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25 mars 2012

Pinçon-Charlot et Michel Pinçon : Sociologie de la "richesse inopinée"

 
"La richesse inopinée. Les gagnants du Loto face à quelques millions d'euros". Conférence à l'ENS de Lyon le 25 novembre 2010
Publié le : 28 décembre 2010
monique_pincon_charlot87x67.jpg Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon sont sociologues, anciens directeurs de recherche au CNRS et membres du laboratoire «Cultures et Sociétés Urbaines» (CSU-Paris 8). Issus de la sociologie urbaine, ils travaillent ensemble depuis 1987, date à partir de laquelle ils ont centré leurs travaux de recherche sur la haute société, noblesse fortunée et grande bourgeoisie, un objet d'étude à leurs yeux trop négligé par les sociologues. En effet, ils sont convaincus qu'«on ne saurait comprendre la société sans en connaître les sommets» (Sociologie de la bourgeoisie, p.5), là où se cumulent toutes les formes de richesse. Les nombreux ouvrages qu'ils ont publiés sur le sujet analysent, dans une démarche anthropologique, les pratiques et les rites, la sociabilité, la culture de l'entre-soi et la logique de transmission de cette classe fortunée : Dans les beaux quartiers (1989), La Chasse à courre, ses rites et ses enjeux (1993), Voyage en grande bourgeoisie (1997), Sociologie de la bourgeoisie (2000), Les Ghettos du Gotha (2007)... pour n'en citer que quelques uns. Ils mettent au jour les habitus de classe et les mécanismes de reproduction sociale des grandes familles, dans le prolongement des travaux de Pierre Bourdieu. Leurs recherches montrent que le concept de classe sociale garde sa pertinence dès lors qu'on prend pour objet d'étude la bourgeoisie, «un groupe apparemment composite», mais qui constitue l'unique réelle - et dernière ? - classe sociale au début du XXIème siècle, la seule à exister objectivement et subjectivement. La réflexion des deux sociologues s'alimente d'un intense travail de terrain, fait d'entretiens et d'observations en contexte (beaux quartiers, réceptions, cercles, châteaux, chasse à courre..), mené au cours de leurs nombreuses enquêtes dans les milieux fortunés.

Après avoir exploré les modes de vie de la haute bourgeoisie et de la noblesse, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot déplacent cette lecture sociologique de la richesse «légitime» vers celle, inattendue et soudaine, des «grands gagnants» du Loto et de l'Euro Millions (Les Millionnaires de la chance. Rêve et réalité, Payot, mars 2010). Les deux sociologues s'étaient déjà intéressés aux nouveaux entrants dans le monde de la richesse avec Nouveaux patrons, nouvelles dynasties (1999). Mais il s'agit cette fois véritablement d'analyser «la métamorphose du pauvre en riche» puisque 90% des gagnants sont d'origine modeste. Comme dans leurs études précédentes, les deux sociologues s'appuient un travail de terrain approfondi pour décrire l'apprentissage de la richesse par des individus et des familles qui n'ont ni les compétences, ni le carnet d'adresse, ni les codes sociaux ou le langage des «héritiers». Les services d'accompagnement proposés aux grands gagnants par la "Française des Jeux" participent à cette initiation à la richesse, que ce soient les moments de convivialité lors d'invitations dans des établissements de luxe, les ateliers de formation aux produits financiers et au marché immobilier, ou les groupes de parole sur les relations avec les proches, le don, «la trahison de classe»... Cette première socialisation à l'univers de la richesse, étranger à la plupart des joueurs enquêtés, contribue à l'acculturation permettant d'intérioriser peu à peu les usages de la société fortunée. Elle les aide à légitimer leur statut de riche et à affronter la «violence symbolique» de l'argent et des espaces réservés aux privilégiés qu'ils ont désormais les moyens de fréquenter.
Déconstruisant l'image souvent négative des gagnants au Loto véhiculée par les médias, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot observent que ceux-ci ne renient pas leur milieu d'origine et restent fidèles à leurs valeurs et leurs visions du monde malgré le changement de position sociale. L'appropriation du gain s'avère plus ou moins bien réussie selon les familles et la présence de facteurs favorisant l'intégration de la richesse dans l'existence, tels une passion à laquelle on va pouvoir se consacrer ou un patrimoine familial que l'on souhaite entretenir et épanouir. Les deux sociologues soulignent les effets contradictoires du gain selon le contexte social et familial. Ainsi, il peut exacerber les tensions familiales en réactivant certains ressentiments ou en bousculant les hiérarchies établies. Dans d'autres cas il peut contribuer à renforcer les liens d'une famille déjà soudée ou la cohérence d'une communauté locale et amicale. L'enquête montre que, dans la majorité des cas, le gain engendre une «consolidation des dispositions» et une «inflexion de trajectoire» de vie plutôt qu'un bouleversement, car les joueurs avaient des projets, des rêves, des désirs à accomplir. Il apparaît comme une «ouverture des possibles» qui permet de construire une autre existence. Lorsqu'il s'inscrit dans la trajectoire sociale des gagnants, lorsqu'il est intégré dans leur histoire personnelle et sociale, il devient alors l'instrument de la réalisation de soi-même : «Pour les gagnants qui assument leur position sociale, leur éducation et les valeurs qui les ont construits, le gain permet à leur nouvelle vie d'être vécue comme accomplissement de soi en tant que réalisation sans entrave des dispositions inscrites en eux» (Les Millionnaires de la chance, p.194).

