Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Visiteurs
Depuis la création 1 378 952
Newsletter
29 mars 2012

Hollande, une force un peu trop tranquille...


Sur MARIANNE

Jeudi 29 Mars 2012 à 05:00 | Lu 12025 fois I 105 commentaire(s)

 

Gérald Andrieu
Journaliste politique à Marianne chargé du suivi des partis de gauche

 

La campagne de François Hollande s'enfonce dans une douce léthargie, tandis qu'un nouveau sondage CSA le laisse à quatre points derrière Sarkozy au premier tour tout en lui assurant un succès au second tour par 53 contre 47. Pourtant, même si l'inquiétude est palpable chez les électeurs de gauche, son entourage tente encore et toujours de se montrer rassurant.

 

Sympathisants niçois du PS (Christophe Ena/AP/SIPA)
Sympathisants niçois du PS (Christophe Ena/AP/SIPA)
 

«La peur, c’est un spectre. La peur, c’est une illusion. La peur, c’est ce qui nous empêche d’avancer. Face à la peur, c’est le courage qui gagne toujours. » Mardi en fin de journée, sur le port de Boulogne-sur-Mer, sous une lumière rasante et sur fond de chalutiers amarrés à quais, François Hollande a disserté longuement sur la « peur ». Cette « peur » que voudrait « installer ou distiller », selon lui, le « Président sortant ». Mercredi à Nice : rebelote. Le couplet sur la « peur » est resservi mot pour mot. Mais il est une autre « peur » que François Hollande espérait sans doute conjurer en lançant ces « n’ayez pas peur » d’inspiration quasi papale : cette crainte et cet effroi qui s’immiscent lentement mais sûrement dans les rangs des électeurs de gauche et des responsables socialistes. « Tiendra-t-il ? », se demandent-ils ?
 
Car si la stratégie initiale de François Hollande a fonctionné en début de campagne, il y a tout lieu de s’interroger aujourd’hui. Jouer la constance, la cohérence, la « normalitude » en somme, face à l’excité de l’Elysée, face à ce « Fregoli » des temps modernes, ainsi que le rebaptise un conseiller d’Hollande en référence au roi des transformistes, ça eut payé. Mais aujourd’hui ? Il est permis d’en douter.
 
Parce qu'il y a d’abord ces foutues enquêtes d’opinion. Dans le staff d’Hollande, on fait mine de ne pas s’en inquiéter. Et l’on continue encore aujourd’hui à se gausser des « scores inouïs » que prêtaient les instituts de sondages à leur candidat il y a quelques semaines : « Une victoire nette à la présidentielle tourne en fait aux alentours des 52% », assène ainsi un proche. Et pour un autre cacique socialiste d’expliquer que même si Hollande baisse au premier tour, il reste très largement au-dessus du « score traditionnel du PS » qui se situe selon lui « aux alentours de 22% ». Et le vote Mélenchon qui grimpe comme le lierre sur les murs d’une vieille bâtisse ? Il y aurait ce que certains socialistes appellent une sorte de « cycle vertueux » : si Mélenchon monte trop haut, le vote utile sérieusement ancré dans l’inconscient collectif de l’électorat de gauche ferait sa réapparition comme par enchantement. Et si le candidat du Front de gauche progresse ces derniers temps, ce serait justement parce que les électeurs auraient bien compris qu’il n’y a pour l’heure aucun risque à ne pas le voir qualifié au second tour. En plus, le report de voix au second tour fonctionnerait à plein ou presque. Bref, tout irait au mieux dans le meilleur des mondes.
 
Mais il en est au Parti socialiste qui ne partage pas cet optimiste. « Ils ne se rendent pas compte de ce qu’il se passe parce qu’Hollande perd 0,5 point par 0,5 point, analyse par exemple un ponte de Solférino, C’est un peu comme un père de famille qui ne se rendrait pas compte que son fils chaque jour grandit un peu plus. Mais quand l’oncle ou la tante leur rendent visite, eux, ils voient bien que le gamin est plus grand ! » En clair, celui que Sarkozy a rebaptisé le « sucre » fond doucement dans le grand bain de la campagne, mais les plus proches observateurs ne le verraient pas. Parce qu’ils ne pourraient pas et ne voudraient pas le voir.
 
