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5 novembre 2011

Dépenses de com': le nouveau scandale de Sarkofrance

Sur SARKOFRANCE

Il nous l'avait promis, juré, craché. Le directeur de cabinet de la présidence de la République, expliquait en 2009 à qui voulait l'entendre que les pratiques sondagières de l'Elysée avaient été normalisées. Deux ans plus tard, la Cour des Comptes nous dévoile comment le gouvernement tout entier dépense les deniers publics pour sa communication politique... ou le coaching de ses ministres par des conseillers élyséens.

Dépenses de com': le nouveau scandale de Sarkofrance
 
 
 
En 2008 déjà...
En juin 2009, la Cour des Comptes avait levé un sacré lièvre en épluchant les comptes de l'Elysée de l'année précédente: Patrick Buisson, conseiller d'opinion du Monarque, décoré de Légion d'Honneur dès septembre 2007 par son ami/employeur Nicolas Sarkozy s'était vu confier la supervision de sondages pour le compte de l'Elysée. Cette assistance,via sa société Publifact, valait 1,5 million d'euros d'argent public par an. Un autre sondeur, Pierre Giacometti , conseiller de campagne devenu conseiller présidentiel, était également richement rémunéré (358.000 euros par an), via sa société, pour de similaires prestations. Mieux, plus d'une centaine de sondages ainsi financés par l'Elysée étaient ensuite publiés dans la presse (le Figaro, LCI) sans mention du commanditaire élyséen. Enfin, c'était l'institut Opinionway qui avait récupéré, sans appel d'offre non plus, l'essentiel de ses sondages pour le compte de Buisson.
 
L'affaire était juteuse, la manipulation de l'opinion publique évidente.
 
Trois ans plus tard, certains croyaient l'affaire close. La plainte pour favoritisme déposée par l'association Anticor fut classée sans suite. Et le nouveau directeur de cabinet de l'Elysée - après le départ d'Emmanuelle Mignon pour le secrétariat général d'Europacorp, avait promis le ménage.
 
Bien sûr, quelques observateurs vigilants relevaient ici ou là de curieuses enquêtes. Comme cette dernière, relayée par le Figaro, sur le caractère (non)présidentiable de ... François Hollande: quel intérêt autre qu'électoral ? Ou cette autre étude d'OpinionWay, publiée par le Figaro, sur la prestation télévisée de Sarkozy le 27 octobre: l'institut avait trouvé 58% des Français téléspectateurs quand en réalité ils n'étaient que 25%. Ou cette autre encore, qualitative, sur les motivations des électeurs tentés par le Front National.
 
Dans son dernier rapport en juillet dernier, la Cour des Comptes s'inquiétait à nouveau: Patrick Buisson et Pierre Giacometti avaient signé l'an dernier de nouveaux contrats dont « la rémunération est désormais forfaitisée sur une base mensuelle de 18.538 euros pour l'une et 7.176 euros pour l'autre, soit un coût global annuel de 308.568 euros, plus élevé que ce que prévoyaient les dispositions antérieures mais avec un contrôle plus resserré des frais annexes (déplacements et restauration) ». Et la Cour jugeait impossible de mesurer « l'adéquation » des prestations fournies « avec leur rémunération ».
 
Coûteuse communication
Mercredi, le site Présidentielle2012 édité par France Télévisions publiait un autre rapport de la Cour des Comptes, 159 pages, remis le 17 octobre dernier à la Commission des finances de l'Assemblée nationale. Et les révélations qu'il contient sont la triste confirmation que les manipulations de l'opinion publique sont toujours à l'oeuvre en Sarkofrance. L'analyse de la Cour des comptes portait cette fois-ci sur les dépenses de communication des ministères. Elle a ciblé 10 activités: économie, finances et industrie (Lagarde puis Baroin); budget, comptes publics, fonction publique et réforme de l’Etat (Woerth, puis Baroin, puis Pécresse) ; défense et anciens combattants (Alliot-Marie, Juppé, Longuet); éducation nationale, jeunesse et vie associative (Darcos, Chatel) ; enseignement supérieur et recherche (Pécresse); culture et communication (Albanel, Mitterrand) ; affaires étrangères et européennes (Kouchner, Alliot-Marie, Juppé, Wauquiez) ; intérieur, outre-mer, collectivités territoriales et immigration (Besson, Hortefeux, Guéant) ; justice et libertés (Dati, Alliot-Marie, Mercier) ; et écologie, développement durable, transport et logement (Borloo puis Koscisuko-Morizet)
 
