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30 septembre 2011

J'affirme ma fidélité à Ségolène Royal

Point de vue | LEMONDE.FR | 29.09.11 | 10h24

par Annie Cohen, écrivain

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La "question" des femmes fait partie intégrante du combat citoyen et politique, hommes et femmes confondus, d'une manière urgente, criante. Nous observons à ce sujet une terrible régression pour les filles et les petites filles des femmes du Mouvement de libération des femmes (MLF). Sans représentation gouvernementale, parlementaire, sans ministère, sans visibilité. Ce qui conduit à la grande solitude des femmes, bafouées, violées, battues, dans ce pays. Ségolène Royal a porté haut et fort (et depuis longtemps) ce combat dans ses mots, dans ses actes permettant un accès gratuit à la contraception pour toutes les jeunes filles de France. Nous souhaitions ce droit de disposer de nos corps, nous l'avions mis au poste de commandement dans les combats de femmes et de féministes en 1973.

En février 2007 déjà, j'avais publié une tribune dans le journal Le Monde, "Pourquoi je vote Ségolène Royal". Je reste en tous points fidèle à cet engagement, j'entends les quolibets, les méchancetés, les moqueries, pauvrette qui n'a pas renoncé ! "Femme imprévisible", "un brin fofolle". Eh bien non ! Malgré tout cela, elle n'a pas renoncé, elle est encore là telle une lame d'acier, avec une pêche d'enfer, une foi intérieure, solide, vraie ! Pas de reniement chez elle, elle trace, elle ne s'est pas retirée, elle fait émerger ses lignes de forces. Elle a le sens du temps. Elle continue à mettre son talent dans le grand combat politique, social, économique, financier.

On la trouve "cruche", on se moque d'elle effrontément, mais il faut savoir que la trahison (celles des femmes en particulier) a des limites et que toutes celles qui la soutenaient en 2007 et qui lui tournent le dos aujourd'hui, sont l'expression, pour moi, de l'opportunisme, du bas calcul, pour un combat qui est, en fait, totalement d'arrière-garde. Ségolène Royal a été très loin dans ses propositions, elle n'a pas cessé d'avancer, de chercher, de construire, écartée comme une malpropre de ce sinistre congrès de Reims. Un jour, il faudra faire le compte (des bulletins de vote) et raconter une autre histoire, celle d'une OPA scandaleuse sur le Parti socialiste.

Avant cela et pour revenir à la question des femmes, faisons un petit point d'histoire : François Mitterrand avait accepté l'offre entre les deux tours de l'élection présidentielle de 1981 (Valéry Giscard d'Estaing ayant décliné l'invitation), de venir au Palais des Congrès s'exprimer sur les questions brûlantes que les féministes avaient posées tout au long des grandes années du MLF. J'avais accouru. J'y étais à cette rencontre historique, magistrale. Et qui était à l'origine de ce rassemblement ? Ségolène Royal.

Je l'ai su beaucoup plus tard. Nous avons été transporté par la conscience et l'importance que François Mitterrand attribuait à cet engagement, et qu'il a tenu en constituant un ministère des droits de la femme (1981-1986) confié à Yvette Roudy.

Aujourd'hui, de par son histoire personnelle, dans sa famille, son inlassable travail, Ségolène Royal reste fidèle à cette ligne de crête, à cette bataille à laquelle elle n'a jamais renoncée, pour la dignité des femmes, pour l'égalité salariale à compétence égale, contre leur précarité, leur exclusion. Elle souligne partout que la vie quotidienne des femmes, jeunes et moins jeunes, responsables de plus en plus de famille monoparentale, exclues du pouvoir et de la digne représentation, souvent écrasées par des emplois non reconnus, pénibles, mal rémunérés, à temps partiel, doit être prise en compte. Caissières des grands magasins, aides-soignantes, ouvrières, femmes du milieu rural, mères célibataires. Ce sont elles, ces femmes, qui tiennent la cohésion de la société, elles sont un pilier majeur, essentiel.

Ségolène Royal a le souci de toucher les nouvelles générations, de parler à nos filles de demain, en repoussant les frontières. La lutte des femmes a été essentielle dans l'histoire, dans l'accomplissement de certaines d'entre nous. Mais Ségolène Royal va plus loin que ce que l'on entend ici ou là sur l'égalité homme-femme, débat idéologiquement dépassé, qui ferme les portes par sa rigidité arithmétique, technocratique, elle pense à un tout. Les femmes ne peuvent pas gouverner comme les hommes. Elles peuvent faire mieux !

Ségolène Royal ne serait pas là, si les féministes n'avaient pas ouvert la voie, si elles n'avaient pas parlé haut et fort, dans un temps où la société française était bien sclérosée, bien étriquée. Les luttes se sont menées sur de nombreux terrains. Les yeux se sont ouverts. Une autre parole s'est déployée, libre, audacieuse, courageuse, d'amour, de fraternité, de sororité, pourquoi pas, et sans sourire. Mais il nous faut encore bousculer les images, les imaginaires, les représentations, aller ailleurs et donc plus loin.

Pour une avancée dans les consciences, dans les comportements. Nous souhaitons, il va sans dire, une représentation des femmes à tous les échelons de la société, mais le plus difficile restera à faire si l'on s'en tient à cette nécessaire égalité. Nous le vivions déjà dans les grandes années du MLF.

Ne nions pas la petite différence et les grandes conséquences des deux sexes.

J'y vois une caricature monumentale. Revendiquons ce que nous sommes en tant que corps féminin qui ne s'arrête guère au simple corps social. C'est aussi ce que l'on entend, c'est ce que l'on voit en observant Ségolène Royal, parler et agir. On veut étouffer la femme qu'elle est. Cela est dit clairement, on lui reproche de "surjouer" sa féminité, les valeurs féminines, ou de se "poser en mère de la nation". Voilà ce que disent les femmes qui, hier, la soutenaient. Quant à moi, j'affirme ma fidélité à Ségolène Royal. La sûreté de son projet lié à sa rigueur morale, son exemplaire courage, son énergie à rassembler, me commandent de la soutenir.

La femme est l'ironie de l'histoire disait Kant. Laissons-nous aller à cette ironie pour revendiquer notre place, une autre place, pour dire à notre manière, avec nos mots, la place que les femmes peuvent occuper, revendiquer dans notre société. Il nous faut réveiller l'imaginaire collectif, sur la place publique. Il faut exprimer le "fluide de l'autorité" disait De Gaulle.


Elle est l'auteur de l'ouvrage Les Silenciaires (Gallimard, mars 2011).

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