Mais il n’y a pas que les sondages. La campagne d’Hollande elle-même interroge. Une campagne plan-plan, de bon père de famille, qui possède aussi peu de souffle qu’Hollande en a désormais pour déclamer ses discours. Hollande s’inspire de Mitterrand ? Certains ne lui trouvent plus aujourd’hui qu’une force trop tranquille. « Il mène une campagne de conseiller général », tente de rassurer un cacique socialiste, « Il parle à des catégories les unes après les autres. Récemment il a parlé aux parents d’élèves, aux responsables socialistes européens, aux acteurs de la culture. Evidemment, si vous n’en faites pas partie, vous ne pouvez pas vous enthousiasmer. Mais à eux, ils leur a parlé ». Mais c’est justement lorsqu’il s’est adressé au pays dans son entièreté, quand il n’a surtout pas tenté de répondre comme un boutiquier aux demandes catégorielles et corporatistes, qu’Hollande a pris son envol. C’était au Bourget où il a servi un discours volontaire et combattif à haute teneur républicaine.
 
Rééditer le Bourget ? Jean-Pierre Chevènement, lors d’un entretien, lui avait d’ailleurs soufflé cette idée d’organiser rapidement un grand meeting en région parisienne. Malheureusement, entre temps, Jean-Luc Mélenchon a repeint au rouleau et en rouge la place de la Bastille. La comparaison aurait été dure à soutenir si ce nouveau meeting avait été organisé dans la foulée. Mais la grand-messe viendra. Ce devrait être pour le 15 avril, soit une semaine tout juste avant le premier tour, en plein air à Vincennes.
 
Mais plus important, reste la question du fond. Ses idées, son programme ? « Tout est sur la table », affirme fréquemment François Hollande comme pour mieux souligner que son adversaire principal, Nicolas Sarkozy, lui, n’a toujours présenté aucun projet. Là encore, ce qui avait été une force, un gage de sérieux, en début de campagne, apparaît comme un handicap. Une campagne est une guerre de mouvement quand Hollande lui semble être un adepte de la guerre de la position. Et pourtant, c’est justement lorsqu’il a fait mouvement, lorsqu’il a pris des risques, quand il a dégainé des mesures « impactantes » comme on dit chez les sondeurs, à l’image de sa proposition de taxer à 75% les revenus au-dessus d'un million d'euros par an, qu’Hollande a de nouveau fait une percée.
 
Depuis, les quelques rares sorties qu’il s’est autorisée sont toutes (pour faire court) plus ou moins d’inspiration terra novesque. Il en va ainsi de son idée de supprimer le mot « race » de la Constitution française. Il en est de même d’une autre idée exprimée récemment : permettre à tous les lycées de France d’envoyer en classes préparatoires 5% à 6% de leurs meilleurs élèves. Une mesure qui serait inspirée d’une proposition de loi déposée il y a plusieurs années par son actuel directeur de la communication Manuel Valls.
 
Ce qui permet de s’interroger sur l’entourage de François Hollande qu’il semble vouloir à tout prix concilier. Hollande à la tribune ? C’est du Aquilino Morelle (sa plume), du républicain pur sucre avec pour « seul adversaire », comme on s’en souvient, « le monde la finance ». Le reste du temps, Hollande fait... du Hollande agrémenté d'une pointe de Valls et d'une pincée de Moscovici. En définitive, il sert un socialisme gentiment réformateur avec un peu de discrimination positive par ci et de multiculturalisme par là. Mais une présidentielle ne se gagne pas sur une synthèse. Elle ne se gagne pas plus en saucissonnant le peuple en clientèles qu'il faudrait satisfaire. Elle ne peut pas non plus se gagner sur le seul antisarkozysme. Elle se remporte sur une vision pour le pays dans laquelle chacun peut se retrouver. C'est elle et elle seule qui peut faire se volatiliser la « peur ».

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Derniers commentaires
Archives
Publicité