Emmanuel KESSLER
Un industriel allemand qui croit à l’industrie française et à son rebond. Professeur Edwin KOHL, bonsoir.
Edwin KOHL, président de MIA ELECTRIC
Bonsoir.
Emmanuel KESSLER
Je suis très heureux de vous recevoir sur le plateau de LCI. Vous êtes le président de MIA ELECTRIC. Alors, il faut savoir que, MIA ELECTRIC, c’est la reprise d’une partie des activités d’un constructeur historique qui était HEULIEZ sur le site, historique lui aussi, de Cerizay, dans les Deux-Sèvres, donc dédié à la voiture électrique. Au départ – vous êtes très connu en Allemagne. Vous êtes un patron très connu. Vous avez fait fortune dans l’industrie pharmaceutique – qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser à cette activité, à la voiture électrique et à Cerizay ?
Edwin KOHL
Je cherchais un vrai véhicule électrique et je voulais acheter des véhicules pour mon groupe en Allemagne. J’ai cherché, j’ai cherché et j’ai trouvé à Cerizay, en Poitou-Charentes…
Emmanuel KESSLER
Oui. Vous êtes allé jusque là ?
Edwin KOHL
Oui. J’ai trouvé monsieur Murat GÜNAK qui travaillait là. C’est l’ancien designer en chef de VOLKSWAGEN et c’est lui qui a développé, chez HEULIEZ à l’époque, un vrai véhicule électrique. Alors, j’ai fait sa connaissance. Il m’a dit « Venez à Cerizay ». J’ai pris l’avion, je suis allé à Cerizay et j’ai trouvé vraiment pas seulement un véhicule électrique qui m’a plu, qui était vraiment extraordinaire parce que c’était un vrai véhicule électrique, j’ai aussi trouvé une équipe avec un très grand savoir-faire.
Emmanuel KESSLER
Mais, à l’époque, eh bien, il y avait un vrai problème puisque on a cru que ça allait peut-être disparaître et donc, c’est là que vous vous êtes engagé financièrement pour reprendre l’activité. 50 millions de capital, pratiquement.
Edwin KOHL
Oui.
Emmanuel KESSLER
Avec une petite participation de la Région Poitou-Charentes…
Edwin KOHL
C’est ça.
Emmanuel KESSLER
Madame Ségolène ROYAL, qui est au Conseil d’administration aujourd’hui.
Edwin KOHL
Oui, c’est elle qui, d’abord, qui a sauvé la société. Et puis, en 2009 et puis en 2010, je suis entré dans le capital.
Emmanuel KESSLER
Il y avait 35 salariés à l’époque.
Edwin KOHL
Oui, c’est ça.
Emmanuel KESSLER
Aujourd’hui ?
Edwin KOHL
On est dans les 320 à peu près.
Emmanuel KESSLER
320. Donc, une… Et beaucoup d’ingénieurs, une forte recherche développement.
Edwin KOHL
Voilà. On a dans les 80-85 ingénieurs.
Emmanuel KESSLER
Où en est la production de cette voiture électrique aujourd’hui, la « Mia », puisque c’est le nom que vous avez donné ? On ne dit plus « Heuliez », aujourd’hui, c’est « Mia ».
Edwin KOHL
Ce n’est plus Heuliez, c’est « Mia ».
Emmanuel KESSLER
Oui. Où en est la production aujourd’hui ?
Edwin KOHL
Alors, on a commencé la production au mois de novembre-décembre. On produit dans les 200-250 véhicules par mois et on vend 200-250 mais on voudrait quand même augmenter, on voudrait produire 500 et puis 1000 le mois.
Emmanuel KESSLER
Vous disiez « un vrai véhicule électrique ». Alors, quelles sont les caractéristiques ? Il y a une originalité, c’est que, dans la version, on va dire standard, trois places assises et le conducteur et au milieu.
Edwin KOHL
Oui. Alors, un véhicule électrique, ce n’est pas un véhicule pour faire Paris-Bordeaux, c’est pour faire Paris-Paris. Donc, c’est un véhicule pour le cycle urbain et, là, il faut avoir un véhicule qui est vraiment idéal pour la ville donc. Ce qui est nouveau chez nous, on a deux portes coulissantes et le conducteur au milieu. Donc, on peut descendre, on peut sortir de la voiture des deux côtés. En ville, on n’a pas de place.
