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20 mars 2012

Portrait de Mélenchon en rassembleur passionné

Sur courrier international


Tribun enflammé, meneur charismatique et fervent anticapitaliste, le candidat du Front de gauche séduit. Pour le correspondant du quotidien argentin Página 12, il faudra désormais compter avec lui. Un point de vue conforté par la mobilisation réussie du 18 mars, place de la Bastille.

19.03.2012 | Eduardo Febbro 

Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent (à droite), secrétaire national du Parti communiste, chantent la Marseillaise place de la Bastille, à Paris, le 18 mars.

Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent (à droite), secrétaire national du Parti communiste, chantent la Marseillaise place de la Bastille, à Paris, le 18 mars.

Ses idées, soit on y adhère immédiatement, soit on y est allergique. Jean-Luc Mélenchon est sorti de l'ombre et il occupe désormais le devant de la scène : à l'heure actuelle, il est crédité de plus de 10 % des intentions de vote. Cet exploit, il le doit essentiellement à la crise, à la mise au jour du vrai visage du capitalisme parlementaire - soumis aux oligarchies financières -, à la conviction dont il fait preuve, ainsi qu'à la force de ses arguments, marqués par l'insolence, l'insoumission et une rhétorique politique à contre-courant.

Il doit également son ascension au succès de Qu'ils s'en aillent tous [Flammarion], son livre, inspiré du désastre financier qui a secoué l'Argentine en 2001 [le titre fait référence à un slogan populaire en Argentine à cette époque]. C'est l'un des essais politiques les plus vendus en France.

Jean-Luc Mélenchon et le Front de gauche ont réussi à se faire une place quelque part entre le parti socialiste et l'extrême gauche. Le candidat défend ses idées avec la pugnacité d'un lion. Râleur mais généreux, à la fois agressif et humaniste, malin sans être roublard, il a conquis les classes populaires et les jeunes, qui remplissent les salles de meetings à travers le pays. A chaque fois, 5 000, 7 000 et même parfois 10 000 personnes se déplacent, un record historique pour la gauche radicale française anti-capitaliste.

Le Front de gauche est le résultat concluant de la fusion de plusieurs mouvements de la gauche radicale auparavant dispersés. Jean-Luc Mélenchon est un homme politique hors du commun, qui s'inscrit dans un système politique extrêmement réglementé.  Il parle à la population de ce que personne n'évoque : ses problèmes. Le chômage, la précarité, l'insécurité, les droits syndicaux, la mobilité, la garde des enfants pour ceux qui travaillent - une véritable mission impossible -, et bien sûr, ses diatribes incendiaires contre le libéralisme. Il martèle qu'il faut lutter sans cesse contre la finance, car c'est le seul moyen de la faire reculer. Son slogan simple - "Prenez le pouvoir"-, son discours impertinent, sa croisade enflammée contre l'extrême droite et la mise en scène de la parole populaire lui ont permis de grimper en flèche dans les sondages.

Mélenchon s'adresse au peuple : au travailleur manuel, au cheminot, au garçon de café, à l'ouvrier qui passe deux heures dans les transports en commun pour arriver à l'usine, dont la femme est au chômage et qui doit élever et nourrir deux enfants. Il parle aux exclus du système bancaire, à ceux qui finissent le mois avec quelques centimes en poche. Atypique. "La lutte contre la précarité à toujours été le but de l'humanité," affirme Jean-Luc Mélenchon. Et sa stratégie fonctionne : "Le premier média du peuple, c'est le peuple lui-même," déclare, non sans ironie, celui qui veut assurer "la conjonction entre les luttes syndicales et politiques".

