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7 mai 2012

Hollande et MES: «Si on gagne l'élection, on renégociera le traité»

Sur MEDIAPART

 

| Par Lénaïg Bredoux

 

François Hollande revendique depuis des mois son «sérieux» budgétaire et affirme qu'il veut mettre du «sens» dans la rigueur. En Corrèze, dont il est le président du conseil général, il vient de voter un plan d'économies de plus de 11 millions d'euros, en contrepartie d'une aide de l'Etat pour le département le plus endetté de France. Un cas d'espèce qui illustre la méthode et la politique Hollande. Entretien.

Vous venez d'adopter un vaste plan d'austérité en Corrèze. En quoi ce département est-il votre laboratoire?

François Hollande. Il prouve qu'au-delà de l'endettement du conseil général qui est l'héritage de la majorité précédente, il y a en Corrèze, comme ailleurs, une impasse financière. Elle est provoquée par des compensations de prestations insuffisantes, par une montée continue des dépenses liées au vieillissement de la population et à l'absence de recettes affectées pour l'autonomie. Le laboratoire est celui du dépérissement de la structure départementale, et celui de la politique de l'Etat en matière de financement de la dépense sociale.

Par ailleurs, la Corrèze est la preuve que la droite gère mal. La droite crée la dette. Dans le département, quand Chirac était président, elle a mis en place une politique d'investissement inconsidérée. Aujourd'hui, cette dette doit être honorée. Au niveau national aussi, depuis cinq ans, Nicolas Sarkozy a considérablement augmenté la dette. À un moment, il faut faire des choix. Et moi je veux faire en sorte que ces choix soient justes. Mais ce n'est pas de l'austérité...

Hollande à Strasbourg, novembre 2011. Hollande à Strasbourg, novembre 2011. © L.B.

Il s'agit tout de même de 11,5 millions d'euros d'économies avec une hausse des impôts et la diminution de prestations sociales...

L'austérité voudrait dire qu'on augmente beaucoup plus les impôts et qu'on remette en cause des prestations – ce qu'on ne fait pas, puisque toutes les allocations ont été maintenues. Elles ont, pour partie, été mises sous condition de ressources. On essaie d'éviter que ce soit pénalisant pour les familles modestes et moyennes.

C'est votre «rigueur juste»?

C'est du sérieux. Et c'est de la justice. On fait du sérieux dans la justice et de la justice dans le sérieux.

Pourquoi n'avez-vous pas choisi de vous opposer frontalement à l'Etat, et d'en faire un exemple, en dénonçant l'insuffisance des transferts financiers vers les départements, comme ont pu le faire la Seine-Saint-Denis ou la Saône-et-Loire?

Si je ne l'avais pas fait, et opté pour une politique de rupture consistant à dire «je ne veux pas de votre argent, dégagez», il fallait que j'augmente beaucoup plus les impôts. Je ne voulais pas faire payer aux gens un conflit politique. Moi, je n'ai pas ces 11 millions d'euros... D'autres départements pouvaient le faire, comme la Seine-Saint-Denis car si elle compte beaucoup de pauvres, elle dispose aussi d'une richesse économique plus importante. Quant à la Saône-et-Loire, Arnaud Montebourg a dû augmenter beaucoup plus les impôts et supprimer davantage de prestations que moi en Corrèze.

En Corrèze, tout le monde vous compare à Jacques Chirac, y compris pour votre manière de faire de la politique. En quoi assumez-vous cette comparaison?

Je ne l'assume pas du tout. Je l'ai combattu pendant des années, à la fois au plan local et au plan national. Et je n'ai pas la même méthode: j'essaie d'avoir une relation plus durable. Je ne suis pas dans une relation clientélaire. Je ne sers pas des catégories, j'essaie de servir les populations et d'être proche. Ce qui est vrai, c'est que Chirac avait cette méthode de la proximité. Cette méthode est celle de la démocratie locale tout simplement!

Il faut voir ce qu'était le système Chirac, il y a vingt ou trente ans: c'était un système de contrôle qui a coûté cher avec des emplois fictifs payés par la mairie de Paris, des correspondants et un journal local payé par Dassault... Moi je ne suis pas dans un système. Je me mets au service de la population. J'essaie d'être plutôt aimable, et lui l'était d'ailleurs... Parce qu'il vaut mieux l'être!

Vos proches, comme vos adversaires, évoquent un «pacte de non-agression» entre vous et Bernadette Chirac. Pourquoi?