Entre 2006 et 2010, celles-ci ont flambé, passant de 95 millions d'euros à 133 millions d'euros, soit 41 % d’augmentation et 600 millions sur la période. 14% des sommes ont été engagées par les cabinets des ministres directement. En 2010, les dépenses de communication de ces 10 ministères ont totalisé 112 millions d'euros, pour l'essentiel concentrés sur les 3 plus gros ministères Défense (28 millions), Ecologie (33 millions) et Economie/Finances (20 millions).
 
En 2009, la Présidence avait planqué son budget de communication et sondages à Matignon. Seuls les études sur l'image personnelle de Nicolas Sarkozy restaient du ressort de l'Elysée. Pour le reste, le Service d'Informations du Gouvernement (SIG) a vu ses moyens progresser de 5,6 millions d’euros en 2009 à 27 millions en 2011. Et le tout, sans que les autres budgets de communication des ministères ne baissent. L'argument d'une meilleure centralisation et optimisation des dépenses au sein du SIG n'a convaincu personne: « l’augmentation des moyens duSIG ne s’est pas traduite par une diminution corrélative des budgets de communication des ministères». Au contraire, la Cour note que le projet de mutualisation des études et sondages a été abandonné.
 
En matière de communication, les dépenses d'achat d'espace ont concerné surtout la télévision (29% du total) et la radio (16% du total). La presse a bénéficié d'un coup de pouce, non reconduit, en 2009 (40 millions d'euros versus 20 millions l'année précédente). En télévision, TF1 a capté près de 60% des investissements pub TV, une part plus importante que sa stricte part de l'audience globale.
 
Des milliers de sondages
Le SIG dépense en moyenne 2,4 millions d'euros par an pour les seuls sondages et enquêtes d'opinion. Les ministères dépensent en plus entre 2 et 4 millions d'euros par an en sondages. 
 
Le SIG est ainsi destinataire de plus de 800 sondages par an, dont 700 via des abonnements à 8 instituts et une centaine supplémentaires qu'il a spécifiquement commandé (458 au total en 4 ans). En 5 ans de mandat Sarkozy, ce seront donc près de 2.600 sondages d'opinion commandés ou décortiqués par les services du premier ministre !
 
Depuis 2007, le nombre de sondages agréés par le SIG, une procédure obligatoire, décroît régulièrement. Mais, lucide, la Cour s'interroge : « Il n’est pas facile de déterminer si cette baisse correspond à une diminution effective du recours aux études et sondages ou à un contournement croissant des procédures d’agrément. » Globalement, les sondages pèsent peu dans les dépenses de communication (0,3% de l'ensemble), sauf « au sein du ministère de la défense (8 %), du ministère de l’éducation nationale (12 %) et des ministères économiques et financiers(11 %), où elles ont d’ailleurs fortement augmenté depuis 2006. Elles représentent également une part non négligeable (11 %) des dépenses du SIG.» 
 
Le recours aux prestataires externes est aussi épinglé par la Cour: « De manière générale, les relations entre les administrations et ces prestataires externes ne sont pas toujours conformes aux règles de la commande publique. Les règles de mise en concurrence sont parfois méconnues, sur le fondement d’une interprétation discutable du code des marchés publics. L’exécution des marchés et le contrôle du service fait ne sont pas toujours correctement assurés. L’urgence et la confidentialité qui caractérisent une partie de ces prestations expliquent, sans les justifier, certaines des pratiques constatées. » 
 
 
Drôles d'enquêtes aux ministères
Certains ministres se sont commandés des études sans rapport avec leur activité. La Cour y consacre un chapitre. Ces ministres ont suivi le mauvais exemple donné par Nicolas Sarkozy: « le financement, sur deniers publics, de sondages relatifs à l’image personnelle des ministres ou à des sujets éloignés de l’action du gouvernement, prête à discussion ».
 
