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28 juillet 2011

L’agonie européenne a commencé

Sur DEMOCRATIES ET ENTREPRISES

 

 

Edito par Jean-Pierre Petit (Président des Cahiers Verts de l’économie)

L’idée même de construction européenne née il y a soixante ans est aujourd’hui en déliquescence. Après l’étape clé de l’échec du référendum sur la constitution de 2005, la crise grecque lui porte le coup de grâce. Le vide européen est total sur le plan stratégique, économique et institutionnel. Pire, dix-huit mois de crise grecque nous lèguent un Premier ministre grec usé, une contagion augmentant le coût du sauvetage pour la collectivité, une confiance des investisseurs durablement ébranlée, des chocs périodiques sur les marchés financiers mondiaux, tout en réussissant « l’exploit » de susciter une opposition à l’aide de l’opinion publique à la fois des pays créditeurs et en Grèce.

Il y a vingt ans, on pouvait penser que le modèle d’intégration européen pouvait servir de référence aux alliances commerciales qui se nouaient en Amérique latine ou en Asie. Il n’en a rien été.

Ce déclin était patent avant la crise. La construction européenne est responsable en ce qu’elle a donné une illusion de protection aux opinions publiques. Les élites politiques ont tenu un discours anesthésiant, d’où le succès du principe de précaution ou du « bouclier » : bouclier social, sanitaire, monétaire… Les politiques allemands ont vendu l’euro comme un substitut du deutschemark sans transferts financiers vers les autres Etats, tandis qu’en Europe du Sud et en France, on prétendait que la monnaie unique les protégerait des crises financières.

Au-delà du rafistolage en cours, revenir à la seule logique du Pacte de stabilité n’est pas la solution. C’est oublier son caractère procyclique, uniforme et inapplicable (inappliqué même par l’Allemagne). Ce serait surtout se focaliser uniquement sur les finances publiques et oublier les autres déséquilibres macroéconomiques (déficits extérieurs, bulles immobilières et de dette privée…) qui sont à l’origine des difficultés de l’Irlande ou de l’Espagne. Enfin, ce serait installer l’Europe dans des politiques d’austérité simultanées et ainsi renforcer les enchaînements déflationnistes. L’Europe n’a toujours pas compris, contrairement aux Etats-Unis, qu’aucun processus de désendettement n’est efficace en spirale déflationniste : le Japon était le pays riche qui avait le plus haut niveau de dette en 1990, au moment de l’éclatement de la double bulle ; vingt ans plus tard, c’est toujours lui qui détient ce record.

Bien sûr, il reste les espoirs de fédéralisation budgétaire et politique (ministre des Finances de la zone, émissions communes…). Cette solution, « favorite » des marchés, fait fi de l’opposition radicale de l’opinion allemande et est illusoire à plus d’un égard. Peut-on imaginer une véritable solidarité européenne alors que la solidarité intra-étatique recule (Belgique, Ligue du Nord, Catalogne) et qu’il y a toujours une absence de parti fédéraliste en Europe ?

Surtout, le problème de zone euro n’est pas qu’institutionnel. La perte de compétitivité, de leadership technologique et démographique, le manque de préparation aux exigences de la mondialisation et au vieillissement ne peuvent être résolus uniquement par l’union de plusieurs pays sous-performants.

Ajoutons que cette solution fédéraliste n’interviendrait probablement que dans l’urgence, c’est-à-dire après une crise majeure et élargie sur les marchés. Et ces derniers ne pourraient que s’interroger de façon légitime sur la capacité réelle de l’Allemagne à renflouer l’Europe du Sud, la Belgique et la France. La principale illusion repose encore aujourd’hui sur la croissance potentielle de l’Allemagne qui va perdre 10 millions d’habitants d’ici à 2050 et cherche son salut ailleurs. Il perd progressivement son attachement occidental et se solidarise souvent avec les grandes nations émergentes excédentaires (participation des pays excédentaires au rééquilibrage mondial, intervention en Libye).

En vérité, l’Europe présente aujourd’hui les caractéristiques d’un processus auto-entretenu de décadence : paralysie institutionnelle, fragmentation économique et sociale, absence de projet fort, frilosité des peuples, conservatisme et clientélisme des élites politiques. Le déni de réalité et la recherche de boucs émissaires, chinois, américain et communautaire (parfois les trois en même temps) progressent partout. Les éléments essentiels de son destin économique sont décidés ailleurs : le cycle, le taux de change de l’euro, les conditions financières, le prix des matières premières… Les réussites européennes sont celles de « petits » pays, de surcroît entrés tardivement dans l’Union européenne (Suède, Finlande), voire restés volontairement au dehors (Norvège, Suisse)

Il n’y a pas à se réjouir de cette situation. Les replis frileux et protectionnistes (déjà illustrés par l’attitude lamentable des gouvernements européens face aux flux migratoires issus du printemps arabe) ne feront qu’accélérer l’agonie européenne

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