Lorsqu'il s'adresse à une salle comble, où tous le fixent, les yeux pleins d'espoir, cet ancien ministre socialiste réussit à conquérir les cœurs : "Entre le faible et le fort, c'est la loi qui protège et la liberté qui opprime". Il arrive que dans les démocraties libérales, le franc-parler soit associé au populisme, mais Jean-Luc Mélenchon sait aussi jouer avec les symboles : le 18 mars, il a organisé un rassemblement place de la Bastille avec ce slogan "Reprenons la Bastille". Le lieu est l'emblème de la Révolution française de 1789 et la date coïncidait avec l'anniversaire du début de la Commune de Paris, qui a éclaté en 1871. Le peuple est mécontent et Jean-Luc Mélenchon arrive à point nommé.

Son style franc et belliqueux à l'égard des élites, sa dénonciation du patronat et de l'Europe ultralibérale dévoreuse de salaires et de rêves lui confèrent un succès bien plus grand que ce qu'il pouvait espérer : avec les 10 % que lui prédisent les sondages, il fait plus que tous les candidats de l'extrême gauche réunis en 2007.

Son programme esquisse une sorte de société idéale : 100 milliards d'euros d'impôts supplémentaires repris aux riches, aux revenus de la finance et aux entreprises, un salaire minimum de 1700 euros, des emplois à vie, la retraite à 60 ans et zéro pauvreté. "Vous allez payer, messieurs-dames les riches !" lance-t-il dans ses discours. Avec la crise, l'ultralibéralisme de Sarkozy et l'exemple de la Grèce, du Portugal, de l'Irlande et de l'Espagne, une brèche s'est ouverte pour le discours du Front de gauche.

 

Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent (à droite), secrétaire national du Parti communiste, chantent la Marseillaise place de la Bastille, à Paris, le 18 mars.

Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent (à droite), secrétaire national du Parti communiste, chantent la Marseillaise place de la Bastille, à Paris, le 18 mars.

En six mois d'actions et de campagne, il a réussi à rassembler un électorat dispersé et même à détrôner dans les sondages l'extrême gauche du NPA, le Nouveau Parti Anticapitaliste. L'ascension du Front de gauche a également conduit le candidat socialiste à revoir certaines orientations de son programme. Hollande ne peut pas se passer d'un Mélenchon crédité de 10 % d'intentions de vote. C'est d'ailleurs là sa grande victoire : avoir réussi à contraindre le candidat socialiste, à qui il s'était vigoureusement opposé en 2008, à pencher vers la gauche.

Mais le candidat du Front de gauche est aussi un allié de poids au PS : il est en effet devenu le plus redoutable pourfendeur du Front National, auquel il livre une bataille farouche avec des mots très durs, "front contre front". Usine après usine, quartier après quartier, banlieue après banlieue, Mélenchon arrache des voix à l'ultra droite en récupérant l'électorat populaire tenté par le discours xénophobe et protectionniste de Marine Le Pen.

Et qu'on adhère ou non à ses idées, c'est vraiment jubilatoire. Même ses ennemis idéologiques lui reconnaissent le charisme, la combativité et un talent certain pour faire basculer les opinions et transformer le rejet initial en adhésion, ou du moins inciter ses interlocuteurs à prêter attention à ses arguments. Ses meetings ont des airs de grands spectacles ; des centaines de personnes font la queue avant l'ouverture des portes, agitent des drapeaux rouges, entonnent des chants révolutionnaires et une sorte de communion immédiate s'opère avec le candidat qui, à peine monté sur scène, propose aux militants "d'ouvrir une brèche en abattant le pouvoir de Sarkozy et de la vermine fasciste" (l'extrême droite).

L'expérience du Front de gauche est un cas d'école : dispersés, les partis de la gauche radicale, les communistes, les écologistes, soit toute la galaxie anti-libérale, peinaient à se faire entendre. En revanche, une fois unis, ils sont parvenus à peser dans la vie politique du pays. Personne ne peut se passer de 10 % des votants. Jean-Luc Mélenchon mène deux batailles de front, celle de ses idées et l'autre, fondamentale, pour "battre politiquement la droite et l'extrême droite. Si nous le faisons en France, même pour élire un modéré, nous montrons à toute l'Europe qu'il est possible de se débarrasser des libéraux."

 

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