Défense: Souveraine et altermondialiste

Sur LE PARTI DE GAUCHE

Lundi 16 Avril 2012

  Maxime Prieto

Jean-Luc Mélenchon présentait le vendredi 30 mars à Paris le projet de Défense du Front de Gauche. C’est « un sujet qui est souvent extérieur [à la campagne présidentielle] alors qu’il devrait y occuper une place centrale » annonçait le candidat en guise d’avant-propos. Car il ne s’agit pas moins de comprendre le rapport de force entre les Etats et de réfléchir à la place de la France dans le concert des Nations du XXIème siècle. Issu des travaux des commissions défense du Parti de Gauche et du PCF, le programme du Front de Gauche propose une orientation qui tranche avec celles de ses concurrents et adversaires. Présentation.

Les Etats-Unis en crise d’hégémonie

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les relations internationales ont été structurées par le conflit entre l’Est et l’Ouest. Depuis la fin de la Guerre Froide, privés de leur meilleurs ennemis soviétiques, les USA doivent s’inventer un nouvel adversaire pour légitimer leur domination. Au péril communiste succède le choc des civilisations, théorisé dans les années 1990 par Samuel Huntington et repris par les dirigeants états-uniens. L’ordre géopolitique du monde ne reposerait plus sur des clivages idéologiques mais sur des oppositions culturelles plus floues qu’Huntington décrit comme “civilisationnelles”, où la religion joue un rôle fondamental. Les attentats du 11 septembre 2001 servent alors de validation de cette thèse. Les interventions militaires en Afghanistan et en Irak s’inscrivent dans cette logique de choc des civilisations.

Depuis 20 ans, le budget de la Défense états-unienne a doublé. On peut établir un parallélisme avec l’Union Soviétique dans le poids de la bureaucratie militaire. La multiplication des agences d’intelligence, le développement de l’économie d’armement, son poids sur l’économie totale, sa manière de se choisir des prétextes, des catégories avec lesquelles elle passe des pactes, en relation avec l’idée qu’elle se fait de l’organisation du monde… Le lobby militaro-industriel a rempli une fonction particulière dans le fonctionnement des États-Unis d’Amérique à partir de la présidence Reagan. Terriblement endettés, c’est l’économie d’armement qui permet la relance de l’économie états-unienne générale. On peut observer que depuis la chute du Mur de Berlin, le budget de défense des Etats-Unis a doublé. Il représente aujourd’hui 50% du total additionné des dépenses des budgets de défense dans le monde.

Sortir de l’OTAN, créer de nouvelles alliances

Beaucoup plus instables économiquement que certains veulent bien le croire, les Etats-Unis n’acceptent pas que l’on puisse remettre en cause la qualité de monnaie de réserve du dollar, qui leur permet jusqu’à présent de maintenir leur suprématie. Mais leur déclin paraît inéluctable, la Chine et les autres pays émergents devraient les rattraper prochainement.

Dans ce contexte, l’OTAN n’apparaît plus que comme le bras armé des intérêts des Etats-Unis. La dynamique actuelle est d’étendre les compétences de l’OTAN à la terre entière pour en faire le noyau d’un système d’alliances globales, toujours sous le seul commandement de l’état-major américain. Faute de diplomatie et de stratégie commune, l’Union Européenne s’est alignée sur cette orientation atlantiste, sans se rendre compte qu’elle allait à l’encontre de ses propres intérêts.

La France n’est pas un pays occidental, elle est universelle. Patrie républicaine, elle peut occuper une place singulière dans le monde. Elle doit refuser son assujettissement atlantiste dans lequel Nicolas Sarkozy l’a mené en décidant unilatéralement de réintégrer l’OTAN. La France ne peut également se satisfaire de la proposition de François Hollande de vouloir simplement « redonner du sens à notre présence dans le commandement intégré de l’OTAN ».

En cas de victoire aux élections, Jean-Luc Mélenchon et le Front de Gauche annonceront rapidement le retrait de la France de l’OTAN et réaffirmeront la reconnaissance de la seule légitimité de l’ONU en matière de sécurité collective. C’est vers une alliance altermondialiste que se tournera alors la France.

Les nations émergentes qui souhaitent par leur influence grandissante, notamment économique, rééquilibrer l’organisation du monde et s’affranchir de la tutelle du dollar, constitueront un premier point d’appui. La francophonie et les pays de la Méditerranée en seront deux autres solides, car nous avons en commun des pratiques culturelles qui nuanceront l’hégémonie de la culture anglo-saxonne.

Renouer le lien de l’armée avec la Nation

La France qui se met au service de la paix ne peut être privée des moyens de se défendre. Le Front de Gauche s’engage à travailler pour le désarmement nucléaire multilatéral. Mais pour l’instant, faute de mieux, la dissuasion nucléaire reste l’élément essentiel de la protection du territoire national. Aussi, le budget militaire ne devrait pas être réduit pour ne pas paralyser ses capacités opérationnelles. Comme dans beaucoup de services publics, le Front de Gauche en finira avec la RGPP. Un pôle public de l’armement sera crée pour se libérer des logiques financières. Il planifiera la production en fonction des besoins de la nouvelle stratégie. L’État doit conserver ou acquérir une part importante dans les groupes impliqués. Les recours et participations donnant à des groupes liés à d’autres puissances, des pouvoirs de surveillance ou de contrôle sur nos décisions seront écartés. Les externalisations et privatisations de certaines missions militaires seront également abandonnées. L’Armée française n’a pas à avoir recours à des mercenaires.

Le Front de Gauche soutient l’autorisation pour les militaires de se syndiquer (auprès d’organisations confédérées du travail). Cela ne remettrait en aucun cas l’expression de leur patriotisme ou l’acceptation d’une discipline inhérente à leur métier.

« La grandeur de la République est pour moi une idée claire. Quand d’autres veulent la diluer dans la soumission au marché et à l’atlantisme, je crois que son destin, depuis Valmy, est de résister, de vaincre et d’inspirer. »Jean-Luc Mélenchon

Maxime Prieto

L’allocution de Jean-Luc Mélenchon, le 30 mars 2012 au Cercle Républicain (Paris) :