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9 février 2012

La fraude et les niches fiscales se portent bien

Sur SUD OUEST

Le rapport annuel de la Cour des comptes consacre une large place à la fiscalité, une thématique au cœur de la campagne présidentielle. Et il y a de quoi faire.

La loi Girardin, dispositif d'aide fiscale à l'investissement outre-mer, a eu pour effet de voir fleurir des appartements neufs inadaptés à la population locale, au détriment de logements sociaux.
 
 
La loi Girardin, dispositif d'aide fiscale à l'investissement outre-mer, a eu pour effet de voir fleurir des appartements neufs inadaptés à la population locale, au détriment de logements sociaux. (AFP THOMAS COEX)
 
 
 
Entre 25 et 50 milliards d'euros. D'une évaluation à l'autre, les chiffres varient parfois du simple au double. Mais en dépit de ces écarts, le constat ne souffre guère la contestation. La fraude fiscale se porte comme un charme dans l'Hexagone, bien que les effectifs dédiés aux vérifications (14 100 agents) soient épargnés par la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. À l'heure où les déficits publics ne cessent de se creuser, l'administration fiscale n'est pas en ordre de bataille pour répondre au défi d'une fraude multiforme et de plus en plus complexe.

Dans son rapport annuel, dévoilé hier, la Cour des comptes plaide pour une « refonte en profondeur de l'organisation du contrôle fiscal ». En 2010, la juridiction financière relevait déjà que priorité était donnée « aux erreurs et aux fraudes les plus faciles à détecter et à sanctionner ». Deux ans plus tard, le diagnostic s'inscrit toujours dans la même tonalité. Les limiers du fisc ne donnent guère la migraine aux 150 000 Français les plus aisés. La probabilité pour un contribuable fortuné de faire l'objet d'un examen approfondi de sa situation fiscale personnelle est d'une fois tous les quarante ans !

Énorme fraude à la TVA

Pilotage défaillant, outils informatiques dépassés, querelles de chapelles, rigidité des services… Le scanner de la Cour des comptes est sans grande complaisance. Le contrôle fiscal se heurte certes à l'opacité des paradis fiscaux et au refus de coopération de certains pays étrangers. Mais, fondamentalement, ses structures et ses méthodes de travail qui datent des années 1980 ne sont plus adaptées à l'internationalisation et à la dématérialisation des échanges. Comme en témoigne l'énorme arnaque à la TVA sur les quotas de carbone.

« C'est la fraude fiscale la plus importante jamais enregistrée en France en un temps aussi bref », déplore la Cour des comptes. En l'espace de neuf mois, l'administration fiscale a versé à des sociétés, qui ont aussitôt disparu, près de 1,6 milliard d'euros de crédits de TVA totalement indus. Ces « restitutions » s'effectuaient par le canal de Bluenext, la Bourse des quotas de carbone créée à Paris et qui a notamment pour actionnaire la Caisse des dépôts et consignations, le bras séculier de l'État français.

Carrousels

Le système mis en place s'inscrivait dans le cadre du protocole de Kyoto et des engagements pris en matière de limitation des gaz à effet de serre. Les 11 000 entreprises européennes les plus polluantes s'étaient vu attribuer un plafond annuel de rejets. Celles qui le dépassaient devaient acheter sur le marché les quotas manquants mis en vente notamment par les « bons élèves » qui détenaient des droits d'émission. Mais les conditions de perception de la TVA n'ayant pas été sécurisées par l'Union européenne, des escroqueries à grande échelle sont alors apparues sous la forme traditionnelle de « carrousels ».

Une société A achetait des quotas dans un État membre puis les revendait, hors taxes, à une société B immatriculée en France, celle-ci les cédant ensuite à une société C en lui facturant la TVA. À la fin, C réclamait au fisc la TVA que B n'avait pas versée. Le manège pouvait se répéter plusieurs fois, les sommes détournées étant ensuite transférées électroniquement, sans espoir de retour, en Géorgie, au Monténégro ou à Hongkong ! Cette fraude massive a été rendue possible par un défaut de réglementation et l'absence de vigilance, commune aux différentes autorités. Mais elle illustre aussi cruellement l'incapacité du fisc à la prévenir et la lenteur coupable de son temps de réaction.

Le gouffre de l'outre-mer

La TVA perdue corps et biens des quotas de CO2, les défaillances récurrentes du contrôle fiscal ne sont pas les seuls boulets à lester les caisses de L'État. Soucieuse d'équilibre, la Cour des comptes sonne aussi la charge contre la niche fiscale Girardin, l'une des plus ruineuses pour les finances publiquesVotée en 2003 et destinée à relancer l'investissement productif outre-mer, elle a ensoleillé les déclarations de revenus des contribuables aisés de la métropole qui ont pu certaines années réduire leurs impôts de 50 %, voire davantage. Mais à quel prix pour la collectivité !

Entre 2005 et 2011, la niche Girardin a privé le budget national de près de 7 milliards d'euros de recettes. Avec le sens de la litote qui les caractérise, les magistrats de la Cour des comptes évoquent l'efficacité « incertaine » de ces mesures qui privilégient souvent la rentabilité sur les besoins réels des populations locales. L'excès d'investissement défiscalisé s'est ainsi traduit par l'accroissement inutile du parc des camions aux Antilles, l'apparition de cimetières d'hôtels et d'une offre excédentaire de bateaux de plaisance. Pis, en renchérissant le coût du foncier, la construction de logements sociaux s'est tarie au profit d'appartements neufs totalement inadaptés à la population locale. D'où l'urgence, selon la Cour des comptes, de renvoyer le dispositif Girardin… à la niche.

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