Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Visiteurs
Depuis la création 1 378 945
Newsletter
7 novembre 2011

Pourquoi l'alliance entre PS et Front de gauche est essentielle

Yvon Quiniou - Tribune | Samedi 5 Novembre 2011 à 12:01

 Le Parti socialiste ne pourra accéder au pouvoir que s’il accepte de déplacer son centre de gravité idéologique vers cette « gauche de la gauche » et intègre certaines de ses propositions de rupture avec la logique libérale, analyse Yvon Quiniou, philosophe et soutien du Front de gauche. Faute de quoi, l'auteur de « L’homme selon Marx. Pour une anthropologie matérialiste » (Kimé), craint un retour de la « bête immonde » dont certains, à droite, seraient prêts à s’accommoder au nom de leur intérêt de classe.

 

Ainsi le PS a choisi François Hollande comme candidat à la présidentielle et tous les sondages le donnent probablement vainqueur. Mais rien n’est réglé pour la gauche dans son ensemble : il ne suffit pas de rejeter Sarkozy, il faut proposer une vraie politique de gauche qui ne se réduise pas à une vague alternance arrêtant la casse libérale de notre société, il faut engager une réelle alternative au libéralisme dont le PS seul ne semble pas porteur et sans laquelle un danger radicalement inédit pèse sur l’avenir de la société française.

Commençons par le danger, qui n’a rien d’imaginaire, hélas. Si par malheur, en l’occurrence par manque de courage autant que de conviction, un gouvernement dominé par les socialistes, refusant de prendre des mesures anti-libérales dans tous les domaines, décevait à nouveau les classes populaires touchées de plein fouet par le chômage, la précarité, l’appauvrissement, la souffrance au travail (pour ceux qui en ont), alors c’est la droite qui reprendrait le pouvoir en 2017, mais pas n’importe quelle droite : une droite qui, travaillée par un héritage idéologique ancien et le durcissant, s’allierait avec une extrême-droite réintégrée dans le jeu politique par Marine Le Pen à coups d’effets d’annonces démagogiques ou mensongers (défense du peuple, renforcement de l’Etat, protectionnisme nationaliste, voire souci de la laïcité).

Risquerait alors d’arriver ce que la deuxième moitié du 20ème siècle semblait, à ceux qui l’ont vécue, avoir définitivement écarté : un processus de fascisation rampante ou déclarée de la société, faisant fi de toutes les conquêtes socio-politiques du mouvement ouvrier grâce auquel l’histoire humaine avait alors progressé.

Un pareil risque, ce qui se passe dans d’ex-pays de l’Est comme la Pologne et la Hongrie nous le montre au présent, avec la destruction des services publics, les privatisations, l’accroissement des inégalités, la censure d’Etat, la réintégration des formes les plus intégristes de la religion dans le contrôle de l’espace public et des institutions politiques, etc. – tout cela correspondant bien à des tentations longtemps refoulées de la droite française, UMP comprise, et qui se donneraient alors libre cours.
De la social-démocratie au social-libéralisme
Le PS tel qu’il est peut-il être un rempart à lui tout seul à ce terrible danger ? Je ne le crois pas. Il appartient à une Internationale socialiste ou plutôt sociale-démocrate (et ce terme n’est pas pour moi une injure indélébile) qui a souvent, dans l’histoire, trahi son idéal revendiqué : adhésion à la guerre en 1914, soutien au colonialisme, rupture avec le marxisme pour le SPD allemand, politique libérale de Tony Blair avec en plus le déclenchement de la guerre en Irak, tournant de la rigueur en France en 1983, etc.

Mais surtout, dans la période qui a suivi la chute du système soviétique, la quasi totalité des partis sociaux-démocrates ont cru que le capitalisme avait définitivement triomphé et qu’il était devenu, à l’inverse de ce que pensait Sartre à propos du marxisme, « l’horizon indépassable de notre temps ». Ils ont alors abandonné leur identité politique originelle pour se convertir, dans la théorie et dans la pratique, au social-libéralisme, qui n’est qu’une variante du libéralisme lui-même.

Il suffit de voir comment les acquis de l’Etat-Providence sont partout laminés avec leur appui, quand ce n’est pas à leur initiative comme en Espagne. On les voit donc incapables d’imaginer, face à une crise du capitalisme sans équivalent et qui les a totalement pris au dépourvu intellectuellement, un autre monde possible au sein duquel ce n’est pas l’économie et la finance qui dicteraient leur loi à la politique pour le profit d’une minorité de nantis, mais l’inverse, conformément à ce qu’ils revendiquaient initialement.
une gauche offensive, dominée par le PS mais aiguillonnée par la gauche anticapitaliste
Certes le PS français fait un peu exception à cette involution : il comporte un courant antilibéral en son sein, il a pratiqué seul en Europe l’union avec les communistes et il n’exclut pas de s’allier avec le Front de gauche aujourd’hui. Reste qu’il ne le fera que si ce dernier compte électoralement dans le proche avenir – ce qui est de plus en plus probable – et il ne le pourra que s’il accepte de déplacer son centre de gravité idéologique vers cette « gauche de la gauche » et intègre certaines de ses propositions de rupture avec la logique libérale.

Car c’est de cela qu’il s’agit désormais : revenir à l’analyse du capitalisme et de sa mondialisation telle que Marx, avec son génie théorique, l’avait étonnamment anticipée, procéder à la critique renouvelée des dégâts humains qu’il génère dans tous les secteurs de l’existence, pour la plus grande masse, comme dans notre relation commune à la nature, dénoncer l’illusion que la croissance à tout prix résoudrait nos problèmes, remplacer enfin cet objectif aveugle autant qu’absurde par la notion de partage, de mise en commun (des richesses, de l’emploi, de la propriété, de la culture, des possibilités de vie, etc.).

Alors seulement une gauche offensive, même dominée par le PS mais aiguillonnée par la gauche anticapitaliste, attentive du coup à la misère économique, sociale, culturelle et existentielle du peuple et y remédiant, pourra nous éviter le risque du retour de la « bête immonde » dont certains, à droite, seraient prêts à s’accommoder au nom de leur intérêt de classe.
Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Derniers commentaires
Archives
Publicité