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20 avril 2012

(2/2) Les marchés et l’Europe ou une politique de gauche

Suite et fin de mes commentaires à propos de l’interview de Nicolas Doisy (Chief economist chez Chevreux) par François Ruffin, sur les élections, Hollande, la pression des marchés.

Dans ce deuxième article, il sera surtout question du choix que devrait faire Hollande, d’après Doisy et dans le cas où il serait élu, entre l’Europe libérale et l’austérité ou la mise en œuvre d’un programme de gauche.
A la fin du précédent article, j’en étais resté au fait que pour Doisy c’était évident, comme Mitterrand en 83, Hollande choisirait l’Europe et devrait trouver une formule pour vendre ce renoncement à ses électeurs de gauche.

4) Mais pourtant, Hollande a répété qu’il voulait renégocier le traité budgétaire…

Doisy : On a bien entendu ce week-end, François Hollande qui dit « oui, croyez moi, ça va être du sérieux ma renégociation du traité ». Il est bien obligé, parce que avant de gagner le deuxième tour, faut gagner le premier. On voit la montée en puissance de Mélenchon. Il va bien falloir que Hollande commence à donner quelques gages à sa gauche, et c’est là que ça va devenir un peu plus compliqué pour lui, c’est pour ça qu’il est resté très prudent jusqu’à présent dans son expression publique.
Ruffin : François Hollande dit « je vais demander la renégociation du dernier traité européen », vous, vous écrivez ça : « François Hollande va avoir à naviguer à travers des forces dans la gauche, notamment à cause du référendum manqué de 2005, et dans cette perspective, vous écrivez, il serait politiquement intelligent que ses pairs de l’eurozone, ses partenaires allemands, belges italiens et ainsi de suite, permettent à François Hollande de prétendre qu’il leur a arraché quelques concessions, même si c’est faux en réalité.


La demande de renégociation du traité serait alors utilisée pour tromper le public français, pour rouler – j’ai lu to ‘trick’ : rouler, tromper – pour tromper le public français, en lui faisant accepter des réformes convenables, dont celle du marché du travail. »
Doisy : Je voudrais préciser un point : les gens de marché s’expriment de façon très directe, ça paraîtra peut être excessif a beaucoup de vos auditeurs. Maintenant, c’est vrai que voilà, on ne va pas s’embarrasser de finasserie. De « rouler » les électeurs français, c’est peut être un mot quand même excessif, l’idée c’est de dire : ce sera une concession en quelque sorte de façade qui aura été faite à François Hollande et au peuple français entre guillemets, de façon à ce que tout le monde constate qu’à la fin des fins, il les faut bien les autres réformes.

Nico : Je pense qu’il n’y a rien à ajouter ici, c’est cynique et brutal, mais je pense malheureusement que c’est ce qui pourrait se passer.

5) …ou au moins le compléter, comme Jospin en 97 ?

Ruffin : Ce que vous dites c’est, admettons, y a un sommet à Bruxelles, François Hollande demande une partie sur la croissance, les autres européens ils vont faire comme si « bon ben d’accord, on t’accorde ça », il rentre ici en France en disant « regardez ce que j’ai obtenu », et du coup il peut dire derrière « eh ben, en échange nous on va libéraliser notre marché du travail ».
Doisy : Vous avez parfaitement compris le sens de mon propos, c’est exactement ça. C’est une petite mise en scène, c’est un petit théâtre.
Ruffin : C’est déjà un peu ce qu’il s’est passé en 1997 : en 1997, Lionel Jospin est élu avec la gauche plurielle en disant ce pacte de stabilité, négocié par Chirac, je n’en veux pas, donc il va à Amsterdam, on lui fait rajouter Pacte de stabilité et de croissance, et il revient en disant « regardez y a le mot croissance dans le titre ».
Doisy : Vous avez tout compris. C’est pas l’exemple que j’avais en tête quand j’ai écrit la note, mais oui vous avez raison, c’est exactement ça. Alors certains pourraient considérer que c’est une manipulation, moi je pense pas que ce soit une manipulation, c’est juste une façon d’arrondir les angles, on va dire, voilà.

