Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Visiteurs
Depuis la création 1 378 952
Newsletter
1 janvier 2012

Moncef Marzouki: «Le chef, c’est le peuple»

Sur MEDIAPART

| Par Sophie Dufau et Edwy Plenel

Mediapart a rencontré Moncef Marzouki, mardi 27 décembre 2011, au Palais présidentiel de Carthage. Le tout nouveau président de la République tunisienne – il l'était depuis deux semaines seulement, son élection datant du 12 décembre 2011 – nous a reçu sans formalité, avec simplicité et cordialité. Après l'enregistrement de ses vœux d'espoir à l'adresse du peuple français, diffusés par Mediapart le soir du 31 décembre 2011 (les voir ou les revoir ici), il nous a accordé une petite heure d'entretien. Entrecoupée de vidéos des passages les plus significatifs, cet article en offre la restranscription intégrale.

A la fin de notre rencontre, il nous a invité à visiter une sorte de butte-témoin du régime précédent: entre musée et mausolée, tout un bric à brac d'objets, de tableaux et d'archives témoignant du règne de Habib Bourguiba avait été remisé dans une cave sous la dictature de Zine el-Abidine Ben Ali. Dominé par des portraits édifiants de Bourguiba, ce legs d'un pouvoir personnel est actuellement entassé dans l'arrière-scène du petit théâtre que comporte cet immense palais présidentiel. Vous pouvez visiter cet étonnant musée secret de Bourguiba en feuilletant notre diaporama exclusif, sous l'onglet "Prolonger" de cet article.

«Ici, c'est une prison six étoiles», nous a glissé le président Marzouki au moment de se séparer, en désignant la petite cour attenante à son bureau qui lui rappelle celle où il effectuait sa promenade au temps de la prison. Situé dans la banlieue nord de Tunis et isolé à la manière d'une petite ville fortifiée, ce palais symbolise à lui seul le défi qu'affronte le nouveau pouvoir tunisien, après un demi-siècle de pouvoir dictatorial, autoritaire et personnel. A la toute fin de notre entretien, le premier président d'une République tunisienne enfin libre n'a d'ailleurs pas hésité à nous confier ses craintes et ses doutes face aux responsabilités qui lui incombent aujourd'hui, à lui qui se définissait davantage comme «résistant à Ben Ali» que comme «opposant». Ce fut comme une réflexion à voix haute.

Moncef Marzouki: J'ai vraiment peur que cette fonction me transforme. J'ai dit une fois que j'allais transformer la fonction, mais j'ai trouvé que c'était un peu prétentieux… Etre dans ma situation est quelque chose d'assez particulier… J'ai l'impression que tout ce à quoi j'ai été habitué, tout ce que j'ai appris ne me sert plus à grand chose. Je dois vraiment me remettre à l'école, acquérir de nouvelles aptitudes, apprendre de nouveaux rôles, accepter un nouveau statut. Alors qu'est-ce qu'il reste? Il reste cette volonté qui a toujours été la mienne et qui m'a permis de traverser des décennies de tempêtes d'être toujours moi-même, c'est-à-dire de rester fidèle à des choses très simples, des valeurs très simples de dignité, de courage, de travail, d'abnégation… C'est à ça que je dois m'accrocher, qui doit être le fil conducteur: rester fidèle à ces valeurs, s'adapter en permanence à ces nouveaux défis, à cette nouvelle fonction et rester fidèle aux hommes et femmes qui m'ont aidé, aux martyrs. C'est avec cette fidélité à soi et aux autres qui nous ont porté que l'on continue à la fois à être soi-même tout en apprenant un nouveau métier. Et j'espère que je vais l'apprendre vite car il y va de l'intérêt du pays et de beaucoup, beaucoup de Tunisiens.

Dans ce pays, il faut redonner aux gens le sens de leur dignité, le sens de leur place. Après toutes les injustices pratiquées par un système inique, un système où une minorité vorace, cupide, mal élevée, vulgaire, s'est accaparé les richesses, il a suffi de lever un peu le frein pour qu'explosent toutes les demandes de réparation des torts qui ont été portés, que ce soit au plan économique, social ou psychologique.

C'est une période extrêmement chaotique, mais qui recèle un ordre nouveau (je sais que chez vous ce mot a une connotation fasciste), mais ce chaos porte en lui de nouvelles structures, de nouvelles organisations qui vont probablement nous étonner, nous surprendre, y compris nous, les hommes politiques, qui croyons dominer, orienter… et qui sommes issus de ce processus de réorganisation à partir du chaos.

Tout ce que j'espère, c'est que ces nouvelles organisations qui vont émerger seront plus stables, plus justes et plus belles, sur le plan ethique et esthétique. Je vais tenter d'accompagner tout cela, sans grande prétention sur la capacité à organiser le chaos, à maitriser cette dynamique extraordinaire, mais avec l'immense honneur de me dire que je fais parti de ce processus de re-création, de restructuration de tout un pays, peut-être plus tard d'une nation et mon dieu, c'est magnifique…

Et en même temps, c'est quelque chose de terrifiant. Je ne sais pas si vous comprenez… Car on a l'impression que ce sont des mécaniques d'une force qui vous dépassent, qui sont capables de vous broyer, mais bon… il faut faire avec. (...)

Lire la suite...

 

 
Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Derniers commentaires
Archives
Publicité