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4 juillet 2012

L'Amérique du Sud entre la voie Lula et la voie Chavez


Sur OMER sc.po.


Olivier Dabène, professeur à Sciences Po, chercheur au CERI
 
LES GRANDES LIGNES :
 
- Il y a consensus, en Amérique latine, pour rejeter le modèle néo-libéral imposé par les institutions internationales dans les années 1980.
 
- La phase actuelle est marquée par le retour de l'Etat et de la politique, mais par des voies différentes, plus parallèles qu'opposées.
 
- L'Amérique latine, riche en matières premières, bénéficie de l'augmentation des cours. La croissance repose sur l'exportation de ces matières premières. Les gouvernements cèdent à la facilité en utilisant la rente de manière clientéliste.
 

- Au Venezuela, les revenus pétroliers (95% des exportations) financent la politique sociale de la révolution bolivarienne de Hugo Chavez.
 
- Au Brésil, l'exportation de matières premières contre l'importation de produits finis chinois fait craindre un début de désindustrialisation.
 
- Sur le plan social, les allocations conditionnées du gouvernement brésilien aux plus pauvres donne des résultats. On manque de données claires sur l'impact des « missions » chavistes ciblant certains secteurs de la population.
 
- Au niveau international, les différences sont très grandes. Anti-impérialiste, antiaméricain, le Venezuela s'allie avec les « Etats voyous » ; soucieux de « tenir son rang » dans le monde, le Brésil mène une politique plus apaisée, notamment vis-à-vis des Etats-Unis.
 
- Sur le continent, le chavisme est en perte de vitesse. Chavez est malade et les voisins du Venezuela n'ont pas de pétrole. La voie brésilienne fait aujourd'hui l'unanimité.
 
EXPOSE
1. Le rejet unanime du modèle néo-libéral
Deux voies s'offrent à l'Amérique latine. Des voies, plutôt que des modèles, car les stratégies de Luiz Inácio Lula da Silva et de Hugo Chavez ne sont ni réplicables ni exportables.
En Amérique latine, il y a toujours eu des modèles de développement économique et politique. C'est un continent assez consensuel de ce point de vue. Au moment où il entre dans la modernité et commence son insertion dans l'économie internationale, à la fin du 19e siècle, prévaut un modèle très libéral, reposant sur le commerce international. Après les années 30, pendant un demi-siècle, l'Amérique latine essaie de s'industrialiser, sous l'égide d'un Etat fort. Cela bute sur la crise des années 1980. Puis, pendant une vingtaine d'années, le « consensus de Washington » se fonde sur une option très néo-libérale, axée sur la promotion du commerce, l'ouverture à la compétition internationale, la démocratie.
Aujourd'hui, on est dans une phase de rejet de cette période. C'est la raison pour laquelle l'Amérique latine est presque totalement gouvernée à gauche. Mais il y a divers degrés de radicalité du rejet. C'est ce qui fait la différence entre les options suivies par les Etats. On observe partout, sur le continent, la volonté de réhabiliter l'Etat comme promoteur du développement et le politique comme régulateur de la société. On est passé du tout marché au tout politique ou au tout Etat. Pour l'Amérique latine, c'est une forme de retour aux années 1950 et 1960.
Le volet social du modèle antérieur a fait l'objet de nombreuses critiques sur le continent.  Même les organismes multilatéraux à l'origine des choix néolibéraux – Banque mondiale, Banque interaméricaine de développement – reconnaissent que les politiques d'ajustement mises en œuvre pendant ces années-là ont eu un coût social important. Pauvreté et inégalités se sont accrues. Il faut donc corriger ces déséquilibres sociaux.
Cela s'accompagne d'un rejet des imperfections de la démocratie. Dans tout le continent, on s'efforce aujourd'hui d'améliorer la qualité de la vie démocratique et du respect des droits de l'Homme.
Plus largement, l'idée d'une insertion de l'Amérique latine dans l'économie mondiale reposant essentiellement sur le libre échange est remise en cause. Ce rejet global fait l'objet d'un consensus sur le continent. On parle parfois de « consensus de Buenos-Aires », par opposition au « consensus de Washington ».
A partir de là, différentes voies s'ouvrent. Les régimes de Chavez et Lula sont trop exceptionnels pour pouvoir être dupliqués ailleurs que dans leur pays. Leurs choix ne sont pas exportables. Le Venezuela, c'est une rente pétrolière gigantesque et le Brésil est, à lui seul, un continent. Mais les deux leaders incarnent – ou ont incarné, pour Lula, qui n'est plus au pouvoir – deux voies possibles.
 