Nico : Alors là, ce parallèle avec 1997 m’a vraiment intéressé, et du coup j’ai mené ma petite enquête, parce que j’avoue que je ne me souvenais pas de cet épisode avec Jospin sur le traité d’Amsterdam…il faut dire que j’étais en train de passer mon bac en juin 97, je n’avais pas vraiment la tête à ça.                                                                                                                                            Il y a un mois, j’ai écrit au moment du vote sur le Mécanisme Européen de Stabilité au Parlement que j’avais été déçu de l’abstention du PS et pas du tout convaincu par cette volonté de renégociation de Hollande, qui refuse par ailleurs de s’appuyer sur un référendum pour négocier avec la force du peuple derrière lui. Ensuite, quand la renégociation s’est progressivement transformée en combat pour l’ajout d’un volet sur la croissance, ça a confirmé mes inquiétudes…mais en découvrant ce qu’il s’était déjà passé en 97 avec Jospin, avant, pendant puis après les élections législatives de l’époque, je me suis dit que décidemment, il se moquait du monde.

 

Pour rappel, en 97, Chirac avait à la surprise générale dissout l’Assemblée, ce qui avait provoqué des législatives début juin.

 

Avant cela, il avait adopté en décembre 1996 un pacte de stabilité et de croissance à Dublin. Il s’était d’ailleurs battu pour faire ajouter le mot croissance… Ce pacte constituait la première étape vers l’élaboration d’un Traité modifiant celui de Maastricht, qui devait être validé les 17-18 juin 97 à Amsterdam, avant d’être signé puis ratifié par les parlements nationaux. Le timing ressemble donc beaucoup à celui d’aujourd’hui avec des engagements pris avant une élection importante et un possible changement de majorité suite à ces élections. A partir de là, avec des extraits d’articles de Libération de l’époque (ici, ici, ici, ici et ici), je retrace la chronologie des événements…attention, contrairement aux apparences, ce n’est pas de la politique fiction, ce que vous allez lire n’est pas ce qu’il pourrait se passer dans quelques semaines si Hollande était élu, ça a déjà eu lieu…

Acte 1 : Avant et pendant la campagne des législatives : le PS s’oppose vigoureusement au Pacte de stabilité négocié par Chirac fin 1996

9 novembre 1996, Michel Sapin : «Nous refusons un pacte de stabilité qui serait limité à la seule question des déficits budgétaires. Nous proposons un pacte de stabilité et de croissance.» 

  

22 avril 1997, Lionel Jospin : «Si, pour respecter le critère de 3%, il faut imposer une nouvelle cure d’austérité au pays, avec le taux de chômage qui est le nôtre et la faiblesse de la demande, ma réponse est non. Non au respect absolu du critère de 3%».
Ensuite, pendant la campagne, Lionel Jospin annonce vouloir renégocier le pacte de stabilité et demande que les relations entre les pays participant à l’euro soient fondées «non sur un pacte d’austérité, mais sur une pacte de solidarité et de croissance».   

21 mai, Jospin : «Le pacte de stabilité ajoute des conditions qui ne sont pas dans le traité de Maastricht. Le pacte de stabilité, c’est du super-Maastricht, et c’est une concession que le gouvernement français a faite absurdement aux Allemands ou à certains milieux allemands. Donc, je n’ai aucune raison de me sentir engagé par rapport à cela. Je ne vois pas pourquoi l’Europe devrait continuer, pendant dix ou quinze ans, à être une zone de basse pression économique par rapport aux autres grands ensembles économiques.»

 

Acte 2 : Victoire du PS aux élections début juin : 10 jours pour faire bouger le texte du Traité avant le sommet d’Amsterdam

7 juin : Interrogé sur ses intentions, Lionel Jospin est apparu plus qu’embarrassé. Mais en son for intérieur, le choix est fait : le nouveau gouvernement a en effet décidé de ne pas s’opposer à l’adoption du pacte, lors du prochain sommet européen d’Amsterdam. L’idée est de le «compléter» par un renforcement de la coordination économique et un volet « emploi », afin de ne pas laisser la future banque centrale européenne seul maître à bord de l’Europe de la monnaie unique.                                                                  Reste donc à habiller ce retour au réalisme sans paraître se déjuger complètement.                                                                                                                      8 juin : La commission de Bruxelles est prête à jouer les bons offices pour que la France se sorte la tête haute de cette affaire. Yves Thibaut de Silguy,

 

commissaire européen chargé des questions monétaires est passé à Bercy pour prodiguer quelques idées et conseils au nouveau ministre des Finances, Dominique Strauss Kahn, avant la réunion du Conseil des ministres des Finances des Quinze, à Luxembourg.
Pour le symbole, Silguy propose de rebaptiser le pacte de stabilité et de croissance, en ajoutant les mots «et d’emploi». Le mot «croissance» avait déjà été adjoint pour complaire au gouvernement Juppé. A ce rythme, on parlera du «pacte de stabilité, de croissance, d’emploi, de prospérité, de bien-être, de joie et de bonheur».
Selon nos informations, Dominique Strauss-Kahn, ira porter la bonne nouvelle dimanche soir, à Luxembourg, à ses collègues étrangers.

