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17 février 2012

L'Allemagne a-t-elle une dette de guerre envers la Grèce ?

Sur LE MONDE

 

Extrait:

... La bataille de chiffres qui entoure cette question est à la mesure de la complexité de la situation.

Nous sommes en 1941. Le 6 avril, la Wehrmacht envahit la Grèce. Elle y restera jusqu'en 1944. Dans son ouvrage Dans la Grèce d'Hitler, l'historien Mark Mazower estime que la Grèce est le pays qui a le plus souffert du joug nazi – derrière la Russie et la Pologne – et qu'elle a subi un "pillage systématique de ses ressources". En 1941, les nazis imposeront en outre à la Banque centrale grecque, comme ils l'ont fait dans d'autres pays, un prêt de 476 millions de reichsmarks au titre des contributions à l'effort de guerre.

Cet "emprunt" ne sera jamais remboursé, pour la simple raison qu'il ne figure pas dans l'accord de Londres de 1953 qui fixe le montant des dettes extérieures contractées par l'Allemagne entre 1919 et 1945. Afin de ne pas répéter les erreurs du traité de Versailles et de ménager ce nouvel allié de l'Ouest face à la menace communiste, les Etats-Unis consentent à réduire la dette de l'Allemagne de moitié. Les victimes de l'Occupation sont priées d'oublier leurs demandes de réparation. L'objectif stratégique des alliés est d'édifier une Allemagne forte et sereine, plutôt que ruinée par les dettes et humiliée.

Washington obtient surtout des pays bénéficiaires du plan Marshall qu'ils renoncent à exiger immédiatement leur dû, repoussant d'éventuelles réparations à une réunification de l'Allemagne dans le cadre d'un "traité de paix". "A partir de là, l'Allemagne s'est portée comme un charme pendant que le reste de l'Europe se saignait aux quatre veines pour panser les plaies laissées par la guerre et l'occupation allemande", résume l'historien de l'économie allemand Albrecht Ritschl, professeur à la London School of Economics, dans un entretien à Der Spiegel (en version française dans Courrier international).

L'ALLEMAGNE A FAIT TROIS FOIS DÉFAUT

Ce sursis permettra à la RFA de connaître un véritable "miracle économique", le fameux Wirtschaftswunder pendant quatre décennies. Et au moment de passer à la caisse, Bonn s'arrangera pour ne pas honorer ses engagements. Le chancelier Helmut Kohl obtient en effet que le traité de Moscou de 1990 entérinant la réunification ne porte pas la mention "traité de paix", une des conditions figurant dans l'accord de 1953 pour d'éventuels remboursements. "C'était un moyen de continuer à fuir les réparations", souligne le Süddeutsche Zeitung (article traduit en français). En approuvant ce traité, la Grèce a perdu, aux yeux de Berlin, toute légitimité à réclamer des réparations. "Dans la pratique, l'accord de Londres de 1953 libéra les Allemands de leur obligation de rembourser leurs dettes de guerre", résume le quotidien allemand.

En d'autres termes, l'actuel champion économique de la zone euro a fait trois fois défaut au cours du XXe siècle : dans les années 1930, en 1953 et en 1990. "L'Allemagne n'a pas réglé ses réparations après 1990 – à l'exception des indemnités versées aux travailleurs forcés, poursuit Albrecht Ritschl dans Der Spiegel. Les crédits prélevés de force dans les pays occupés pendant la Seconde Guerre mondiale et les frais liés à l'Occupation n'ont pas non plus été remboursés. A la Grèce non plus." Or "personne en Grèce n'a oublié que la République fédérale devait sa bonne forme économique aux faveurs consenties par d'autres nations", insiste-t-il.

 

L'avocat allemand Joachim Rollhauser lit une déclaration devant l'ambassade d'Allemagne à Athènes lors d'une manifestation de citoyens allemands réclamant des réparations immédiates pour toutes les victimes grecques du nazisme, le 6 juin 2011.

L'avocat allemand Joachim Rollhauser lit une déclaration devant l'ambassade d'Allemagne à Athènes lors d'une manifestation de citoyens allemands réclamant des réparations immédiates pour toutes les victimes grecques du nazisme, le 6 juin 2011.AFP/LOUISA GOULIAMAKI

En tout et pour tout, la République fédérale n'a dédommagé qu'une fois la Grèce : 115 millions de deutsche Marks (environ 58 millions d'euros). C'était en 1960, dans le cadre d'un accord global avec plusieurs pays européens et Israël. Depuis cette date, l'Allemagne estime s'être acquittée de sa dette. Mieux encore, elle n'hésite pas à rappeler qu'elle a "payé depuis 1960 environ 33 milliards de deutsche Marks d'aides à la Grèce, à la fois de façon bilatérale et dans le cadre de l'Union européenne". A quoi il faut ajouter que la Grèce a bénéficié de plus de 700 millions de dollars de l'époque dans le cadre du plan Marshall.


COHN-BENDIT : UNE QUESTION "MORALE"

Sauf qu'en cette période de crise continentale, tout le monde, y compris en Allemagne, ne se satisfait pas des immenses faveurs accordées à Berlin au lendemain de la guerre. Asphyxiés par leurs dettes et pressés par Berlin d'enchaîner les plans d'austérité, les Grecs sont de plus en plus nombreux à vouloir faire partager une partie de leur fardeau à leurs anciens envahisseurs.

La somme de 162 milliards d'euros évoquée va ainsi bien au-delà du seul remboursement du prêt forcé, qu'on estime dans une fourchette comprise entre 54 milliards et 81 milliards d'euros. Elle englobe en outre les 108 milliards évalués lors de la Conférence internationale de paix à Paris pour la réparation des dommages causés par les troupes nazies sur l'infrastructure économique du pays.

Daniel Cohn-Bendit, lui, se place sur un "plan moral" : "Les Allemands, qui se disent vertueux, estiment que les Grecs ont péché et qu'ils doivent payer. Or, ceux qui ont le plus péché, ce sont tout de même les Allemands, dont la dette a pourtant été effacée parce que les Américains y voyaient un intérêt stratégique. ...

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