2. Une économie de rente
Les choix sont d'abord économiques. Il est néanmoins difficile de faire le partage entre ce qui découle de politiques publiques et ce qui ressort de la conjoncture très particulière de l'Amérique latine. Depuis une décennie, cette dernière a la très grande chance de profiter des cours exceptionnels de la plupart de ses produits d'exportation. La forte croissance que cela favorise n'a, en fin de compte, pas grand-chose à voir avec les choix des politiques.
Hugo Chavez a été élu pour la première fois en 1998. Un an après, les cours du pétrole se sont envolés. Du coup, sa révolution a bénéficié de moyens illimités. La conjoncture internationale favorise aussi le Brésil et tout le reste de l'Amérique latine, qui ont cette immense chance d'exporter des matières premières, dont le continent regorge et dont les cours atteignent des niveaux record.

La croissance made in China 
Sur le plan économique, Brésil et Venezuela incarnent deux voies plus parallèles qu'opposées. L'option choisie par les gouvernements de la décennie précédente, qui consistait à faire reposer la croissance sur les exportations de matières premières, n'a pas été remise en cause. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui, en Amérique latine, « une croissance made in China » car ce sont les importations chinoises qui la tirent.
Composées à 95% de pétrole, les exportations du Venezuela sont « une caricature ». Au Brésil aussi, la croissance dépend beaucoup des importations chinoises. Cela a pour conséquence un problème dont on parle de plus en plus : la désindustrialisation. L'ampleur des achats chinois rend le pays de plus en plus dépendant des exportations de matières premières alors qu'il importe de Chine de plus en plus de produits industrialisés. Cette « re-primarisation » de l'économie est préoccupante pour l'avenir.
Le modèle dit « extractiviste » se retrouve sur tout le continent. Pétrole, or, argent, cuivre, étain, lithium, produits agricoles, dont les cours flambent, sont autant d'incitations à le pérenniser.
 
3. Entre démocratie participative et présidentialisme autoritaire
Sur le plan politique, les différences sont plus nettes entre l'option vénézuélienne et l'option brésilienne. Depuis dix ans, il y a eu, au Brésil, la volonté d'approfondir la démocratie et la problématique des droits de l'Homme. Le parti de Lula a gagné les élections sur le thème de la démocratie participative.
Au Venezuela, en revanche, on constate une dérive autoritaire du régime, qui a déteint sur certains autres pays. Mais l'accent est également mis sur la démocratie participative. Des efforts sont faits à l'échelle locale pour créer des espaces de participation.
Tous les régimes de gauche, en Amérique latine, ont à cœur d'associer les citoyens à la prise de décision, surtout au niveau local. En même temps, l'exercice du pouvoir, au niveau national, est très présidentialiste, presque autoritaire. Un arsenal législatif menace un certain nombre de libertés – de presse, d'expression – et porte atteinte au jeu démocratique.
Cela n'a pas empêché Chavez de gagner une douzaine d'élections depuis 1998, dans des conditions relativement transparentes. Il n'en a perdu qu'une : le référendum de 2007 sur une réforme de la Constitution qui lui aurait permis de se représenter indéfiniment. Les sondages le donnent vainqueur du prochain scrutin, à l'automne 2012, à 54% ou 55% des voix.