Acte 3 : Sommets de Luxembourg puis d’Amsterdam : le PS obtient des concessions symboliques et prétend s’en être sorti par le haut…

15 juin : Le ministre de l’Economie et des Finances, Dominique Strauss-Kahn, est depuis hier soir à Luxembourg pour exposer à ses homologues européens la position française. Avant de partir, il a eu instruction de délivrer un message très ferme quant à la volonté française de rééquilibrer le pacte de stabilité par la constitution d’un gouvernement économique.


Helmut Kohl a lâché un peu de lest en acceptant l’insertion d’un chapitre sur l’emploi, qui ne prêtait pas à conséquence car Bruxelles n’acquérait ni pouvoir ni fonds en matière de lutte contre le chômage.                                                                                                                          17-18 juin à Amsterdam : Au final, Jospin a avalisé, sans en changer une virgule, le Pacte de stabilité.
Le premier secrétaire délégué du PS, François Hollande, s’est voulu optimiste. Estimant sur LCI «dommage» que le pacte de stabilité reste «aussi rigoureux», il a ajouté que «la parole de la France avait été donnée en décembre» et qu’«Amsterdam n’est pas l’étape finale, il y aura d’autre rendez-vous».
M. Pierre Moscovici, actuel directeur de campagne de M. Hollande, est revenu en 2003 sur cette pirouette sémantique. « Le traité d’Amsterdam avait été négocié — fort mal — avant notre arrivée aux responsabilités.

Il comportait de nombreux défauts — et d’abord un contenu social très insuffisant. (…) Le nouveau gouvernement aurait pu légitimement ne pas l’approuver (…), ou à tout le moins demander de reprendre sa négociation. Ce ne fut pas notre choix final. Car nous étions confrontés à la menace d’une triple crise. Crise franco-allemande, crise avec les marchés financiers, dont les opérateurs souhaitaient l’adoption de ce traité. crise de cohabitation enfin. (…) Lionel Jospin choisit, à juste titre, de déplacer le terrain, en cherchant à la fois un repli élastique et une sortie par le haut. »   

Le 8 avril 98, pour calmer le jeu devant le mécontentement exprimé par certains au sein du PS (Mélenchon et Fabius notamment), Lionel Jospin prévoit déjà de donner du grain à moudre sur le thème: puisque Amsterdam est un ratage, passons à autre chose. Au final, Amsterdam est ratifié par le Parlement grâce aux voix conjuguées d’une majorité de socialistes, d’UDF et de chiraco- juppéistes. 

Nico : Je pense que tout ça se passe de commentaires, j’avoue que j’ai halluciné personnellement en lisant ces articles de Libération, journal qui soit dit en passant, et comme le Nouvel Obs, a toujours accompagné ces renoncements successifs des socialistes à faire évoluer l’Europe dans une autre direction. Toujours avec un style mi-critique, mi-résigné, du genre « ce traité est mauvais, mais il faut le voter quand même, c’est mieux que rien, et il faudra faire mieux la prochaine fois. »

En bonus, j’ai retrouvé cette vidéo exceptionnelle de Dominique Strauss Kahn, en pleine forme au soir du Sommet de Luxembourg précédant Amsterdam.

 

Comme expliqué ci-dessus, il vient dans la journée d’annoncer aux partenaires européens que Jospin signera le Traité en l’état, et le soir, au 20 heures, il vient fanfaronner et expliquer qu’au terme d’un combat acharné, la France a obtenu le renforcement de la coordination économique, qui va contrebalancer le pouvoir de la BCE (il n’y a qu’à voir comme c’est le cas aujourd’hui), ainsi qu’un volet sur l’emploi, etc, etc…Bruno Masure lui signale quand même que la presse allemande estime que la France a lâché sur tout, mais DSK ne se laisse pas démonter pour autant, et avec beaucoup de talentarrive parfaitement à vendre ce renoncement, et à inciter ses électeurs à aller de l’avant, l’Europe sociale est pour demain !

