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15 avril 2012

Albert Jacquard votera Mélenchon : « Il me fait penser à Jaurès »

 

Albert Jacquard chez lui à Paris le 5 avril 2012 (Audrey Cerdan/Rue89)

Albert Jacquard, le généticien « indigné » de 86 ans, publie un livre avec Stéphane Hessel (« Exigez ! Un désarmement nucléaire total », Stock) et votera Mélenchon. Il a décidé de le faire savoir.

« Mes forces sont déclinantes », reconnaît le vieil homme. Parfois comparé à un « abbé Pierre laïc », il vient d’être mis à la retraite forcée de la radio (il animait une émission sur France Culture jusqu’à récemment). Sa voix peine à se faire entendre, mais il a encore beaucoup à dire :

« J’ai envie d’écrire “désapproprions-nous”, disons à tous les humains que rien sur la Terre ne leur appartient. »

Au soir de sa vie, le scientifique apparu sur les écrans télé lors de la réquisition de l’immeuble de la rue du Dragon par Droit au logement, à Paris en 1994, vient aussi de sortir un livre de souvenirs, « Dans ma jeunesse » (Stock).


Dans ma jeunesse (Stock)

Il y explique « comment on devient soi-même » et revient pour la première fois sur l’accident de voiture qui l’a défiguré à l’âge de neuf ans.

Un tram a percuté la voiture familiale. Son frère de 5 ans et ses grands-parents sont morts, son père a été blessé. Voici comment il décrit l’événement :

« Un choc de fin du monde, suivi d’un silence qui semble définitif. J’ouvre les yeux et me vois moi-même debout au milieu de la route ; dédoublé, je suis à la fois cet enfant blessé, extérieur à lui, figé comme une image, et moi qui le regarde, incapable, durant un court instant, d’un mouvement ou d’une sensation, mais contraint d’accepter l’irréparable : mon univers vient, en un instant, d’être bouleversé. »

Ce livre-là, il a eu « de la peine » à l’écrire, confie-t-il :

« Je ne savais pas que ça me libérerait. Ça m’a transformé de le dire. »

Il voit dans son alliance avec Stéphane Hessel l’occasion de donner plus d’audience à ses opinions anciennes sur le nucléaire :

« On est en train de suicider l’humanité et personne ne réagit ; c’est monstrueux. »

Albert Jacquard serait-il en train de transformer l’indignation du nonagénaire en programme politique, de faire une OPA sur la campagne présidentielle ? Pas si vite. L’utopiste a juste décidé d’expliquer sur qui se portera son choix.

Rue89 : Si vous étiez candidat à l’élection présidentielle, quel message porteriez-vous ?

Albert Jacquard : Je serais le candidat des mutations, pas le candidat des crises. Moi, je pense que la crise n’existe pas. Une crise, par définition, ça passe. On dit bien une crise de toux, de larmes... Là, elle n’est pas destinée à passer. On édulcore l’événement en faisant comme si elle allait disparaître.

Là, on est dans une mutation, un appel au renouveau, c’est-à-dire que ce qui était bon avant ne l’est pas nécessairement après, c’est une occasion extraordinaire de tout changer. Il est normal de revoir le système économique, sanitaire... Or, dans cette campagne, personne ne profite de l’occasion pour définir ces mutations. Les politiques ont peur du changement, ils n’y croient pas.


Exigez ! Un désarmement nucléaire total

Cette campagne parle peu d’utopie et beaucoup de chiffres.

C’est une vraie maladie ces chiffres. Si j’allume la télé, il ne se passe pas trois minutes sans qu’il y ait un pourcentage d’augmentation qui diminuera, comme l’autre jour Sarkozy nous a expliqué que ça baissait, ce qui signifiait que ça montait... On a une fascination pour les nombres car on croit qu’ils permettent d’accéder à la vérité.

Néanmoins, le chiffre de la dette est une réalité....

Je voudrais bien la définir cette réalité. Pourquoi on n’en parlait pas il y a dix ans ? Je crois que le moment grandiose où on a oublié les nombres, c’est à la Libération : on a supprimé certains critères économiques comme l’inflation, et on s’en est sorti. Le Conseil national de la résistance était une utopie totale... Réalisée !

Que pensez-vous des candidats ?

Ma sympathie va naturellement à François Hollande. L’autre [Nicolas Sarkozy, ndlr], on ne peut pas lui faire confiance, il se moque du monde de façon éhontée, il a dit tout et son contraire.

Je me suis trouvé en sa présence, invité par un ami à la remise d’une Légion d’honneur. On m’a présenté à lui, il m’a serré la main et a tourné la tête. Il aurait pu avoir envie de me connaître, mais non. Il n’est même pas poli, et j’ai senti une espèce de mépris de sa part. On ne sent aucun souffle.

Et Hollande ?

Ce n’est pas l’homme d’un grand souffle. Au premier tour, il y a Mélenchon. Je voterai pour lui, même en ayant le sentiment de ne pas faire mon devoir qui serait de voter pour Hollande afin d’éviter que Sarkozy revienne. Je suis sensible à sa vigueur, à sa façon de me faire penser à Jaurès. J’espère ne pas faire une sottise au premier tour en laissant Sarkozy trop devant.

Mélenchon, il a une bonne tête, aucun doute, il a une sincérité qui est le contraire de ce que provoque Sarkozy. Si j’avais pu, je serais allé à La Bastille.

L’élection est très personnalisée...

C’est dommage. Apparemment, on a besoin d’un grand homme. Mélenchon, c’est un tribun, voire un populiste, mais pourquoi pas écouter le peuple ?
Avec Sarkozy, on est sûr d’avoir l’horreur, avec Hollande on aura sans doute des choses moins grandioses, mais qui sait ?

Vous prônez toujours une décroissance joyeuse ?

Oui, et je ne serais pas triste qu’on supprime Las Vegas. En tant qu’espèce consciente, nous pouvons développer une réflexion sur l’objectif : pourquoi Las Vegas ? La dernière fois que je suis passé aux Etats-Unis, j’ai été frappé de voir que toute la côte Est était éclairée en continu de New York à Boston. Mais pour quoi faire ? Ce gâchis d’énergie pourrait être supprimé.

Il faut réfléchir ensemble : à qui appartient le pétrole ? Dire qu’il appartient à Abu Dhabi est ridicule, il appartient aux 7 milliards d’hommes. Les ressources ne peuvent être que mondiales.

Pourtant, au sommet de Copenhague, en 2009, les Etats ont été incapables de se mettre d’accord...

Il faut réessayer, que les égoïsmes nationaux disparaissent. On en est loin si on regarde l’Europe ces temps-ci. De toutes façons, ou bien c’est la fin totale avec la guerre nucléaire, ou bien on admet qu’il faut tout repenser.

 

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Commentaires
L
Merci Jocelyne.. Cet homme-là, c'est un grand sage...
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