Un traitement différencié de la question sociale
Le traitement de la question sociale présente aussi des différences. La méthode brésilienne consiste à organiser des transferts d'argent conditionnés. Cette méthode s'est répandue dans beaucoup de pays d'Amérique latine. Elle consiste à verser des allocations à des familles, à condition qu'elles respectent certaines règles, en particulier la scolarisation des enfants et leur suivi médical. Cette politique, ciblée sur les populations les plus vulnérables, est un pari sur l'avenir. On espère que les enfants scolarisés auront plus de possibilités d'insertion sociale. À court terme, cela donne du pouvoir d'achat à des familles pauvres. Cette méthode fonctionne assez bien. Depuis une petite dizaine d'années, le programme Bourse Famille (Bolsa Familia) du gouvernement en place a réussi à réduire à la fois la pauvreté et les inégalités. Cela ne s'était jamais produit dans l'histoire du Brésil. En outre, cette politique a le mérite de ne pas coûter cher : environ 0,6% du PIB. C'est d'autant plus intéressant pour le pouvoir que cela lui fait gagner les élections.
La méthode vénézuélienne est assez différente. Elle repose sur ce que Chavez appelle « les missions ». Ces opérations canalisent les ressources vers tel ou tel secteur de la population : les femmes, les jeunes, les pauvres, les retraités. Il n'y a pas de conditionnalité, comme au Brésil. Les sommes nécessaires sont prélevées directement sur la rente pétrolière sans passer par le budget de la nation. C'est une procédure très discrétionnaire. On accuse souvent Chavez de faire du clientélisme en canalisant des ressources importantes vers les quartiers pauvres. On ne connaît pas clairement la quantité des sommes transférées ni la façon de procéder. Il n'y a aucune transparence des données. Les enquêtes sur le terrain montrent qu'il y a des résultats, mais il est difficile de mesurer l'impact réel. Celui-ci est probablement limité. Le Venezuela affiche  des résultats intéressants du point de vue de la diminution de la pauvreté et des inégalités. Cependant, l'inflation, de l'ordre de 25% par an, rogne le pouvoir d'achat des catégories les plus pauvres.
 
4. Des politiques étrangères très contrastées
Sur le plan international, il y a une grande différence entre la voie vénézuélienne et la voie brésilienne. Chavez mène une politique étrangère « anti-impérialiste ». Il passe des alliances avec « les ennemis de l'ennemi » américain, comme l'Iran et autres « Etats voyous » (rogue states). A l'intérieur du continent, il s'efforce de former un réseau politique anti-impérialiste. Il manifeste une grande agressivité à l'égard des Etats-Unis.
Le Brésil incarne une voie beaucoup plus apaisée. Ce pays tente d'affirmer « son rang » sur la scène internationale. Il s'efforce d'avoir une relation adulte avec les Etats-Unis, sans faire mystère de son désir d'obtenir un jour un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations-Unies. Et donc, de faire partie des « grands » de ce monde. Dans la zone latino-américaine, le Brésil exerce un leadership naturel, de part sa taille, le nombre de ses habitants, le poids de son économie. Mais il n'exerce pas de réelle hégémonie, bien que l'on assiste, par exemple en Bolivie, à des manifestations contre « l'impérialisme brésilien ».
Au fond, les deux voies ne sont pas si différentes. C'est plus l'attitude personnelle des leaders qui les distingue.
 
5. L'influence dominante du Brésil
Aujourd'hui, la voie brésilienne est, de loin, la plus suivie sur le continent. L'influence de Chavez s'est réduite au petit club des pays appartenant à son alliance, ALBA (Cuba, Bolivie, Equateur, Nicaragua). Il y a encore quatre ou cinq ans, il intervenait, de façon très maladroite, dans les campagnes électorales pour essayer de faire gagner ses amis politiques. Cela s'est avéré contre productif. Cette année, le Pérou a vu la victoire d'Ollanta Humala, grâce à l'aide des spécialistes de communication brésiliens du Parti des travailleurs. Quelques années plus tôt, le même Humala, alors très soutenu par Chavez, avait perdu. La gauche modérée l'a aussi emporté au Salvador avec l'aide de communicants brésiliens. La voie brésilienne représente une gauche modérée, progressiste, qui n'effraie pas les électeurs par une excessive radicalité.
L'influence brésilienne s'affirme aussi sur le continent par l'économie. Le Brésil est en mesure de concurrencer les organismes multilatéraux pour accorder des prêts. Sa Banque nationale du développement social (BNDS) octroie plus de prêts que la Banque interaméricaine de développement. C'est devenu un acteur très puissant. Le tissu industriel brésilien conforte cette influence. L'entreprise Odebrecht (bâtiment, travaux publics, forages pétroliers) est partout en Amérique latine, y compris au Venezuela. Cela pose parfois des problèmes. En Bolivie, il y a eu des manifestations contre les Brésiliens, à l'origine d'un projet de route traversant un parc national. Cela a donné lieu à une marche indienne, qui est remontée jusqu'à la capitale pour contraindre le président à annuler ce projet.
Les Vénézuéliens ne manquent pas d'atouts non plus, grâce à la « pétro-diplomatie ». Ils ont créé un réseau, par le biais d'accords permettant à certains pays de se fournir en pétrole à des conditions financières avantageuses.
La voie brésilienne fait aujourd'hui l'unanimité sur le continent, même dans les pays les plus proches de Chavez (Équateur, Bolivie). Ces derniers ne disposent pas de la même rente pétrolière. Ils ne cherchent plus à imiter le président vénézuélien. Ils ont des projets nationaux de réformes, assez radicales, mais selon des problématiques qui leur sont propres.
 
