rêvé,
-          se désespérer et déplorer (faussement) de la perte du vote strictement ouvrier, tant en qualité de vote de « classe », qu’en terme de masse de scrutin pouvant faire basculer un résultat, traduit la méconnaissance de l’existence d’autres catégories sociales en souffrance (économique et sociale) susceptibles de voter à Gauche et/ou PS.
 
Ces deux conclusions, en fait, traduisent deux impasses, et de la pensée Terra Nova, et de celle du Ps voire, plus largement, d’une majorité de la Gauche, impasses qui sont :
 
à        d’une part, l’incapacité d’avoir une vision objective et « discriminante » (pour les identifier) de toutes les victimes du modèle économique mondialisé le plus contemporain,
 
à        d’autre part, l’impuissance intellectuelle, idéologique, culturelle et mentale de proposer un programme porteur d’un modèle économique alternatif au sein de l’économie de marché puisque l’économie collectiviste a échoué si l’on se souvient du désastre soviétique, ce que Lénine, lui-même, avait pressenti en instaurant la NEP.
 
Ces deux impasses proviennent notamment de l’incapacité d’une bonne partie de la Gauche PS de bien connaître et comprendre l’histoire de France, mais pour cela il faut être patriote et s’en tenir à une Education Nationale transmettant un savoir ... .
 
Et ces deux impasses découlent aussi du refus de voir certains chiffres en face.
 
La vérité des chiffres en matière de revenus : 1580 € mensuels de salaire médian
 
La France des salaires et revenus du travail d’aujourd’hui est celle de la médiocrité, au mieux, de la contrainte, au pire.
 
Que nous disent les chiffres ?
 
En 2010, le salaire mensuel médian est de 1580 € ; cela signifie que la moitié des salariés (cette moitié secteur privé + public = 13 millions de personnes) ont des revenus qui oscillent entre 1€ (théorique bien sûr !) et 1580 € sans pouvoir les dépasser.
 
Si l’on souhaite – pour s’en tenir à l’analyse qui précède et qui intègre dans le nouveau « prolétariat » celles et ceux qui sont actifs sans contrat de travail – élargir le constat, on rappellera que le revenu moyen des Français est, peu ou prou, de 1300 € par mois.
 
Alors question : que peut-on faire avec 1.300/1.500 € par mois notamment en tenant compte du niveau des prix de l’immobilier, en location ou achat/remboursement de prêt, dans les grandes villes et villes moyennes où se concentre la majorité des Français ?
 
Réponse : plus grand-chose, compte-tenu de ce qui reste à la fin du mois.
 
Rajoutons à cela le fait que près d’un tiers de ce revenu provient des prestations sociales, ce qui donne une idée du pouvoir d’achat que confère directement, en France, le travail, qu’il soit salarié ou non.
 
En toute logique, une politique économique de la croissance et de la prospérité passe par la hausse des revenus directs du travail. En toute logique, une amélioration des conditions sociales d’au moins 13 millions d’actifs salariés - sans oublier celles et ceux qui « galèrent » dans la France des 3 millions d’actifs non salariés – doit emprunter le même chemin.
 
Si la Gauche veut remporter les Présidentielles de 2012, elle doit y songer sérieusement.
 
Si la Gauche veut éviter un autre 21 avril, elle doit y songer plus que sérieusement.
 
Car ... une chose est certaine, Marine Le Pen a parfaitement intégré ces données et tout le bénéfice qu’elle peut en tirer.

 

MARIANNE

 

 A lire aussi:

Extrait:
l’implicite de ce rapport, qui est de concevoir une campagne présidentielle comme un collage de morceaux thématiques destinés à « coaliser » des groupes sociaux ou démographiques au lieu de présenter, en phase avec le moment politique, un véritable projet à l’ensemble de la société, nous semble à l’écart de la réalité pour une force progressiste.
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