Emmanuel KESSLER
Et, en plus, vous pourrez vendre la même version même si vous exportez en Grande-Bretagne.
Edwin KOHL
Voilà. C’est ce qu’on va faire.
Emmanuel KESSLER
15.000 euros, à peu près, en France, le prix moyen de ce véhicule…
Edwin KOHL
Oui…
Emmanuel KESSLER
Avec les aides de l’Etat, avec les aides de l’Etat…
Edwin KOHL
Oui, oui.
Emmanuel KESSLER
Est-ce que vous considérez que BOLLORE, avec sa « Blue car », c’est votre concurrent ou est-ce que vous pourriez travailler ensemble à des développements industriels, sur les batteries par exemple ?
Edwin KOHL
D’abord, il faut rendre populaires les véhicules électriques. Donc, tous les bonnes solutions sont bonnes, sont bienvenues. Bien sûr, en fin de compte, on sera concurrents mais, notre marché, c’est le marché européen. Et, en plus, on va essayer de faire construire le véhicule en Chine, au Mexique, au Brésil. Donc, on a un marché global pour nous, devant nous.
Emmanuel KESSLER
Oui mais, maintenir la production en France, pour vous, c’est un impératif ?
Edwin KOHL
Oui, bien sûr, bien sûr. Ici, on fait la recherche, on fait le développement et on va aussi offrir au Salon de Genève la voiture en version de luxe, la « Mia Paris », et on va offrir le véhicule avec une pile à combustible pour augmenter l’autonomie. Donc, tout cela se fait en France, bien sûr.
Emmanuel KESSLER
En tant qu’industriel allemand, est-ce que vous pensez que c’est plus difficile, aujourd’hui, de produire en France, avec des ouvriers français, qu’en Allemagne, avec des ouvriers allemands ?
Edwin KOHL
Alors, je cherchais un véhicule électrique et je n’aurais jamais trouvé ça en Allemagne. Donc, je l’ai trouvé en France. J’ai trouvé le savoir-faire en France. J’ai trouvé des très bons ingénieurs en France et on a une équipe formidable à Cerizay. Donc, on a une équipe motivée. Je ne vois aucune différence entre la France et l’Allemagne.
Emmanuel KESSLER
Oui mais il y a tout un débat, vous le savez, en France, sur les charges sociales, la compétitivité. Est-ce que la France doit suivre le modèle allemand ?
Edwin KOHL
Quant aux « mittlestands », oui.
Emmanuel KESSLER
Qui sont tout ce tissu de moyennes entreprises…
Edwin KOHL
La France, la France manque de PME, bien sûr, et la France manque surtout aussi du crédit pour les PME. Moi, je n’ai pas reçu des crédits des banques françaises. Donc, c’est, ce sont mes propres fonds avec lesquels je finance…
Emmanuel KESSLER
Vous avez eu du mal à trouver des financements en France.
Edwin KOHL
J’ai eu du mal à trouver du financement en France, oui.
Emmanuel KESSLER
Oui. Est-ce qu’il y a une différence dans la culture administrative entre la France et l’Allemagne ?
Edwin KOHL
Enfin, la France est un pays où je dois faire énormément de signatures. Donc, c’est un pays suradministré. Donc…
Emmanuel KESSLER
Trop de paperasseries ? Il y en a moins en Allemagne, c’est plus léger ?
Edwin KOHL
Absolument. Oui, c’est plus léger.
Emmanuel KESSLER
Quel est le coût de l’utilisation de la « Mia » en ville ?
Edwin KOHL
Ca, c’est très important. La « Mia » consomme dix kilowattheures sur cent kilomètres. Ca veut dire, en France, on consomme un euro et on roule cent kilomètres et, ça, c’est imbattable.
Emmanuel KESSLER
Merci à vous, professeur Edwin KOHL, président de MIA ELECTRIC, d’être venu ici à Paris pour nous parler de « Mia » et d’une industrie française qui innove, qui produit en France et qui marche, qui va marcher de mieux en mieux. Merci. L’info continue sur LCI.