6. Des voies en train de converger
En fait, on assiste à une sorte de convergence entre les voies brésilienne et vénézuélienne. Les deux grandes figures qui les incarnaient s'estompent. Depuis l'annonce de son cancer, Chavez est affaibli, absent. On ignore la gravité de sa maladie. Cela hypothèque l'avenir. Lula a passé la main. Il a réussi à faire élire sa candidate, Dilma Rousseff.
La convergence se fait autour de projets précis. L'Union des nations sud-américaines (Unasur), dernier avatar de l'histoire complexe du régionalisme en Amérique latine, est née en 2008 à l'initiative de la diplomatie brésilienne. Ce nouvel espace de collaboration fait l'objet d'un consensus général dans la zone, y compris avec les Etats gouvernés par la droite, comme la Colombie ou le Chili. L'agenda de cette union n'est pas commercial. Il s'agit de créer une Organisation des Etats américains sans les Etats-Unis et le Canada. Tous les pays se retrouvent autour de thèmes pourtant très sensibles, comme la défense, la sécurité, le narcotrafic, mais aussi l'énergie, les infrastructures, le développement social, l'éducation, la santé, la science, l'environnement.
Il y a également convergence autour d'un modèle de développement économique fondé sur les exportations de matières premières, la « re-primarisation ». Peu d'efforts sont faits pour s'éloigner de cette solution de facilité. Le seul à se différencier est le Brésil. Mais si, en  Amérique latine, il se comporte en pays développé, à l'échelle du monde, il se comporte en pays sous-développé. Il exporte ses produits industrialisés vers l'Amérique latine et ses matières premières vers le reste du monde. Quelque 35% des exportations du Brésil sont des produits agricoles. Tous les autres pays, à l'exception du Mexique, cèdent à la facilité et utilisent la rente à des fins clientélistes.
 
So what?- Opportunités et risques pour les entreprises
Les risques l'emportent au Venezuela ; les opportunités prévalent au Brésil.

Risques :
- Personne n'a envie d'investir au Venezuela. C'est, pour l'heure, un repoussoir.
- L'insécurité juridique et les incertitudes politiques y sont trop grandes.
- Les décisions arbitraires, discrétionnaires de Chavez contribuent à cette insécurité.
- L'attractivité du Brésil présente le risque que tout le monde « mette ses œufs dans le même panier ».
- Dans tous les pays du continent, le manque d'infrastructures, la faiblesse des échanges internationaux sont autant de handicaps.
- Le faible niveau d'éducation reste un frein.
- Autres risques : l'instabilité sociale, la corruption, le trafic de drogue et la violence.

Opportunités :
- La taille du marché, la dynamique sociale, la forte croissance des classes moyennes rendent le Brésil attractif.
- Il est intéressant d'investir dans la transformation locale des ressources pour satisfaire les besoins primaires de la population, notamment dans l'agro-alimentaire.
- Le Brésil commence à être une source d'inspiration et d'innovation pour des pays confrontés à la crise mondiale, en particulier en Europe.
- Anticiper la fin de l'ère chaviste en prenant des contacts aux Venezuela pourrait permettre d'être présent avant les autres quand la transition se produira.
 