Je la trouve terrible cette vidéo, parce qu’à l’époque, j’étais convaincu par ce genre de discours, j’aimais bien DSK d’ailleurs, je pensais sincèrement qu’à chaque nouveau Traité, les socialistes se battaient pour infléchir l’Europe dans le sens du social, arrachaient des petites victoires, et qu’un jour ils parviendraient réellement à changer les choses.


Personnellement, j’ai mis beaucoup de temps à changer d’avis, à ne plus y croire, ça date seulement de 2004-2005 finalement, parce que j’ai découvert d’autres sons de cloche que Libé ou le Nouvel Obs, et j’ai eu alors l’impression de m’être fait rouler (comme dirait Doisy) pendant trop longtemps.

6) Au final, ce sont encore les marchés et l’Europe libérale qui vont gagner ?

Ruffin : Je vous propose 3 cas de figure.
Le cas n°1, François Hollande est conciliant et il revient de lui même sur ses maigres promesses de campagne et il libère le marché du travail et en finit avec le CDI comme norme de travail.
Cas n°2, il lui faut une petite pression de ses partenaires européens, une petite concession qui lui sert de prétexte, et derrière il libéralise le marché du travail.
Cas n°3, il refuse de se plier à ce programme, à cette injonction, et alors les marchés vont le punir, le rappeler sérieusement à l’ordre. Dans les trois cas c’est toujours les électeurs qui seront déçus et les marchés qui gagnent ?
Doisy : Oui, oui. Eh bien, regardez la Grèce, regardez l’Espagne, regardez l’Italie, regardez tout ce qui se passe en Europe depuis 2010, on a bien vu que de toute façon, à la fin, c’est le marché qui l’emporte. Donc, c’est de ce point de vue-là que je le dis, oui en effet. Vous avez raison, les électeurs risquent d’être plus perdants que les marchés.

Nico : Pour Doisy, les choses sont claires, quoi qu’il arrive, les électeurs seront déçus par Hollande qui choisirait, en cas d’élection, l’Europe et les marchés, et appliquerait l’austérité comme ses voisins… Au vu de ce qui précède, des précédents de 81-83, de 1997, j’en suis convaincu aussi…sauf si

7) Epilogue : le réveil du peuple ou l’effondrement de la zone euro, deux hypothèses sous-estimées par Doisy

Ruffin : Je propose un quatrième cas, l’irruption du peuple sur la scène de l’Histoire.
Hier, à Paris, y avait 120 000 manifestants à l’appel du Front de gauche. Si, comme en 1936, on avait une élection suivie de mouvements de masse, de manifestations, de grèves…

Doisy : Qu’est-ce qui se passerait en Europe ? Ben là je crois que c’est le gros coup d’angoisse, parce que si, quand les grecs manifestent, on a déjà une Europe qui se sent sur le point d’exploser, je vous laisse imaginer pour la France. C’est bien pour ça que je passe mon temps à répéter dans cette note que j’espère bien que François Hollande se souvenant de ses années de formation en 81-83 auprès de François Mitterrand évitera précisément de laisser se développer ce genre de scénario à nouveau, ou en d’autres termes trouvera la formule politique qui lui permet de vendre les réformes à la population française d’une façon qui soit acceptable…

Nico : C’est très instructif de voir comment l’hypothèse d’une réaction violente du peuple français en cas de mise en œuvre de mesures d’austérité inquiète Doisy, même s’il la sous-estime sans doute, puisqu’il pense que de belles formules de Hollande pour enrober le tout suffiraient à calmer les gens.

De façon plus large, je pense en effet que tout se passerait comme en 97…si on était en 97…mais nous ne sommes pas à la veille de l’euro, dans une Europe encore en train de se construire et dans une période de relative croissance. Nous sommes en pleine crise de l’Europe, à deux doigts de l’effondrement, de la sortie de certains pays de la zone euro, et en pleine récession.
Un couvercle a été mis provisoirement sur la marmite avec l’injection des milliards de la BCE et le défaut partiel de la Grèce, mais elle est à nouveau en train d’exploser avec notamment l’Espagne qui connaît une situation sociale dramatique et des taux d’intérêt de leur dette à nouveau en forte augmentation (voir l’article de Sapir ici).
Et ça Doisy ne peut pas le voir, il est dans l’idéologie qui est complètement déconnectée de la réalité, et il répète dans sa note ce qu’il disait déjà sans doute à ses investisseurs en 83, ou en 97 : il faut flexibiliser, réduire les dépenses publiques, déréguler, etc…


