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28 octobre 2011

Le piège sémantique de l’islamisme

Sur FHIMT
Le piège sémantique de l’islamisme

Depuis des semaines mes amis, en France comme en Tunisie, m’interrogent sur la situation politique en Tunisie et plus précisément la montée de ce qu’ils qualifient de vague « islamiste ».

J’ai décidé de ne pas parler de politique en Tunisie, pendant la séquence électorale, pour deux raisons. Primo, la Tunisie n’est pas mon pays. Secundo, nous n’avons aucune leçon à donner à un peuple qui tout seul (ou luttant contre le reste du monde) nous a donné une formidable leçon de courage et de dignité.

Mais par moment, je me dis que les mots sont des pièges.

Voilà un mot réflexe qui déclenche en Occident des comportements pavloviens. Un mot fourre tout utilisé à la fois pour désigner un authentique terroriste djihadiste qu’un homme pieux qui souhaite vivre sa foi dans la paix et la dignité. Et s’ il y a un mot qui est utilisé à tort et à travers et que je ne supporte plus, c’est bien le mot « islamiste ».

Imagine-t-on utiliser, en Europe, un mot pour définir un comportement politique qui englobe à la fois les militants démocrates chrétiens, les catholiques intégristes qui ne reconnaissent pas l’autorité papale, les ultra terroristes, comme Anders Behring Brevik, qui massacra plus de 80 sociaux démocrates norvégiens, coupables à ses yeux de favoriser l’immigration.

Ce manque de nuances sémantiques est probablement l’héritage le plus pervers laissé par Ben Ali et la pensée unique occidentale. Le mot « islamiste » est un porte-drapeau agitateur des peurs les plus sombres qui justifient toutes les répressions, les mensonges et les dictatures.

Prenons l’exemple de la Tunisie.

Voilà un peuple qui s’est libéré seul de la dictature. Qui en 9 mois a organisé des élections exemplaires avec un taux de mobilisation exceptionnel.

Et que retient-on de cette élection ? Que la Tunisie serait à deux doigts de se transformer en Califat.

En toute franchise, c’est n’importe quoi.

Jugeons sur les mots et sur les actes.

Le programme d’Ennahda, à ce stade, n’est en rien antidémocratique. Bien au contraire, c’est un programme islamo-conservateur, très modéré, qui reconnaît l’économie de marché, le statut personnel de la femme et fait de la démocratie la pierre angulaire de la société tunisienne.

La campagne et le comportement d’Ennahda depuis la Révolution est difficilement attaquable. Ennahda a payé le plus lourd tribu face à la dictature de Ben Ali ; ses militants furent emprisonnés, torturés, exilés, assassinés.

Ils auraient pu revenir avec la volonté de faire payer le prix du sang versé. Il n’en fut rien.

Jusqu’à présent, ils ont respecté le process démocratique, ont joué un rôle constructif dans les instances de la Révolution, ont tenté de canaliser la radicalité de leurs bases militantes.

La réalité est que le peuple tunisien a fait le choix légitime et naturel de voter pour celles et ceux qui n’ont pas collaboré avec le régime kleptocratique de Ben Ali. Et aujourd’hui Ennahda ressemble plus à ce qu’en Occident nous appelons un mouvement conservateur qu’à un parti extremiste voulant transformer la Tunisie en nouveau Califat.

Et pourtant, l’utilisation massive du mot « islamiste » à la une de la presse mondiale va faire fondre les investissements directs étrangers en Tunisie et finir d’anéantir la manne touristique.

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