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8 décembre 2011

Hubert Vedrine :"On va voir si la BCE est vraiment indépendante de l'Allemagne"

Sur LA TRIBUNE

 

Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, livre son analyse sur l'accord passé entre Paris et Berlin lundi, et qui sera discuté par les chefs d'Etat et de gouvernement lors d'un conseil européen crucial qui se tiendra jeudi et vendredi à Bruxelles.

Copyright Reuters
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Qui de l'Allemagne ou de la France sort gagnant de l'accord de lundi ?
Il est prématuré de tirer des conclusions avant le conseil européen. Il faudra voir ce qui est repris ou amendé. Le président Van Rompuy a préparé d'autres propositions qui ne passent pas par une réforme du traité. Reste que l'élément principal du deal franco-allemand est caché : c'est la possibilité pour la Banque centrale européenne (BCE) de jouer un plus grand rôle. La France ne peut s'en vanter pour cause d'indépendance. Il faudra voir ce qui se passe la semaine prochaine. On verra alors si la BCE est vraiment indépendante... de l'Allemagne. S'il s'avère qu'elle ne joue pas un plus grand rôle, alors l'accord serait un marché de dupes car Paris a lâché sur plusieurs points : la révision du traité, sur l'automatisme des sanctions, sur un certain rôle pour la Cour de justice européenne.

Comment assurer un contrôle parlementaire démocratique sur la gouvernance économique ?
Le parlement européen est en porte à faux parce qu'il est taillé pour les Vingt-Sept. Une délégation de parlements nationaux de la zone euro serait plus adaptée compte tenu du fossé qui s'est creusé pendant quinze ans entre les élites européistes et la population. On rebrancherait mieux l'opinion sur l'Europe en faisant appel aux parlementaires nationaux. Sur ce sujet, on n'en est plus au concours Lépine. C'est le moment de décider. Il faudra voir les conclusions du Conseil. Le point important au bout du compte est de savoir qui a le dernier mot sur les budgets nationaux, qui dit : c'est acceptable ou pas. Est-ce les parlements, le système judiciaire ou les ministres des Finances ? On verra alors si nous sommes encore dans un système démocratique ou si nous sommes passés à autre chose.

L'Allemagne ne veut pas qu'on lui reproche ses excédents. Elle ne veut contrôler que les déficits des autres. La discussion sur la convergence économique n'est-elle pas biaisée de ce fait ?

Elle n'est pas biaisée mais elle est incomplète. L'ancien Chancelier Helmut Schmidt l'a dit au congrès du SPD : "nos excédents sont leurs déficits". Les Allemands n'ont pas intérêt à tuer la croissance quand les deux tiers de leurs exportations se font dans le reste de l'Europe. Or l'accord de lundi laisse de côté la question de la politique économique. De même que les deux critères de Maastricht laissaient de côté la question de la croissance parce que le moment de créativité européenne qui a vu naître l'union monétaire coïncidait avec une vague ultralibérale en Occident. On en est toujours là. Madame Merkel impose ses règles très strictes pour lutter contre l'inflation de Weimar. Cependant, le SPD est un peu plus sensible à ce sujet même s'il demande un assainissement budgétaire.

L'accord de lundi réserve à l'Allemagne un droit de veto dans le Mécanisme européen de stabilité (MES), à l'instar de celui accordé aux Etats-Unis au sein du Fonds monétaire international (FMI) après la seconde Guerre mondiale. Faut-il en déduire une forme de domination allemande ?

Comparaison n'est pas raison. La puissance de l'Allemagne est réelle mais elle est conjoncturelle et elle n'a rien à voir avec celle des Etats-Unis après 1945. Mais il est vrai que l'Allemagne a cherché à maximiser son avantage démographique depuis la réunification en augmentant son poids au Parlement et au Conseil. Le programme de la CDU demande encore plus en matière de représentation au parlement européen. Ces demandes allemandes ne sont pas scandaleuses mais nous ne sommes pas obligés de tout accepter.

 

Propos recueillis par Florence Autret - 08/12/2011, 11:06

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