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9 septembre 2011

La retraite en or cachée des dignitaires du Sénat

On savait la retraite des sénateurs très avantageuse. Mediapart, qui s'est procuré le règlement de la Caisse des retraites du Sénat, a découvert que pour quelques dizaines d'entre eux, qui occupent des fonctions de dignitaires, elle est vertigineuse, certains sénateurs touchant au final plus de 10.000 euros de retraite. Le Sénat refuse de s'expliquer sur ce dispositif jusqu'à présent soigneusement dissimulé.

NB: Ci dessous l'article que j'ai copié sur MEDIAPART auquel je suis abonnée. J'en profite pour conseiller - vivement!- de soutenir ce jourmal en s'y abonnant, presse d'investigation sans concession, qui dévoile quotidiennement des dessous ignorés, ou laissés sous silence  par des presses que la déontologie n'étouffe pas...

 

L'article:

Par Mathilde Mathieu et Michaël Hajdenberg sur MEDIAPART

Des dizaines de sénateurs bénéficient de suppléments de retraite, dont le principe et les montants étaient jusqu'à présent tenus secrets. Alors que l'été a marqué la fin officielle de la retraite à 60 ans en France, Mediapart s'est procuré des documents exclusifs, en particulier le règlement de la Caisse des retraites du Sénat, qui non seulement prouvent l'existence de ces compléments de retraite, mais révèlent des ratios cotisations/pensions vertigineux qui permettent à certains élus de toucher des retraites supérieures à 10.000 euros par mois. Comment est-ce possible?

Une nouvelle fois, à un peu plus de deux semaines d'élections sénatoriales qui s'annoncent très serrées, le Sénat refuse de s'expliquer. Cet été, après nos multiples révélations sur le train de vie de ses membres, l'institution a même déposé plainte pour «vol de documents», afin d'intimider nos sources. Une enquête préliminaire a été ouverte (voir notre boîte noire). Mais Mediapart continue d'enquêter.

Faute d'explication de la part de la seconde chambre du Parlement, nous ne pouvons expliquer ici tous les détails du système mis en œuvre. Mais en publiant l'intégralité du règlement de la Caisse des retraites, nous laissons à nos lecteurs, aux syndicats ou aux élus la possibilité de s'y plonger.

 

 

 

Le système est ainsi fait: comme nous l'avons révélé le 27 juillet dernier, une quarantaine de sénateurs occupant des postes dits de «dignitaires» jouissent d'indemnités complémentaires (allant de 710 € à 5.170 € par mois). Nous avons depuis découvert qu'en payant des cotisations sur ces bonus, ils se mitonnent également des suppléments de pension.

Ainsi, sur les feuilles de retraites de ces privilégiés, en dessous de la ligne «Pension», apparaît un «Supplément de pension». Il suffit d'avoir occupé un poste de dignitaire à un moment de sa carrière – questeur, président de groupe, etc. (voir la liste dans l'extrait ci-dessous) – pour toucher à vie cette majoration. A l'heure actuelle, une quarantaine de sénateurs sur 343 occupent de telles fonctions, dont Jean-Noël Guérini (PS), Jean Arthuis (Alliance centriste) ou encore Jean-Pierre Raffarin (UMP). Le Sénat ne dit pas combien d'autres sénateurs, en exercice ou déjà retraités, les ont exercées par le passé.

 

 

Extrait du règlement de la Caisse des retraites des sénateurs, listant les dignitaires bénéficiant de bonus de retraite Extrait du règlement de la Caisse des retraites des sénateurs, listant les dignitaires bénéficiant de bonus de retraite

 

Au premier rang des privilégiés, on trouve les questeurs, une fonction dont Mediapart a déjà dévoilé les avantages. Prenons l'exemple de la retraite de l'un d'entre eux, Michel Charasse (ex-PS), qui a exercé ces fonctions entre 2001 et 2004 (après avoir été secrétaire du bureau entre 1995 et 1998). Michel Charasse, qui n'a pas souhaité répondre à nos questions, a passé 25 années au Palais du Luxembourg, qu'il a quitté en 2010 pour rejoindre le Conseil constitutionnel.

Il se voit verser par la Caisse des retraites du Sénat plus de 8.740 euros par mois. Auxquels s'ajoutent plus de 4.470 euros au titre de sa pension supplémentaire de dignitaire. Soit 13.210 euros en brut, l'équivalent de 2,4 fois l'indemnité parlementaire de base actuelle. Sans compter ses autres retraites d'élu local et de fonctionnaire, et son actuelle indemnité de «Sage» de 12.000 euros net par mois (qu'il touche dans son intégralité, comme nous l'a confirmé le Conseil constitutionnel).

Combien Michel Charasse a-t-il pu cotiser en tant que dignitaire, en plus de sa cotisation de base de sénateur, pour toucher aujourd'hui ces 4.470 euros de retraite complémentaire? Nous ne le savons pas précisément mais nous avons pu prendre connaissance de ce que verse actuellement un questeur. Ainsi, Jean-Marc Pastor cotise 490 euros par mois pour son futur bonus de retraite.

