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17 mai 2012

L’actualité de la crise : À EN AVOIR LE TOURNIS, par François Leclerc

 
17 mai 2012 par François Leclerc | Print L’actualité de la crise : À EN AVOIR LE TOURNIS, par François Leclerc

Billet invité

Les évènements se précipitent.

La crise financière des banques grecques a pris à Athènes le relais de l’impasse politique. Un retrait massif des dépôts estimé à 1,2 milliards d’euros est intervenu lundi et mardi dernier. Il s’est poursuivi mercredi, à un rythme semble-t-il moindre, s’inscrivant dans le contexte d’une recapitalisation inaccomplie des banques, en raison d’un désaccord entre celles-ci et le gouvernement. Celui-ci porte sur le contrôle qu’il est appelé à exercer en échange : les grandes familles propriétaires grecs résistent ! Car le Fonds de stabilité européen a bien versé le 19 avril dernier les 25 milliards d’euros prévus à cet effet, qui sont pour l’instant sur un compte bloqué par le gouvernement grec… Les élections sont entre-temps intervenues.

C’est dans ce contexte que l’on a appris la décision de la BCE de cesser de prêter au moins provisoirement des fonds à quatre banques grecques non identifiées, car il semblerait que leurs fonds propres soient devenus négatifs. Celles-ci n’ont désormais plus d’autre ressource que de puiser dans l’  »assistance d’urgence en liquidité » (ELA) que la Banque de Grèce peut leur procurer avec l’autorisation de la BCE. Faute de celle-ci, l’ensemble du système bancaire grec s’effondrera. Ce mécanisme représente un grand moyen de pression dans les mains de la BCE, qui peut à tout instant fermer le robinet.

Depuis Dublin où il prononçait une conférence, Charles Dallara de l’Institute of International Finance (IFF) a mis en garde contre les conséquences d’un effondrement du système bancaire grec, ce qui a fait l’effet d’une douche froide sur des esprits européens un peu trop vite échauffés et se prenant à leur propre jeu. Quand l’IFF parle, les dirigeants écoutent.

David Cameron, depuis Londres, a évoqué « des territoires inexplorés comportant d’immenses risques pour tout le monde », tandis que Mervyn King, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, a estimé que la zone euro « se déchire sans aucune solution évidente », menaçant une économie britannique déjà en péril ainsi que le système bancaire.

En mettant en avant ces dangers, David Cameron entend bien exonérer sa propre politique de toute responsabilité dans l’aggravation de la situation britannique. Mariano Rajoy met de son côté en garde les Espagnols devant le risque d’être coupés des marchés financiers (ce qui est déjà largement le cas pour les banques) ou de devoir se financer à un coût très élevé (ce qui est le cas ce matin), si le déficit public n’est pas réduit grâce aux mesures qu’il propose. Les dirigeants européens utilisent la crise qu’ils ont contribué à approfondir pour justifier la poursuite de ce qu’ils ont si bien entamé.

En attendant, le marché obligataire continue à se tendre fortement, suivant un scénario bien établi. Le taux espagnol à dix ans montait ce matin à 6,33 % et l’italien à 5,84 %. Il ne va pas être possible de longtemps continuer à repousser les échéances en gardant les bras croisés.

De son côté, la BCE est prise dans un dilemme. Elle joue un rôle essentiel de temporisation de la crise, tout en craignant ainsi de conforter l’attentisme de ceux qu’elle maintient la tête hors de l’eau. Mais comment éviter que la crise ne se propage à l’Espagne et à l’Italie si elle décidait de stopper ou de ne pas renouveler ses mesures exceptionnelles ? Avec pour seul et ultime rempart un Fonds de stabilité aux ressources limitées, un Mécanisme européen encore dans les limbes et un FMI dont l’intervention ne serait pas sans conséquences, puisqu’il préconise une politique « à l’américaine » ?

Il est généralement considéré que la BCE renouvellera si nécessaire son opération en deux temps d’injection massive de liquidité dans le système bancaire, afin d’agir en prêteur de dernier ressort (indirectement en direction des États). Mais cette éventualité se heurte à la question des collatéraux que les banques devront alors lui fournir en garantie, le talon d’Achille de cette stratégie.

La BCE rencontre à ce sujet l’opposition des banques centrales nationales, qui sont dépositaires de ce collatéral et qui ne veulent pas baisser encore leur seuil de qualité pour à nouveau en accepter. Avec derrière elles leurs actionnaires, représentés par des gouvernements pas prêts à en assumer le risque. Comme le souligne un article du Financial Times, cela reviendrait à faire entrer par la porte de derrière la mutualisation que représentent des eurobonds qui attendent devant celle de devant.

En refusant d’assumer ce risque elle-même, la BCE récolte ce qu’elle a semé. Même si elle a incité les banques centrales nationales à pratiquer une importante décote de 53 % sur les actifs qu’elles prennent en garantie. Mais on retombe alors sur un problème de pénurie. Car plus la décote est grande, plus les banques doivent fournir d’actifs pour emprunter un montant donné, alors qu’elles continuent d’avoir terriblement besoin de fonds et que le contexte actuel est très tendu.

Comme déjà constaté, la BCE est au mieux en mesure de rendre chronique une crise qui sans elle serait aigüe. Mais cela a un prix, qu’il faut payer. Il consiste à déplacer le risque de la périphérie au centre du système financier européen, et aux États si la BCE se soustrait.

La suite, très brièvement. Une vidéo-conférence entre dirigeants européens est annoncée pour cet après-midi. Le « G8″ se réunit à Camp David vendredi et samedi.

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Les CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION viennent de paraître.

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