Quand j'ai été élu en mars 2008, je ne voulais pas tomber dans la mesquinerie, je ne voulais pas donner l'impression que je réglais des comptes. Je n'avais aucune raison d'être dans l'agressivité. Nous sommes des gens courtois. Bernadette Chirac a aussi apporté des choses: on était embêté avec le musée Chirac qui est totalement démesuré et coûte très cher. La seule façon pour le faire vivre est d'avoir des expositions de renom et elle les a apportées. Ce qui ne nous a pas empêché de diminuer substantiellement les dépenses de personnel de cette structure... On est en bonne intelligence. Et c'est bien qu'il en soit ainsi. Chirac n'est plus président. Je n'avais pas de raison de poursuivre un combat politique qui avait cessé.

Pourquoi n'avez-vous pas déposé de recours lors de la cantonale qui a donné gagnante Bernadette Chirac avec une voix d'écart? Partout ailleurs, cela aurait été le cas! Sans compter qu'on vous reproche de ne pas avoir beaucoup soutenu le candidat socialiste en septembre...

Cette élection, il fallait la gagner en mars. Le candidat ne voulait pas faire de recours... Après, de toute façon, ce n'était plus possible.

Lors de la primaire, en Corrèze, plusieurs figures du chiraquisme ont voté pour vous. En quoi ces électeurs, et les déçus du sarkozysme plus généralement, peuvent jouer un rôle crucial lors de la présidentielle?

Il y a une dimension locale: ce sont des chiraquiens qui se disent qu'il serait bien d'avoir un président pour la Corrèze. Sur le plan national, je rencontre aussi des gens qui ont voté Chirac et qui ne veulent pas le faire pour Nicolas Sarkozy. Ce n'est pas négligeable. Il y a bien sûr eu la phrase de Chirac (appelant à voter Hollande - ndlr), qui était de l'ordre de la plaisanterie et qu'il n'aurait sans doute pas prononcée s'il avait vu qu'il était filmé. C'est un électorat qui est toujours précieux dans une campagne présidentielle parce que celle-ci se joue toujours à peu de choses. Au second tour, c'est bien de les avoir. Mais je ne fais rien pour les capter... Nicolas Sarkozy a senti la menace: il est venu pour la première fois en Corrèze au printemps dernier, notamment pour montrer qu'il était proche de Madame Chirac.

En Corrèze, on sent que vous travaillez en bonne intelligence avec les élus communistes. Mais que c'est un peu difficile avec les écologistes... Pourquoi?

C'est vrai. Il faut bien comprendre que la Corrèze est un département où l'influence communiste était très significative. Le PCF faisait 25% des voix il y a encore vingt ans; il était dominant à gauche, plus important que le PS. Quand j'ai été élu député en 1988, j'ai battu le député sortant, Jean Combasteil, qui était communiste. J'ai été ensuite son adjoint à la mairie de Tulle. Et quand j'ai repris la ville de Tulle en 2001, je lui ai demandé d'être le premier adjoint et le président de la communauté de communes. J'ai beaucoup de respect pour le Parti communiste localement. Je suis un grand partisan de l'union de la gauche avec les communistes.

Et moins avec les écologistes?

Ils sont moins influents. Leur élu au conseil général est un ancien socialiste. Ce n'est pas la même force ni la même histoire que le Parti communiste. Je les avais quand même pris à la mairie de Tulle avec moi... Mais c'est vrai que c'est un partenaire difficile.

Certains à gauche nous ont dit en Corrèze qu'ils attendaient désormais de vous un «coup de barre à gauche»: ont-ils raison?

Oui, ils ont raison! Mais on l'a donné depuis le départ. Par exemple, lors des investitures aux cantonales, il y avait beaucoup de candidats du Front de gauche. Ils ont deux vice-présidents au conseil général... Après, sur les politiques, on fait ce qu'on peut avec les moyens dont on dispose. On mène des combats, et j'essaie d'avoir une démarche respectueuse des partis et de la démocratie. On discute. C'est ça être à gauche...

Mais y compris des gens au PS le disent...

Je fais ce que je peux avec les moyens qui me sont donnés. Et ils ne sont pas vastes.

Soit une situation comparable avec celle de l'Etat si vous gagnez la présidentielle... Sans compter les contraintes imposées par le traité européen proposé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel...

On ne pourra pas l'accepter. Si on gagne l'élection, on renégociera le traité.

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