Peu lui importe que ce modèle ait connu une crise monumentale en 2007, que les mesures d’austérité qu’il recommande soient en train d’entraîner la zone Euro dans la récession et d’aggraver la situation au lieu de la résoudre, le bateau fonce dans l’iceberg mais il recommande d’appuyer encore et toujours sur l’accélérateur. C’est ce que disent aussi les 2 interlocuteurs que rencontre ensuite Ruffin, pour les faire réagir à la note de Doisy :

- Interview de Serge Halimi (voir un article ici) qui partage une grande partie de l’analyse de Doisy sur les renoncements du PS depuis 83, estime aussi que ce dernier ne surestime pas la pression des marchés et la contrainte européenne qui s’abattrait sur un Hollande élu, mais qu’il sous-estime largement la gravité de la crise et la probabilité d’une réaction populaire très forte. (bande son ICI)


- Interview de l’économiste Jacques Sapir,(bande son ICI dans l'article source)

 

 

 

C’est en quelque sorte aussi la position d’Emmanuel Todd (voir ici), qui à la surprise de beaucoup appelle à voter Hollande plutôt que Mélenchon. Il fait le pari du Hollandisme révolutionnaire, c’est à dire que, selon lui, ce sont les circonstances historiques de l’effondrement de l’Europe qui vont empêcher Hollande de se contenter de compléter le Pacte de rigueur par le mot « croissance », vendre ce énième renoncement aux électeurs comme en 97, et appliquer ensuite des mesures d’austérité.

 

Quoi qu’il en soit, après tout ça, difficile de rester optimiste avant ces élections…finalement les trois cas probables dans le cas d’une élection de Hollande seraient :
1) Il trahit ses électeurs qui veulent une politique de gauche, applique la rigueur sous la pression des marchés et des voisins européens, et la France renonce peu à peu à son modèle social. Il fait le sale boulot finalement au nom de l’Europe, en allant plus loin que Sarkozy.
2) Il commence comme ça, mais la crise européenne s’amplifie, des pays quittent l’euro, l’Europe s’effondre, mais il refuse de changer d’orientation…là, le peuple se révolterait certainement, et je ne sais pas quelles en seraient les conséquences…
3) Devant la crise et l’effondrement de l’Europe, il accepte de changer radicalement d’orientation, de tourner le dos à 30 ans d’Europe libérale, et tente de mettre en place une autre politique en s’appuyant sur des gouvernements voisins qui seraient prêts à le faire aussi.

Tout ça n’est pas très réjouissant, l’option 3 a ma préférence mais par défaut bien sûr, parce que qui peut souhaiter l’effondrement de l’Europe ainsi que des révoltes populaires violentes. Et puis par ailleurs, je ne suis pas du tout un révolutionnaire dans l’âme, je suis un réformiste, je souhaite que les changements d’orientation se fassent par le vote puis par des politiques de gauche appliquées, pas par la violence.
Mais en même temps, l’histoire a montré que sans la pression du peuple après l’élection d’un gouvernement de gauche modérée, rien ne se passe. En 36, ni les congés payés, ni les 40 heures, ne figuraient dans le programme du Front Populaire. Et finalement, après des grèves et manifestations très importantes, c’est à la quasi-unanimité, que les députés votent, au mois de juin 1936, ces mesures sociales. Avec Roosevelt aux Etats-Unis, cela a été la même chose, la pression du peuple a permis la mise en œuvre du New Deal.

 

 

 

Conclusion sur le vote utile

 

Comme je l’ai dit, j’ai cru pendant longtemps aux promesses socialistes de mettre en œuvre une Europe sociale, mais depuis 2005 c’est fini, trop c’est trop, et cette histoire d’ajout du mot « croissance » m’a fait réellement bondir. Je pense, comme Doisy, qu’un Hollande président décevrait une fois de plus les électeurs de gauche, et qu’une bonne partie de ses maigres propositions sociales (sur la fiscalité des hauts revenus notamment) passeraient malheureusement à la trappe au profit d’une politique de rigueur.

 

Par contre, en dehors de Hollande, il y a des gens à gauche comme Montebourg et Mélenchon, qui sont pour l’Europe et ont soutenu sa construction pendant longtemps sous Mitterrand, mais ont évolué, ont réalisé chacun à leur façon que désormais plus aucune politique de gauche n’était possible en restant dans le cadre des traités actuels.
Si Montebourg avait été le candidat socialiste, j’aurais sans doute voté pour lui au premier tour, parce que je pense comme lui que pour construire une autre Europe, pratiquer une politique de relance, et maintenir notre modèle social, une certaine forme de protectionnisme européen est absolument nécessaire. Et même si Mélenchon l’évoque dans son programme, je trouve qu’il n’en a pas assez fait un point central de son discours. Alors que, pourtant, les gens sont massivement convaincus de cela, comme le montre un sondage très récent (plus d’infos ici) dont je reparlerai.