Ainsi, Laurent Wauquiez s'est fait payer 15.284 euros d'études sur « la perception de l’image et de l’action du secrétaire d’Etat à l’emploi » (TNS Sofres, 2010), avec des questions sur « la notoriété et l’image du ministre (dynamisme, sympathie, courage, modernité, sincérité, etc.), la perception de sa politique par rapport à celle de ses prédécesseurs et sa sensibilité politique (droite libérale ou droite sociale)».
 
Quand elle était ministre, Rachida Dati a commandé deux enquêtes en juillet puis novembre 2007 sur sa propre image, intitulées « baromètre de suivi de l’opinion sur l’actualité du ministère de la justice et l’action du ministre » (coût total : 60 948,16 € TTC). « Le rapport d’analyse de la première vague était structuré en sept rubriques dont l’une concernait l’image du ministre ; à cet égard, les sondés étaient invités à dire, pour une série de qualificatifs (« volontaire », « travailleuse », « dynamique », « tenace », « ouverte au dialogue », « à l’écoute des préoccupations des gens »,« rassembleuse »…), s’ils s’appliquaient « plutôt bien ou mal à Rachida Dati, le ministre de la justice». Lors de la seconde vague, les questions portaient aussi sur "sur la manière dont les médias parlent de Rachida Dati depuis qu’elle est ministre de la Justice" ».
 
Les ministres Mitterrand, Alliot-Marie et Darcos ont eu recours à l'institut Mediascopie pour évaluer leurs prestations télévisées.
 
Quelques études sans rapport avec l'activité du ministre commanditaire ont été réalisées en réalité pour l'Elysée. Ainsi, Gérard Longuet, à peine nommé ministre de la Défense en avril dernier, a commandé une enquête sur « la progression du Front national ; le rôle du Premier ministre et du secrétaire général del’UMP ; le conflit entre François Fillon et Jean-François Copé ». »
 
Comme leur Monarque, les ministres sont friands de « conseil stratégique en communication », une catégorie de conseil qui recouvre un large éventail de prestations, comme le relève Mediapart : «recommandations opérationnelles, des coaching ou media-training, voire de l'assistance à la communication de crise ». 
 
Pierre Giacometti, conseiller profitable
Parmi ces prestataires, on y retrouve le fameux Pierre Giacometti, ancien patron d'Ipsos, conseiller de Nicolas Sarkozy et qui a monté une profitable affaire depuis mai 2007. Le conseiller élyséen a monté sa propre société en mai 2007, Giacometti-Péron. Et depuis, les affaires vont bien. 
 
Il a ainsi conclu deux contrats pour le compte du Premier ministre et de deux membres du gouvernement, en 2008 et 2009, qui « ont donné lieu, entre mai 2008 et juillet 2011, à des paiements d’un montant total de 694 059 € HT ». Et le tout... sans appel d'offre ! Fantastique ! 
 
Le ministère de l'intérieur, alors dirigé par Brice Hortefeux, a aussi fait travailler la société du conseiller du patron, pour 200.000 euros (« dont près de la moitié hors marché »). 
 
Le 12 novembre 2009, quelques jours après le lancement du fameux débat sur l'identité nationale, Eric Besson a commandé au même Giacometti du « coaching en image pour le ministre ». La commande initiale était pour une durée de5 mois et 105 248,00€. Une prestation reconduite pour le reste de l'année et 76.000 euros supplémentaires. 
 
Autre conseiller de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson préside la chaîne thématique Histoire, filiale de TF1. En mai 2008, cette dernière a reçu 100.000 euros de parrainage du ministère de la Culture. Un partenariat augmenté et reconduit pour les saisons 2009-2010 et 2010-2011. Ainsi, le ministère des affaires étrangères d'Alliot-Marie a fait appel à la société GALICIE Consulting SARL, pour un montant de 39 984 € HT sans appel d'offre.
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