Amin : Que proposez-vous de concret et d’inédit pour enrayer le chômage ?
La grande maladie de l’économie française, c’est le “précariat”, la précarité du salariat. Une première mesure d’urgence peut être prise : la titularisation des 850 000 précaires de la Fonction publique. Ensuite, je veux mettre des plafonds. Pas plus de 10% d’emplois précaires dans les petites entreprises, 5% dans les grandes. En stabilisant ainsi près de deux millions de personnes, on va augmenter la consommation, donc stimuler l’activité et créer de l’emploi.
Il faut se demander de quoi nous avons besoin : des milliers de services à la personne ne sont pas rendus, des milliers d’activités industrielles ne sont pas accomplies. Enfin, pour relocaliser l’industrie, il faut une méthode de protectionnisme européen

 

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Antoine : Vous proposez une augmentation du Smic à 1 700 euros. N’avez-vous pas peur de pénaliser les PME ?
C’est une bonne question : parfois, ce sont mes camarades qui me la posent. Mais de quoi parlons-nous ? Passer le Smic à 1 700 euros brut, c’est l’augmenter de 300 euros. Dans une petite entreprise où vous avez deux ouvriers, il faut trouver 600 euros de plus de chiffre d’affaires par mois. Vous trouvez que c’est écrasant ? Celui qui bénéficiera de cette augmentation va consommer. Et en conséquence faire tourner le commerce.
C’est la clé de tout : en mai, on va voter pour ou contre la relance. Tous les partis, à l’exception du Front de gauche, sont sur une politique d’austérité. Je ferai le contraire : augmentation du pouvoir d’achat et de la dépense d’Etat pour relancer la machine.

Julien : Quelle est votre position sur la TVA sociale ?
Je suis absolument contre. La TVA sociale, ça consiste à dire que l’entreprise va externaliser les coûts humains. Ce qui était autrefois à la charge de la richesse produite dans l’entreprise passe à la collectivité. Tout le monde paie. Et qui paie le plus ? Les petits salaires. Je ne suis pas d’accord. La cotisation sociale doit rester attachée à la production de la richesse.

Amin : Un sommet social se tient mercredi à l’Elysée. Qu’en attendez-vous ?
C’est une comédie. Fillon veut voir s’il n’y a pas un moyen de s’arranger sur la TVA sociale et deux ou trois idées aussi cruelles que stupides. Il n’en sortira rien. C’est bien qu’on donne à voir, en les recevant à l’Elysée, que les syndicats ne sont pas des hors la loi, mais nous ne nous laisserons pas duper. S’il fallait discuter, c’était lors des retraites.


Véra : Comment comptez-vous réformer le système scolaire ? Suffit-il de recréer les postes supprimés ?
Déjà, il faut le faire. Nous sommes en progression démographique, donc nous avons besoin d’enseignants, qu’il faut former tôt et longtemps. J’aimerais qu’ils viennent d’un peu tous les milieux. Quand j’étais jeune, vous alliez dans les écoles normales à 16 ans et vous étiez payé. Dans les milieux populaires, c’est une condition pour choisir un métier. Je suis d’ailleurs pour développer l’enseignement professionnel.
Autre chose : on va regarder ce qu’il y a dans les programmes. Je ne suis pas d’accord pour que l’histoire soit supprimée dans les séries scientifiques. Ni pour qu’on l’enseigne par thèmes et non plus de façon chronologique, tant et si bien qu’on met dans le même sac nazis et communistes. La vision idéologique de droite et même d’extrême droite qui a été impulsée par Nicolas Sarkozy doit être expurgée des programmes.

Antoine : Eric Cantona a relancé le débat sur le mal-logement. Vous, que comptez-vous faire ?
J’espère vous convaincre d’une méthode. Je romps avec le système, mais ma radicalité est concrète : j’essaie de faire des réponses précises. Combien faut-il de logements ? La Fondation Abbé-Pierre dit un million. Divisés par une mandature, ça fait 200 000 logements à créer par an. Les maires qui ne respecteraient pas la loi seront cruellement punis. Je prendrai aussi des mesures d’urgence. D’abord, la réquisition des logements vides. Ensuite, la baisse des loyers. On prend une zone et on calcule quelle est sa moyenne. Tout ce qui est au-dessus, on le rabat.

Laurie : Quelle politique
mettre en œuvre pour lutter contre l’augmentation des actes de violence dans notre société ?
On nous casse les pieds avec le dealer de banlieue. Mais c’est le crime organisé qu’il faut foudroyer ! Tapez-le et la délinquance ordinaire reculera. Je dis : un, prévention. Il faut remettre en place tous les dispositifs qui ont été abandonnés. Deux, répression méthodique. Et trois, réparation : il faut aider ceux qui ont été victimes à reprendre pied.

Amin : Ne craignez-vous pas de faire les frais du vote utile ?
Si c’est comme ça, vous voyez bien dans quelle impasse on va se trouver. D’ailleurs, François Hollande joue du vote utile. Il ne présente aucune proposition. Il lui suffit de dire : “Si ce n’est pas moi, ça va être le désastre.” Le vote utile, c’est le vote futile. Ils utilisent Marine Le Pen pour faire du maintien de l’ordre politique : comme vous en avez peur, il faut voter pour nous. Mais si vous êtes de gauche et que vous votiez non, c’est avec moi que ça se passe.

Julien : Si le PS gagne en 2012 et que vous soyez appelé au gouvernement, est-ce que vous accepterez ?
Si je gagne, il y aura des ministres socialistes dans mon gouvernement. Mais je n’irai en aucun cas dans un gouvernement autre que celui que je dirigerai moi-même, par respect pour ceux qui auront voté pour moi. Je n’ai de toute façon aucune confiance dans le programme actuel de François Hollande. Papandréou en Grèce, Socrates au Portugal, Schröder en Allemagne... On a vu ce que les socialistes ont fait dans tous les pays. Je n’irai jamais mettre la main à une politique pareille.

Julien : Ne craignez-vous pas que votre côté fort en gueule vous joue des tours en tant que candidat à l’Elysée ?
Il n’y a pas de stratégie 100 % gagnante. J’ai longtemps essayé le contraire : j’ai écrit onze livres, prononcé des tas de discours. Et on m’a découvert quand ? Il y a trois ou quatre ans, quand j’ai trouvé la faille du système médiatique. J’ai construit mon message. Aujourd’hui, je parle pour cette masse de gens de gauche qui n’en peut plus et qui a l’impression que plus personne ne parle pour elle. Je gagne tous les jours du monde.
Je ne sais pas si ce que je fais va finir par remporter la partie, mais je sais qu’on sera prêts. Le pire pour moi, ce serait qu’il nous arrive ce qui est arrivé aux Italiens : plus de gauche !

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