A NOTER AUSSI…
Des échanges inter-régionaux en baisse
Les échanges économiques entre pays de la région sont plutôt en baisse. Après sa naissance, il y a une vingtaine d'années, les échanges au sein du Mercosur sont passés, en moins d'une décennie, de 6-8% à plus de 20%. La dévaluation brésilienne et la crise argentine ont bloqué cet essor. Le Mercosur n'a toujours pas remonté la pente, bien qu'il ne soit pas confronté aux mêmes problèmes de communication que les pays andins. Ces derniers ne sont jamais arrivés à faire fonctionner une union douanière. D'un point de vue commercial, l'intégration régionale n'a jamais marché en Amérique latine. Des pays dont l'économie repose sur des rentes d'extraction ne peuvent pas exporter entre eux.
30 millions de Brésiliens sortis de la pauvreté
Le grand succès du modèle Lula, c'est d'avoir fait du Brésil un pays de classes moyennes.  On estime que 30 millions de Brésiliens sont sortis de la pauvreté et ont accédé à la consommation. Il y a eu aussi une forte augmentation du nombre de millionnaires. Les catégories les moins favorisées profitent néanmoins de la croissance, si bien que les inégalités se réduisent un peu dans le pays le plus inégalitaire du continent.
Une stabilité sociale non garantie
La stabilité sociale n'est pas garantie. Le Chili, par exemple, a été une réussite économique. Il bénéficie, avec le cuivre, sa principale richesse naturelle, d'une grande stabilité des ressources. Grâce aux politiques sociales mises en place lors de la transition démocratique, la pauvreté a fortement reculé. Or, on y observe une forte instabilité sociale. La jeunesse est dans la rue en nombre. Cela ne s'était pas produit depuis très longtemps. Il est toujours difficile de mesurer l'attente des populations. L'Amérique latine doit aujourd'hui se préparer à l'après gouvernements de gauche. Quand la droite revient au pouvoir, les mouvements sociaux s'expriment dans la rue alors qu'ils étaient contenus sous la gauche. Cela couve un peu partout sur le continent, car les inégalités restent profondes.
Evo Morales, pas si indien que ça
En Bolivie, on pourrait parler d'un modèle Evo Morales. C'est un président d'origine indienne, né dans une famille aymara. Le phénomène est exceptionnel en Amérique latine. Il a voulu reconnaître une dignité, des traditions, une culture, qui avaient toujours été négligées dans son pays. Il n'est pas le premier. Dix ans auparavant, la Colombie avait déjà réformé sa constitution pour permettre une reconnaissance des us et coutumes, des cultures des populations indiennes. Mais Evo Morales a beau être indien, il ne prend pas toujours le parti des Indiens. Il avait, par exemple, accepté le projet brésilien de route traversant une zone protégée où vivent des Indiens. Il s'est montré insensible aux protestations des populations. Il a fallu une marche indienne jusque sous les fenêtres du palais présidentiel pour qu'il cède. En fait, il est du côté des producteurs de feuilles de coca. Il fut des leurs et reste président du syndicat des cocaleiros. Ces derniers étaient favorables au projet de construction d'une route pour acheminer leur production. Dans toute l'Amérique latine, le développement des infrastructures favorise l'économie informelle, illégale et criminelle.
Pas de modèle sans leader charismatique
Quel que soit le mode de transmission du pouvoir, le leadership compte énormément en Amérique latine. Même après une succession démocratique, le Brésil de Dilma Rousseff ne sera pas le Brésil de Lula. Elle n'a pas le même charisme. Au Venezuela, il y aura un jour un après-Chavez. Mais le président n'a pas envisagé lui-même sa succession. On a du mal à imaginer ce qui se passerait s'il disparaissait ou était trop affaibli pour se représenter en 2012. Il n'y a pas de « plan B ». Par analogie avec Cuba, on parle de son frère, personnalité assez effacée. Quelle que soit la personne, il paraît évident qu'il n'y aura pas de modèle Chavez sans Chavez. Il y a fort à parier qu'une grande partie de l'arsenal législatif propre à la Révolution bolivarienne sera démantelée assez vite. Mais il y a des choses qu'un éventuel successeur qui ne serait pas dans la ligne Chavez ne pourrait pas toucher. L'utilisation de la rente pétrolière à des fins clientéliste est vieille comme le Venezuela. La manière de gouverner changera. Chavez est un « télé président », capable de prendre des décisions en direct à la télévision, parfois sur de simples sautes d'humeur, sans que son entourage ait été prévenu. C'est un système très instable, qui a néanmoins été imité dans d'autres pays latino-américains. Pendant ses huit ans de présidence, par exemple, le Colombien Alvaro Uribe s'est comporté de la même façon.

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