C'est ce travail d'analyse de la richesse inattendue des gagnants du Loto et de son apprivoisement que nous vous proposons de découvrir dans ce dossier, avec une conférence donnée par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot à l'ENS de Lyon le 25 novembre 2010, intitulée «La richesse inopinée, les gagnants du Loto face à quelques millions d'euros». Elle s'inscrit dans le cycle de conférences "Au fil du travail des sciences sociales" organisé par la section sociologie de l'ENS de Lyon (pour plus d'informations sur ce cycle, voir notre rubrique Agenda).

La conférence de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot.


Vidéo 1 : La présentation des sociologues
 

Vidéo 2 : Les questions du public
 

Les questions :
1. Depuis quand existent les groupes de parole organisés par la Française des Jeux ? Pourquoi les a-t-elle mis en place ?
2. Comment êtes-vous entrés en contact avec la Française des Jeux ? Est-ce cette institution qui a commandé l'enquête et pourquoi ?
3. La "culture du secret" est-elle propre aux gagnants du loto ? Ne la retrouve-t-on pas chez d'autres, en particulier chez les plus aisés ?
4. Quel est le rôle des jeux d'argent dans la société ? Outre le fait qu'ils sont rentables pour l'Etat, ne sont-ils pas une manière de justifier les inégalités, puisque grâce au Loto n'importe qui pourrait devenir millionnaire ?
5. Avez-vous rencontré des grands gagnants qui souhaitaient intégrer la classe de la bourgeoisie ? Comment se passe au quotidien la confrontation entre les milieux sociaux ?
6. Y a-t-il des gagnants qui ne participent pas à l'accompagnement proposé par la Française des Jeux ? Combien de temps dure cet accompagnement ?
7. Que font les gagnants de leur argent ? Est-il parfois utilisé pour financer des entreprises, des fondations, des actions humanitaires ou caritatives ?
8. Avez-vous rencontré des grands gagnants qui n'arrivaient pas à intégrer leur gain dans un projet ou un rêve ?
9. Existe-t-il des cas où le gain produit une perte de repères importante ? Le fait que vous ayez travaillé avec la Française des Jeux n'introduit-il pas un biais dans votre analyse ?
10. Vous parlez de continuité, mais n'y a-t-il pas des formes de ruptures ou des processus d'adaptation des joueurs suite au gain ?
11. Comment situez-vous cette recherche dans le cadre de vos autres travaux ?

A propos des "millionnaires de la chance"


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Indications bibliographiques et lien utiles pour aller plus loin


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Anne Châteauneuf-Malclès, pour SES-ENS.

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