 

Mais Montebourg ne se présente pas, et par ailleurs, Mélenchon est parfaitement clair dans son opposition au Traité budgétaire, au MES, et dans sa volonté de faire un référendum pour demander leur avis aux français. Je trouve en plus qu’il fait une très belle campagne, en ayant réussi à susciter l’espoir de beaucoup à gauche, et peut être à récupérer des électeurs populaires qui jusque là s’étaient détournés de la gauche pour aller au Front National.


J’avoue (désolé pour les lecteurs du Front de gauche de ce blog) que je ne crois pas vraiment à la possibilité d’un Mélenchon au second tour, mais je pense par contre, que pour les gens sincèrement de gauche qui voteront Hollande au second tour avec l’espoir d’une alternative et pas seulement pour battre Sarkozy, le vote utile au premier tour c’est Mélenchon.
Si Hollande est élu, la pression du peuple sera importante pour infléchir sa position, mais une gauche du PS forte d’un très bon score au premier tour le sera tout autant.



Voilà, ça n’engage que moi mais c’est dit ! Après, je ne suis absolument pas certain que ce soit gagné pour Hollande, je pense qu’il faudra se méfier jusqu’au bout de Sarkozy et de son talent en campagne.

 

Bonus : Une autre vidéo que je trouve exceptionnelle, je suis tombé dessus sur le site de l’INA en cherchant des infos sur 97. Il s’agit d’un débat pendant la campagne des élections européennes de 1999.


Premier choc, on a l’impression que ça aurait pu être enregistré hier soir : on retrouve Arlette Chabot et Duhamel aux commandes et sur le plateau au début Sarkozy, Hollande et Bayrou, avec en plus Hue. Ensuite, je vous conseille de prendre juste 10 minutes, de zapper le micro-trottoir du début et d’écouter au moins les intros de chacun d’entre eux. Je trouve que c’est un document d’histoire quasiment, sur la façon dont l’idée européenne a été « vendue aux français » comme dit Doisy par ce trio et les partis qu’ils représentent.

 

- Sarkozy dit clairement que pour lui, l’Europe va permettre de moderniser (entendez libéraliser) la France, et de se débarrasser enfin de son modèle social archaïque.

- Bayrou lui nous fait la pédagogie d’une Europe trop loin des gens, qui doit se rapprocher d’eux, être plus transparente, parce que si les gens ne sont pas enthousiastes sur cette Europe c’est parce qu’on ne leur a pas assez expliqué son intérêt pour eux.

- Et bien entendu Hollande, qui après avoir rappelé qu’avant tout l’Europe c’est la paix, reconnait tout à  fait que cette Europe (que les socialistes ont construit pas à pas rappelons-le) est pour l’instant trop libérale, que c’est surtout un marché et que ça ne peut plus durer. Désormais, il faut aller vers une Europe de l’emploi, et surtout une Europe sociale.



13 ans après, quand je regarde ça, je me dis d’une part que c’est évidemment Sarkozy qui a gagné, puisque c’est l’Europe dont il rêvait qui s’est poursuivie, et qui aujourd’hui encore sert à libéraliser et à détricoter les acquis sociaux. Mais à la limite, il l’a toujours dit et souhaité, ça a le mérite de la franchise et de la cohérence. Et à tout prendre, je préfère cette franchise que le discours socialiste sans cesse martelé sur l’Europe qui va devenir sociale, propagande à laquelle j’ai cru longtemps, mais que je trouve scandaleuse aujourd’hui.

 

Dernier point aussi, quand je vois que dans la suite de l’émission, face à ce trio + Robert Hue qui critique mollement l’Europe libérale, les opposants  à cette ligne étaient Charles Pasqua, De villiers, Le pen et Mégret, je comprends mieux aussi pourquoi j’y croyais à l’époque. Avec une telle opposition, le débat en était réduit à choisir le camp de l’Europe ou le repli xénophobe nationaliste, alors forcément, difficile de ne pas choisir l’Europe dans ces conditions.

 

Je pense qu’un de ces jours, je vais regarder l’émission en entier parce que c’est flippant mais passionnant de regarder ça avec 13 ans de recul.

 

 

 


 

 

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