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10 juin 2011

Politique politicienne et langue de bois

Pourquoi DSK n'aurait de toute façon pas été élu en 2012

Anecdote révélatrice sur le professeur Strauss-Kahn à Sciences-Po. C'était un jeudi, en 2006 a priori. Impossible de retrouver la date précise. Comme tous les jeudis, de 10h15 à 12h15, j'étais en cours d'économie à Sciences-Po Paris, et mon professeur s'appelait Dominique Strauss-Kahn. L'amphithéâtre était toujours relativement comble.

Le sujet du cours, sans me souvenir précisément de l'intitulé, portait entre autres sur la valeur du travail. L'une des conclusions de la leçon consistait à mettre en avant le fait qu'un Smic supérieur à 1 000 euros par mois, environ, surévaluait la valeur du travail mais pouvait se justifier pour des raisons sociales. DSK expliquait sommairement que cet écart entre le Smic touché et le Smic théorique correspondait à peu près, en France, au montant du RMI.

Vérité en deçà des télés, erreur au-delà

Le soir, vers 20 heures, je me rends avec des amis sur le plateau d'« A vous de juger », émission alors présentée par Arlette Chabot. Le débat du jour opposait Strauss-Kahn et Thierry Breton, ministre de l'Economie et des Finances de l'époque.

On leur demande tour à tour de réagir à la proposition de Laurent Fabius de relever le montant du Smic à 1 500 euros net si le Parti socialiste gagne la présidentielle. Mesure on ne peut plus populiste pour essayer gagner des voix dans l'électorat populaire, mais passons (car le débat a été tranché, Fabius ayant fini bon dernier des primaires socialistes, et le PS n'ayant pas non plus réussi à battre Nicolas Sarkozy).

A trois mètres de moi, Thierry Breton défend le Smic de l'époque en précisant que c'est l'un des plus élevés en Europe, qu'il ferait perdre en compétitivité la France en cassant la dynamique d'embauche si on l'augmentait autant, qu'un coût de l'embauche élevé est difficilement adapté à bon nombre de TPE pour qui recruter un employé supplémentaire serait trop cher, etc.

Dominique Strauss-Kahn explique lui que la valeur du travail est… sous-évaluée en France, et qu'il est normal de souhaiter que les Français soient de mieux en mieux payés, ce qui augmentera leur pouvoir d'achat, et donc la consommation, et in fine la croissance. On connaît le raisonnement.

Il venait surtout de se contredire par rapport à ce qu'il avait dit le matin même en cours.

Lors du cocktail, il se contredit à nouveau

A la fin de l'émission, nous montons à l'étage supérieur avec les invités et certains membres du public. Il est de tradition que France Télévisions offre un verre de jus d'orange et quelques toasts. Nous y retrouvons Dominique Strauss-Kahn qui vient nous voir, une coupe de champagne à la main. Il faut le reconnaître, sur la dizaine d'émissions que j'ai faite en tant qu'invité du public, c'est la seule fois où l'une des stars de la soirée est venue me parler. A ce moment-là, DSK met des points dans nos esprits.

DSK nous demande ce qu'on fait ici, ses élèves à lui étant en partiels, et ils n'ont probablement pas pu regarder le débat. Il nous raconte donc qu'il est professeur à Sciences-Po. Avant de pouvoir lui dire qu'on le savait puisqu'on était de ses étudiants, l'un de mes amis, aussi étudiant à Sciences-Po, lui demande alors de revenir sur la valeur du travail et son prix estimé a minima par le Smic. Strauss-Kahn ne se fait pas prier et nous rejoue la partition entendue à la télévision, hors caméra cette fois. A nouveau, il contredit ses propos du matin. Nous ne tiquons pas.

DSK nous redemande ensuite ce que nous faisons dans la vie. Mon ami lui répond tout sourire que nous sommes ses étudiants… et que quelques heures plus tôt, il nous a expliqué l'inverse de ce qu'il dit en ce moment. A cet instant, tout rouge, la coupe de pétillant aux lèvres, DSK nous a dit mot pour mot :

« Vous verrez qu'en vieillissant, vous comprendrez pourquoi parfois, il faut savoir dire des choses, et pourquoi parfois, il faut savoir en dire d'autres. »

Visiblement gêné (car d'autres personnes écoutaient notre discussion), Strauss-Kahn nous a tourné le dos et a rejoint Arlette Chabot qui venait pointer, elle aussi, son nez au cocktail.

Titillé par son côté libéral-démocrate

Cette anecdote, pour le coup très éloignée de l'affaire dans lequel est accusé mon ancien professeur, montre une chose : DSK aurait probablement perdu cette élection présidentielle s'il avait été candidat, perdu entre ce qu'il pense vraiment et ce qu'on aurait voulu l'obliger à penser. Titillé par son côté libéral-démocrate et obligé par l'extrême gauche à ne pas faire un écart trop à tribord, DSK serait mort noyé, coulé sous les critiques qu'on a l'habitude de faire à un homme qui aurait soit dû se renier, soit perdu toutes ses troupes électorales.

Il n'en reste pas moins que DSK était un professeur apprécié à Sciences-Po, même si ses cours finissaient par être ennuyeux au bout d'un certain temps… Retrouvez d'ailleurs ici cette vidéo où des étudiants avaient tenu à lui fêter son anniversaire, sous l'air du « happy birthday mister president » en lui offrant un livre : « Que faire », de Lénine… CQFD. (Voir la vidéo)

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