Un questeur peut donc récupérer l'intégralité du montant de ses cotisations au bout de... quelques mois de retraite seulement. Un tel rendement a-t-il déjà eu un équivalent en France?

 

D'autant que depuis 2008, à lire le règlement de la Caisse des retraites du Sénat, il suffit d'avoir occupé un poste de dignitaire pendant trois ans. Alors qu'auparavant, il fallait avoir exercé la fonction pendant au moins six années.

En clair, tandis que les Français voyaient reculer l'âge auquel la retraite est attribuée à taux plein, les sénateurs s'octroyaient, en cachette, une réduction de la durée d'années nécessaires pour toucher leur supplément de pension.

Est-ce la raison pour laquelle le turn-over est devenu si fort à ces postes au cours des dernières années, de façon qu'un maximum de sénateurs en profitent ?

Des retraites gonflées pendant les années 2000

Encore faut-il tenir trois ans. Après les révélations de Mediapart sur ses notes de frais injustifiées et sur son faux communiqué diffusé au nom du président du Sénat, Jean-Marc Pastor aurait pu perdre son poste. Il a obtenu de n'être que «suspendu» de sa participation aux réunions de la questure. Du coup, s'il ne travaille plus vraiment, il conserve son complément de salaire de questeur jusqu'en septembre (5.168 euros par mois). Voilà qui lui permet de sauver (un peu) la face. Et son bonus de retraite: il aurait dû y renoncer s'il n'avait pu aller au bout de ses trois années (2008-2011).

 

Mais ce n'est pas tout. Non seulement les sénateurs ont facilité les conditions d'accès à ces super-retraites. Mais parallèlement, au cours des années 2000, ils semblent les avoir gonflées.

 

Ainsi, Jacques Bialski, sénateur pendant 18 ans, questeur pendant 12 ans (jusqu'en 1995), a visiblement pris sa retraite avant l'avantageuse réforme puisque, outre sa pension de sénateur (de 6.650 euros), il touche un complément de pension qui ne s'élève «qu'à» 1.050 euros. Soit environ 7.700 euros en tout.

 

Pourquoi un tel changement? Depuis quand exactement? Comment sont calculés les nouveaux montants et combien cela coûte-t-il? A ces questions, Mediapart n'a obtenu aucune réponse.

 

Le Sénat n'a jamais été bavard sur son système de retraite. Il est devenu muet. Après nous avoir fait patienter pendant trois semaines, le directeur du service communication a fini par répondre par e-mail: «Conformément aux préconisations de l'avocat du Sénat, j'ai le regret de vous faire savoir qu'il a été décidé de ne pas apporter de réponse à votre questionnaire.»

 

Mediapart a alors demandé au cabinet du Président Gérard Larcher s'il était normal que l'avocat du Sénat décide de sa communication; si le Sénat boycottait Mediapart; s'il trouvait ce système de retraite justifié. Pas de réponse.

 

Il faut dire que, depuis 2010, le président Larcher préfère communiquer sur la réforme du système de retraite des sénateurs. Menée par le questeur Jean-Marc Pastor, elle apporte plusieurs changements (voir sous l'onglet Prolonger), comme l'âge de la retraite, qui passe de 60 à 62 ans, la durée de cotisation, portée à 41 ans et demi à partir de juillet 2013. Le taux de cotisation, aujourd'hui particulièrement avantageux, devrait également évoluer.

 

Officiellement, la retraite moyenne d'un sénateur (hors majoration pour enfants) s'élève à 4.442 par mois, sans que l'on sache si cette moyenne prend en compte les suppléments des dignitaires. A titre de comparaison, cette moyenne n'est que d'environ 2.400 euros par mois pour les anciens députés, qui, toutefois, siègent moins longtemps.

Un document interne que nous avons récupéré, datant du 30 novembre 2008 mais qui n'a sans doute pas beaucoup vieilli, dresse plus précisément l'état des pensions distribuées. En se fiant aux éléments jusqu'à présent fournis par le Sénat, il apparaissait qu'au mieux, la retraite d'un sénateur à taux plein pouvait s'élever à 6.440 euros, après 22 années et demie comme parlementaire. En réalité, le tableau ci-dessous révèle que 47 anciens sénateurs touchaient fin 2008 une retraite supérieure à 7.000 euros par mois. Outre Michel Charasse, qui n'est pas pris en compte dans ce tableau car il n'a pris sa retraite de sénateur qu'en 2010, deux sénateurs touchaient alors plus de 10.000 euros par mois. A titre de comparaison, un ancien président de la République touche environ 5.300 euros net par mois; les ministres ne bénéficient d'aucun droit à la retraite.

 

 

 

Les cotisations (des sénateurs et de l'institution) sont très loin de couvrir 100% de ces besoins: 43% exactement. La caisse de retraite du Palais du Luxembourg n'est pas pour autant déficitaire: les revenus des fonds placés par la Caisse il y a déjà plusieurs dizaines d'années suffisent à compenser, et même au-delà. D'où, probablement, les droits que se sont octroyés les sénateurs, dans le plus grand secret.

 

 

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