Agences de notation : les "Big three" n'ont qu'à bien se tenir

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Markus Krall veut lancer la première agence de notation à but non lucratif pour casser l'oligopole de Moody's, Fitch et S&P. Interview

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Les trois grandes agences de notation sont très critiquées pour n'avoir pas vu venir la crise des subprimes américains. Il leur est aussi reproché de dégrader à retardement la note des États. © Montage Le Point.fr/AFP

La première agence de notation à but non lucratif est sur les rails. Après avoir dessiné les grandes lignes du projet, le cabinet de conseil allemand Roland Berger va passer la main pour éviter tout conflit d'intérêts avec ses analystes financiers : c'est désormais Markus Krall qui est chargé de lui donner vie. Mercredi matin, il a détaillé le plan de bataille de la nouvelle agence devant la mission d'information du Sénat sur les agences de notation présidée par la socialiste Frédérique Espagnac. Il s'est montré confiant sur sa capacité de réussir, malgré les nombreux obstacles qu'il reste à franchir. Il répond aux questions du Point.fr.

Le Point.fr : Quelles différences y aura-t-il entre vos notes et celles des agences de notation privées ?

Markus Krall : La principale différence viendra de la façon de noter. Le processus sera plus transparent et commencera par une évaluation quantitative. Alors et alors seulement suivra une évaluation qualitative. Ce sera une approche beaucoup plus mathématique et beaucoup plus scientifique que celle des agences de notation actuelles. Chacun pourra évaluer la pertinence du modèle mathématique que nous utiliserons. Nous souhaitons le mettre gratuitement à la disposition de ceux qui le souhaitent sur Internet. Les notes ne se feront plus derrière des portes closes, mais sur Internet : elles seront moins chères à produire, plus faciles à faire comprendre et surtout plus transparentes. Chacun pourra faire des remarques ou relever des erreurs.

Un des principaux problèmes identifiés avec les agences de notation actuelles est qu'elles sont rémunérées par les émetteurs de dette, ce qui est une source de conflit d'intérêts. Qui devra payer pour se faire noter par votre agence ?

Au début, ce seront toujours les émetteurs, car nous ne serons pas en mesure d'établir un système de notes payées par les investisseurs, comme nous le souhaitions au départ, sans le soutien des autorités de régulation. Mais nous continuons à promouvoir activement cette idée. Car nous pensons que cela crée plus de transparence, plus de compétition et que cela évite les conflits d'intérêts.

Quel est l'intérêt de passer par le statut de fondation à but non lucratif ?

C'est la fondation à laquelle appartiendra l'agence de notation, chargée de récolter les fonds nécessaires à sa création, qui sera à but non lucratif. Elle garantira aux notes leur caractère de "bien public". L'agence, elle, pourra générer du profit. La question de savoir ce qu'il faudra en faire n'est pas tranchée. À terme, il pourrait être redistribué aux investisseurs sous forme de baisse du prix de la note. Les profits pourraient aussi remonter vers la fondation pour être utilisés pour des causes d'intérêt général. Nous ne disons pas qu'une organisation à but non lucratif est meilleure en soi qu'une agence classique. C'est un modèle alternatif qui vient en complément, et nous verrons comment le marché réagit à ce modèle.

Combien d'investisseurs avez-vous convaincus de vous suivre dans votre projet jusqu'à présent ? De combien d'argent avez-vous besoin pour vous lancer ?

Nous avons déjà 13 investisseurs - pour l'heure, tous européens - prêts à apporter chacun 100 millions d'euros. Ils devraient signer probablement dans les deux mois à venir. Notre objectif est de lever 300 millions d'euros. Nous n'y parviendrons sans doute pas dans les deux mois, mais cela n'a pas d'importance puisque nous pouvons commencer à mettre en place l'agence avec ce que nous aurons déjà, avant de récolter le reste de la somme nécessaire.

Quand votre agence sera-t-elle opérationnelle ?

Après que nous aurons récolté les fonds nécessaires au lancement, cela prendra à peu près un an pour créer les infrastructures, la méthodologie, le système d'information, le recrutement... Nous commencerons à noter les États, ensuite nous passerons aux banques, puis les entreprises et enfin les produits structurés (comme les CDO, NDLR).

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